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Full text of "Le missel romain : ses origines, son histoire"

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in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/lemisselromainse02baud 


LITURGIE 


Série  publiée  sous  la  direction  du  Révérendissime  Dom  Cabrol 

ABBÉ    UE   FAKN'BOUGUGH 


LE  MISSEL  ROMAIN 

Ses  Origines,  .^^^3^dfl!;^^ 


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.r^fÛ^^'oEUXIElVIE 


L™s!jcl|PléînerJlY    " 


PAR  JV^ 


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Do  M  JuL^R$f^*B'A,0!d; 


Bénédictin  de  Farnoorougli 


PARIS 
LIBRAIRIE   BLOUD   &    O' 

7,    PLACE    SAINT-SULPICE,    7 

I    ET    3,    RUE  FÉROU,    6,    RUE   DU   CANIVET 

I9I2 

Reproduction  et  Traduction  intercj^p^é^  v 


J^ 


NIHIL  OBSTAT 


-|-  Fr.  Ferdinandus  Cabrol. 
Abbas  Farnburgensis. 


Die  14  Septembrls  ipii 


IMPRIMATUR 

ParisiSy  die  20  Ociohrîs  ipii. 
P.  Pages,  v.  g. 


LE    MISSEL    ROMAIN 

Ses  origines,  son  histoire 

(Suite) 


TROISIEME  PARTIE 
Période  du  Missel  plénîer 


PRELIMINAIRES 


I.  Notion  du  Missel  plénier.  —  Le  Missel 
plénier  est  le  recueil  où  sont  réunies  toutes  les 
prières  nécessaires  à  la  célébration  de  la  sainte 
Messe,  avec  l'indication  des  rites  et  des  cérémo- 
nies qui  accompagnent  la  récitation  de  ces  prières. 
Il  renferme  le  contenu  des  Sacramentaires  (col- 
lectes, secrètes,  préfaces,  postcommunions  et 
canon  de  la  messe,  le  contenu  des  Lectioiinaires 
et  Evangéliaires  (épîtres  et  évang-iles  de  l'année), 
l'ancien  Antiphonaire  de  la  Messe  ou  recueil  des 
parties  chantées  par  le  chœur  (introïts,  graduels, 
alleluïas  ou  traits,  offertoires ,  cotnintùnions ;  Kyrie, 
Gloria  in  excelsis.  Credo,  Sanctus  et  Ag7tus), 
enfin  les  indications  données  par  les  Ordines  ou 
Céréinoniaiix  et  marquant  les  rites  à  observer 
dans  l'offrande  du  saint  Sacrifice. 

II.  Dénomination  du  recueil.  —  L'expression 
Missel  est  certainement  plus  ancienne  que  le 
recueil  auquel  elle  devait  être  appliquée  à  partir 
du  ix^  siècle  :  on  la  trouve  dansEgbert  d'York  (i) 
(732)  sous  cette  forme  Liber  Missalis^  elle  se  lit 

(i)  Eghert  d'York,  De  Institutione  catholica,  xvi,  i,  P.  L., 
t.  LXXXIX,  c.  441. 


LE    MISSEL    ROMAIN 


également  dans  les  Capitulaires  de  Charle- 
magne  (i)  (789),  dans  Amalaire  (2)  au  début 
du  IX®  siècle  ;  mais  il  est  manifeste  par  le  contexte 
de  ces  divers  passages  que  le  mot  sert  à  désigner 
le  Sacramentaire .  Ces  auteurs  entendent  simple- 
ment indiquer  le  recueil  que  Gennade  appelait 
au  V®  siècle  Sacrainentorum  volumen  (3),  ce  qu'au 
VI^  siècle,  Grégoire  de  Tours  nommait  Libellus  (4). 
Il  ne  paraît  pas  qu'on  puisse  donner  un  autre  sens 
aux  termes  employés  par  Agnellus  (5)  :  telle  est  en 
eflfet  la  remarque  de  Muratori  commentant  le  texte 
d' Agnellus,  «  le  recueil  appelé  Missales  ou 
Missalia,  dit-il,  se  rapproche  du  Sacramentaire, 
avec  cette  particularité  qu'il  renfermait  des  messes 
pour  les  jours  ordinaires.  »  Nous  savons  que 
c'était  aussi  le  cas  pour  la  plupart  des  Sacramen- 
taires  au  VIII®  et  au  IX®  siècle.  D'ailleurs,  en  Gaule, 
dès  le  VII®  et  le  Vlir  siècle,  on  trouve  l'expression 
Missale  pour  désigner  un  Sacramentaire  ;  c'est  le 
cas  du  Missale  FrancoruiUy  du  Missale  GothicMin^ 
c'est  aussi  le  cas  des  missels  de  Bobbio  et  de 
Stowe.  Cependant  entre  ces  deux  derniers  docu- 
ments et  les  missels  pléniers,  il  existe  un  point 
de  contact  nouveau  ;  les  uns  et  les  autres  con- 
tiennent les  lectures  de  l'épître  et  de  l'évangile  en 
même  temps  que  les  oraisons  et  les  préfaces  (6). 
L'accroissement  donné  aux  anciens  Sacramen- 
taires  amène  une  modification  dans  le  sens  du 
mot  Missel  ^t  pour  marquer  cette  modification  on 

(i)  Voir  P,  L.,  t.  XCVII,  c.  177. 

(2)  De  ecclesiasticis  officiiSy  lib.    8,  c.  40  ;  lib.    4,  c,    3o. 
P.  L.,  t.  CV,  c.  ii58  et  1219. 

(3)  P,  L.,  t.  LVIII,  c.  iio3. 

(4)  De  Vitis  Patrum,  cap.  16.  P.  L.,  t.  LXXI,  c.  1075. 

(5)  Liber  Pontificalis  ou  Histoire  des  évêques  de  Ravenne, 
écrite  vers  840.  P.  Z.,t.CVI,c.6io,et  remarque  de  l'annotateur. 

(6)  C'est  une  remarque  du  P.  Lesley  dans   ses  notes  sur  le 
Missel  mozarabe;  P.  L.,  t.  LXXXV,  c.  87. 


LE   MISSEL    ROMAIN  D 

ajoute  le  qn3i\iûc2itif  p/é mer.  On  lit  dans  une  lettre 
synodale  du  pape  Léon  IV  (844-855)  :  «  Que 
chaque  église  possède  un  Mïssel plénïer,  un  Lec- 
tio7inaire  et  un  Aniiphonaire  (i).  »  Les  mots 
Missale plenarium  impliquent  manifestement  un 
recueil  autre  que  le  Sacramentaire.  C'est  du 
moins  ce  qui  résulte  des  témoignages  suivants  : 
au  cours  du  ix®  siècle,  dans  les  comptes  rendus  de 
visites  pastorales  faites  par  Hincmar  de  Reims, 
on  relève  cette  indication  :  Missale  cuin  Evait- 
geliis  et  Lectionibus  seu  Antiphonario  vo lumen  (2). 
Au  x*"  siècle,  Rathier  de  Vérone  (974)  dans  une 
lettre  synodale  adressée  à  ses  prêtres,  reproduit 
à  peu  près  textuellement  l'ordonnance  du  pape 
Léon  IV  :  Que  chaque  église,  dit-il,  possède 
Missel  plénier,  Lectionnaire  et  Antiphonaire. 
L'annotateur  qui  invoque  le  témoignage  de 
Réginon  de  Prûm  (892),  de  Léon  d'Ostie  (un 
des  rédacteurs  de  la  chronique  du  Mont-Cassin 
au  xr  siècle),  donne  l'explication  suivante  :  Le 
Sacramentaire  contenait  le  canon  de  la  messe,  les 
oraisons  et  les  préfaces  ;  le  Missel  plénier  y  joi- 
gnait les  évangiles  et  lesépîtres(3).  Quand,  après 
cela,  nous  entendons,  au  Xl^  siècle,  Bernon  de 
Reichenau  nous  assurer  que  son  monastère  pos- 
sède un  Missel  autrement  distribué  que  celui  de 
l'Eglise  romaine,  nous  pouvons  croire  que  le  livre 
en  question  n'était  pas  un  pur  Sacramentaire  (4). 
La  chronique  du  Mont-Cassin,  écrite  à  l'époque 
où  vivait  saint  Anselme,  constate  le  même  fait  ; 
elle  témoigne  même  du  désir  d'en  revenir  aux 
recueils  séparés  à  cause  de  l'inconvénient  de  lire 

(i)  P.  L.,  t.  CXV,  c.  878. 

(2)  Guérard  :  Polyptique  de   l'abbaye   de   Salnt-Remi  de 
Reims,  Paris,  i852,  p.  78. 

(3)  P,  Z.,  t.  CXXXVI,  c.  559. 

(4)  P.  L.,  t.  CXLII,  c.  1002. 


6  LE    MISSEL    ROMAIN 

dans  le  Missel  plénier  aussi  bien  les  évangiles  que 
les  épîtres  (i).  Comment  expliquer  ce  vœu  relatif 
aux  recueils  séparés  ?  Peut-être  est-ce  pour  le 
motif  que  la  pauvreté  de  certains  monastères  ne 
leur  permettait  pas  d'avoir  un  double  recueil  et 
alors,  pour  les  messes  conventuelles,  le  sous- 
diacre  et  le  diacre  devaient  se  servir  du  livre  à 
l'usag-e  du  prêtre  pour  y  lire  l'épître  et  l'évan- 
gile (2).  

On  voit,  par  ces  citations,  les  origines  de  la 
dénomination  de  Missel  plénier  ;  multiplier  ici  ces 
citations  serait  anticiper  sur  l'exposé  qu'on  trou- 
vera dans  le  chapitre  premier  de  la  première 
section.  Il  fallait  dès  l'abord  avertir  le  lecteur  que 
la  signification  de  ces  mots  :  Mïssel  plénier  fut 
pendant  un  certain  temps  plus  ou  moins  flottante , 

III .  Division  de  la  troisième  Partie.  —  On 
vient  de  le  voir,  les  premières  origines  du  Missel 
plénier  se  placent  vers  le  IX®  siècle  :  gardons- 
nous  de  croire  pourtant  que  le  recueil  apparut 
au  premier  moment  avec  tous  les  éléments 
énumérés  plus  haut.  Il  dut  parcourir  plusieurs 
étapes  ;  il  s'accrut  ainsi  successivement,  devint  le 
livre  liturgique  analogue  à  notre  Missel  tout  au 
plus  vers  la  fin  du  XII^  siècle.  A  côté  de  lui,  pen- 
dant cette  première  époque,  on  vit  encore  des 
Sacramentaires.  A  partir  du  XIIl^  siècle,  ceux-ci 
disparaissent,  et  le  Missel  plénier  acquiert  une 
position  toute  prépondérante  ;  on  voit  alors 
se  dessiner  le  Missel  de  la  curie  romaine,  et  à 
côté,  les  Missels  des  ordres  religieux,  ceux  des 
églises  particulières.  L'histoire  de  ces  missels 
remplit  le  XIV®  et  le  XV^  siècle.  A  la  fin  du 
XVI®  siècle,  durant  les  années  qui  suivent  le  saint 
concile  de  Trente  (1576),  le  Missel  Romain  est 

(i)  P.  L.,  t.  CLXXIII,  c.  735. 

(2)  Zaccaria  :  Onofnastico7î,  au  mot  Plenarmm,  t.  II  p.  91. 


LE    MISSEL    ROMAIN  7 

mis  en  harmonie  avec  le  Bréviaire  édité  par  les 
soins  de  saint  Pie  V  :  comme  le  Bréviaire  Romain, 
il  fut  universellement  adopté,  et,  en  dépit  de 
l'écart  momentané  de  certaines  églises,  il  est  resté 
le  livre  officiel  de  l'Eglise  catholique. 

Ainsi  dans  cette  troisième  période  de  l'histoire 
du  Missel,  on  peut  distinguer  dezix  époques  : 

V^  Epoque  :  Le  Missel plénier,  sa  foriitation  et 
sa  prédoininaiice . 

IP  Epoque  :  Le  Missel  Romaiji  depicis  saint 
Pie  Vj'usqu  'à  nos  j'ou  rs . 

La  première  époque  comprendra  trois  cha- 
pitres : 

Chapitre  Premier.  —  La  formation  du  Missel 
plénier,  où  l'on  étudiera  : 

1°  Ses  précurseurs  immédiats  et  ses  débuts 
au  IX^  siècle  ; 

2°  Le  Missel  plénier  improprement  dit  : 

3'^  Le  Missel  plénier  proprement  dit. 

Chap.  IL  —  L'existence  des  Sacramentaires 
parallèlement  aux  Missels  pléniers  : 

i°Les  Sacramentaires  aux  xr,Xll^  et  Xlll^  siècles. 
2^  Le  contenu  de  ces  Sacramentaires. 

Chap.  IIL  —  La  prédominance  du  Missel  plé- 
nier et  son  histoire  aux  XIII^,  XIV^  et  XV®  siècles. 

1  "  Substitution  progressive  du  Missel  plénier 
aux  Sacramentaires. 

2*^  Le  Missel  de  la  curie  romaine. 

3°  Le  Missel  de  quelques  églises  particulières 
et  des  ordres  religieux  : 

La  seconde  époque  comprendra  qtiatj'e  cha- 
pitres: 

Chapitre  Premier.  —  Acheminement  vers  une 
réforme  pour  l'unification  du  Missel. 


LE   MISSEL   ROMAIN 


Chap.    II.     —    Le    Missel    Romain    de  saint 
Pie  V(i57o). 

i*^  Travaux  préparatoires  et  Bulle  de  promul- 


gation. 


2°  Contenu  du  Missale  Piamtin. 
3°  Accueil  fait  au  Missale  Piaitîiin  et  sa  prompte 
diffusion. 

Chap.  III.  —  Le  Missel  Romain  au  XVir  et 
au  xviir  siècle. 

1°  Corrections  et  additions  émanant  de  l'au- 
torité légitime. 

2^  Atteintes  portées  au  Missel  Romain  dans  les 
diocèses  de  France  et  les  autres  régions  de 
l'Europe.  i 

Chap.  IV.  —  Le  Missel  Romain  au  XIX®  siècle. 


^ 


PREMIÈRE  ÉPOQUE 

Le  Missel  plénier 
Sa  formation  et  sa  prédominance 


CHAPITRE  PREMIER 

La  formation  du  Missel  plénier 
du  IX«  au  XII«  siècle. 


L'objet  de  ce  chapitre  est  d'étudier  la  formation 
du  Missel  plénier  en  recherchant  dans  trois 
articles  :  l'aies  précurseurs  immédiats  et  les  débuts 
de  ce  recueil  ;  2°  ce  qu'on  peut  appeler  le  Missel 
plénier  improprement  dit  ;  3°  enfin  ce  que  fut  le 
Missel  plénier  proprement  dit. 

Article  Premier.  —  Précurseurs  immédiats 
et  débuts  du  Missel  plénier. 

I.  —  Il  paraît  assez  naturel  de  rattacher  les  ori- 
gines du  Missel  plénier  à  la  célébration  des  messes 
privées,  non  pas  en  ce  sens  que  le  recueil  désigné 
sous  ce  nom  soit  aussi  ancien  qne  la  pratique  de 
célébrer  en  particulier,  mais  en  ce  sens  que  la  pra- 
tique s'étant  généralisée  à  la  longue  rendit  néces- 
saire la  formation  de  recueils  moins  volumineux 
et  plus  complets  sous  certains  rapports  que  les 
Sacramentaires  proprement  dits. — Au  sentiment 
du  cardinal  Bona  (i),  la  pratique  des  messes  pri- 
vées remonte  aux  premiers  siècles  du  Christia- 
nisme :  les  Pères  du  v""  siècle,  grecs  et  latins,  y 

(i)  Rerunt  liturgicaytun  libri  duo  ;  lib.  I,  c.  14,  §1.  Voir 
l'édition  Sala,  t.  I,  p.  275.  Voir  aussi  notre  premier  fascicule, 
p.  7-10. 


lO  LE    MISSEL    ROMAIN 

font  plus  d'une  fois  allusion  (i).  Il  est  vrai  qu'elle 
n'était  pas  uniformément  la  même  dans  toutes  les 
églises  ;  mais  quand  elle  se  fut  suffisamment  ré- 
pandue en  Occident,  on  forma  des  Libelli  Missae 
distincts  des  Sacramentaires.  Ces  recueils,  dit 
Ebner  (2),  contenaient  une  seule  ou  quelques 
messes  dites  quotidiennes  ;  de  cette  messe  unique 
ou  de  ces  quelques  messes  ils  renfermaient  tous 
les  éléments  (oraisons,  lectures,  préfaces,  canon 
et  même  parties  chantées).  Le  Missel  de  Stowe  et 
le  Missel  de  Bobbio  peuvent  être  signalés  comme 
exemples.  Tels  paraissent  avoir  été  les  précurseurs 
immédiats  du  Missel  plénier. 

Il  ne  fut  pas  difficile  de  les  former  ;  les  Sacra- 
mentaires du  IX®  siècle  avaient  déjà  un  certain 
nombre  de  messes  (les  messes  quotidiennes,  les 
messes  votives  ou  diverses,  les  messes  du  commun 
des  saints)  pourvues  soit  des  parties  chantées 
soit  des  lectures,  soit  des  deux  à  la  fois  ;  il 
suffisait  de  détacher  ces  messes  des  messes  propres 
de  l'année  liturgique  pour  en  former  un  recueil 
moins  volumineux  et  moins  long  à  transcrire. 

II.  —  Un  peu  plus  tard,  on  en  vint  à  modifier  la 
composition  du  recueil  pour  y  introduire  plus  de 
variété.  Alcuin  paraît  avoir  été  le  premier  à  en 
donner  l'idée  :  nous  pouvons  nous  représenter  ce 
que  fut  son  œuvre  par  des  passages  de  ses  lettres. 
Aux  moines  de  Saint-Waast  il  écrit  en  796  :  «J'ai 
extrait  de  notre  Missel  (celui  de  Saint-Martin  de 
Tours)  quelques  messes  pour  les  offices  de  chaque 

(1)  Tels  sont:  Saint  Chrysostome,  Hoviil.  j  in  epist.ad Ephe- 
sîos,  P.  G,,  t.  LXII,  c.  29  ;  Homil.  ly  inepist.  ad  Hebraeos, 
P.  G.,  t.  LXIII,  c.  i5i  ;  Homil.  2  ad populuin  Antiochemim, 
P.  G.,  t.  XLIX,  c.  39  ;  —  Saint  Aug-ustin,  Epist.  ^4  adjamia- 
rium.,  P.  L.,  t.  XXXIII,  c.  200,  etc.,  etc. 

(2)  Ad.  Ebner,  Quellen  ztnd  Foschungen  stir  Geschichte 
und  Kunstgeschichte  des  Missale  Romanuaï  in  inittelalter . 
Freiburg-in-B.,  1896  ;  voir  p.  359. 


LE    MISSEL    ROMAIN  I  [ 

jour.  »  Aux  moines  de  Fulda  en  80 1,  il  dit  :  «  Je 
vous  ai  envoyé  une  Chariula  Missalïs  pour  que 
vous  ayez  des  prières  à  adresser  à  Dieu  suivant  le 
gré  de  chacun  (i).  »  Si  Alcuin  se  prête  ainsi  à  la 
formation  de  ces  Missels  abrégés,  ce  n'est  pas  qu'il 
les  jug-e  nécessaires  pour  toutes  les  contrées  : 
Eanbald,  archevêque  d'York,  lui  avait  demandé 
de  compiler  pour  son  église  un  nouveau  Sacra- 
mentaire  ;  «  travail  considérable  et  inutile,  lui 
répond  Alcuin,  car  votre  église  est  abondamment 
pourvue  de  recueils  où  l'accord  avec  Rome  n'est 
pas  compromis  par  des  formes  multiples  et  des 
usages  locaux  (2).  »  On  voit  le  dessein  du  promo- 
teur de  l'unité  liturgique  dans  la  Gaule  et  dans  la 
Germanie  :  là  où  des  extraits  d'anciens  Sacra- 
mentaires  sont  jugés  suffisants,  il  se  défend  d'inter- 
venir, ailleurs  il  se  prête  volontiers  à  la  confection 
de  recueils  abrégés  pour  arriver  plus  sûrement  à 
son  but.  A  ce  double  titre,  il  nous  faut  donner 
ici  une  description  de  la  Chartula  Missalïs , 

Le  recueil  formé  par  Alcuin  n'a  point  de  carac- 
tère officiel  ;  on  peut  l'appeler  un  Missel  pour  la 
sentaine,  un  Sacramentaire  privé  dans  lequel  il 
n'est  pas  tenu  compte  du  cycle  liturgique.  A 
l'époque  où  il  le  compose,  Alcuin  estime  la  liturgie 
mozarabe  dégagée  de  toute  influence  adoptia- 
niste,  car  il  ne  craint  pas  de  faire  des  emprunts  à 
cette  liturgie.  La  Chartula  Missalis  peut  se  divi- 
ser en  trois  parties,  savoir  :  un  recueil  de  messes 
pour  la  semaine  ;  les  messes  communes  ou  votives  ; 
les  messes  dites  de  Saint-Augustin. 

A.  Le  Recueil  de  messes  poitr  la  semaine  com- 
prend, pour  chaque  jour,  une  double  messe  sous 
les  titres  suivants  : 

(i)  Alcuin,  Epist.  ^i  ad  inonachos  Vedastinos,  P.  L.,  t.  C, 
c.  2i5  ;  Epist.  142  ad  fratres  Futdeuses,  P.  L.,  t.  C,  c.  385. 

(2)  Alcuin,  Epist.  ^5'.,  P.  L.,  t.  C,  c.  254.  Cf.  Gaskoin  : 
Alcuin,  liis  tife  ajid  ttis  zuork.  p.  229-230. 


Î2  LE    MISSEL    ROMAIN 

Dimanche  :  i)  De  SS.  Trinitate  (c'est  une  des 
plus  remarquables,  l'Eglise  catholique  l'adoptera 
quand  elle  instituera  une  fête  en  l'honneur  de  ce 
mystère)  ;  —  2)  De  gratta  Spiritus  Sancti postu- 
landa. 

Lundi  :  i)  Pro  peccatis  ;  —  Pro  peiitione  lacry^ 
inaruin. 

Mardi  :  i)  Ad  postulanda  angelica  suffragia ;  — 
2)  Pro  tentationibus  cogitationis . 

Mercredi  :  i)  De  Sancta  Sapientia  ;  —  2)  Ad 
postulandam  humilitatem. 

Jeudi  :  i)  De  Caritate  ;  —  2)  Contra  teiitaiiones 
carnis. 

Vendredi  :  i)  De  Sancta  cruce  ;  —  2)  De  tribu- 
latione  et  necessitate. 

Samedi  :  i)  De  Sancta  Maria  (remarquable)  ;  — - 
2)  In  cominemoratione  Sanctae  Mariae. 

N.B.  —  La  consécration  du  dimanche  à  la  Sainte 
Trinité,  du  mardi  aux  Saints  Anges,  du  vendredi 
à  la  Croix,  du  samedi  à  la  Sainte  Vierge,  est 
restée  chère  à  la  piété  catholique. 

La  composition  de  ces  messes  n'est  pas  d'Al- 
cuin  ;  il  en  a  emprunté  les  formules  aux  diverses 
liturgies  pour  en  former  une  compilation  (i). 

B ,  Le  Recueil  des  messes  communes  ou  votives 
nous  fournit  les  messes  en  l'honneur  d'un  apôtre, 
de  plusieurs  apôtres,  d'un  martyr  (celle  ci  est 
peut-être  la  messe  que  l'on  chantait  en  la  fête  de 
saint  Boniface),  la  messe  d'un  apôtre,  soit  martyr, 

(i)  Voir  Dictionnaire  d'Archéologie  chrétienne  et  de 
Liturgie,  t.  I,  c.  1079,  —  L'attribution  de  ces  messes  à  Alcuin 
se  rencontre  souvent  dans  les  documents  de  l'âge  suivant.  Tels 
sont  :  \ç.  premier  Sacramentaire  de  l'abbaye  de  Saint-  Thierry, 
fin  du  IX*  siècle,  primitivement  à  l'usage  de  l'église  de  Noyon. 
Bibliothèque  de  Reims  ms.  320-272.  Delisle  :  Anciens  Sacra- 
mentaires,  n*  xxii,  p.  117  ;  —  le  Sacramentaire  d'une  église 
dzt  nord  de  la  France,  fin  du  x°  siècle,  ms.  latin.  1 1689,  B.  N. 
Delisle,  Ibid.,  n"  xcvii,  p.  247. 


LE    MISSEL    ROMAIN  lu 

soit  confesseur,  la  messe  de  plusieurs  martyrs,  la 
messe  pour  la  fête  des  saints  dont  on  possède  les 
reliques  (ces  deux  dernières  ont  sans  doute 
quelque  rapport  avec  le  rite  de  la  dédicace),  une 
messe  quotidienne  en  l'honneur  des  Saints,  des 
messes  pour  les  ennemis,  pour  la  confession  des 
péchés,  pour  le  salut  des  vivants  et  pour  le  repos 
des  morts. 

Nous  avons  là  comme  le  g'erme  de  ce  que 
deviendront  le  commun  des  saints  et  l'ensemble 
des  messes  votives  (ou  messes  en  vue  d'obtenir 
une  grâce  particulière).  Les  formules  actuellement 
employées  n'appartiennent  pas  toutes  à  la  même 
époque  ;  Alcuin  ne  parle  que  des  apôtres, 
martyrs  et  confesseurs,  encore  cette  dernière 
dénomination  semble- t-elle  pour  lui  ne  faire 
qu'un  avec  la  dénomination  d'apôtre  et  de  martyr; 
il  assigne  une  messe  spéciale  aux  saints  patrons 
et  à  ceux  dont  on  possède  des  reliques,  il  songe 
au  sort  des  ennemis,  au  précepte  de  les  aimer  et 
de  leur  pardonner,  comme  au  souci  de  faire  une 
bonne  confession,  il  n'oublie  pas  les  âmes  du  pur- 
gatoire et  le  soin  de  procurer  leur  délivrance. 

C.  Les  messes  appelées  Messes  de  Saint 
Augustùi  sont  des  messes  de  pénitence  remar- 
quables par  l'uniformité  du  caractère,  du  cadre  et 
du  style  ;  le  cachet  en  est  très  ancien,  Alcuin,  qui 
les  composa,  s'inspira  sans  nul  doute  de  docu- 
ments liturgiques  en  usage  au  temps  où  il  vivait. 
Il  convenait  de  les  mentionner  ici  en  passant  (i). 
—  L'œuvre  d'Alcuin  se  termine  par  des  oraisons 
non  moins  curieuses  et  rangées  sous  ce  titre  :  Ad 
horas  ca7îonicas.  La  première  :  Dens  qui  ad  prin- 
cipiiLfn  se  dit  encore  maintenant  chaque  jour  à 

(i)  Ces  messes  ont  été  étudiées  par  Dom  M.  Havard  dans 
le  volume  de  Dom  Cabrol  :  les  Origines  liturgiques,  p.  289 
etsuiv.  Voir  aussi  le  Dictionnaire  d'Archéologie  chrétienne 
et  de  Liturgie,  1. 1,  c.  449-456. 


14  LE    MISSEL    ROMAIN 

l'heure  de  prime  ;  deux  autres  oraisons  sont  mani- 
festement inspirées  par  la  liturgie  mozarabe. 

Chaque  messe  du  recueil  d'Alcuin  contient  une 
collecte,  une  secrète,  une  post-communion,  sou- 
vent une  préface,  parfois  l'épître  et  l'évangile, 
une  oraison  super  oblata,  ad  complendimz,  super 
popiUîini, 

III.  —  On  ne  peut  guère  séparer  du  nom 
d'Alcuin,  ceux  d'Amalaire  et  d'Agoard,  quand  on 
parle  du  Missel  plénier.  —  Le  premier  (c'est-à- 
dire  Amalaire),dans  ses  Eclogae  de  ofjîcio  mssae, 
décrit  la  messe  romaine  et  peut  fournir  une  sorte 
de  directoire  dans  l'ordre  à  suivre  pour  la  célébra- 
tion :  il  copie  tout  le  canon  et  remarque  que  les 
diptyques  sont  encore  lus  de  son  temps.  Le  De 
officiis  ecclesiasticis  du  même  auteur  peut  servir  à 
dater  les  divers  rites  et  les  formules  de  la  messe 
romaine  ;  unité  de  collecte,  évangile,  collecte  des 
offrandes,  préface,  secrète  sur  les  oblations, 
hènèàicùon  super popuhi7fp  en  carême  ;  les  pièces 
qu'il  mentionne  ;  introïts,  épîtres,  évangiles, 
prières  du  canon,  etc.,  sont  sensiblement  les 
mêmes  que  celles  du  Missel  actuel.  —  Agobard 
cite  fréquemment  Amalaire  quand  il  parle  du 
canon  de  la  messe  ;  il  a  dans  ses  divers  ouvrages 
quelques  formules  empruntées  au  Missel,  par 
exemple,  une  secrète  que  le  Sacramentaire  grégo- 
rien donne  pour  la  fête  de  saint  Sébastien  et  qui 
paraît  avoir  été  fréquemment  employée  à  Lyon. 
Mais  cet  auteur  s'est  illustré  surtout  par  sa  correc- 
tion de  l'Antiphonaire  dont  nous  parlerons 
ailleurs  (i). 

IV.  —  Un  intérêt  plus  grand  encore  se  rattache 

(i)  Sur  Amalaire  et  Agobard,  voir  le  Dictionnaire 
d  Archéologie  chrétienne  et  de  Litzirgie,  t.  I,  c.  ï323et  971. 

Les  Eclogae  de  officio  inissae  sont  dans  P.  L.,  t.  CV, 
c.  i3i5-i332  ;  la  correction  de  l'Antiphonaire  se  rattache  à 
l'office  divin,  non  à  la  messe. 


LE    MISSEL    ROMAIN  ID 

à  l'œuvre  désignée  sous  le  nom  de  Alesse  latine  ou 
Messe  de  Flaccits  Illyricus.  Au  XV!""  siècle,  on  a  fait 
grand  bruit  autour  de  cette  composition  :  en  1575 , 
le  chef  des  centuriateurs  de  Magdebourg  la  publia 
à    Strasbourg  sous   ce   titre   :  Missa  latina  quae 
olini  ante  Romanant  circa  T.XX  Doinini  amiiLin 
in  nsii  fuit  ;  il  prétendit  qu'elle  avait  été  usitée 
dans  les  Gaules   avant  l'introduction   du   canon 
romain.  Mais  on  s'aperçut  bientôt  que  le  texte  de 
ses  formules  était  contre  les  erreurs  du  protestan- 
tisme et  en  faveur  de  la  doctrine  catholique  (ainsi 
on  y  préconise  la  dévotion  à  la  Sainte  Vierge,  le 
culte  des  saints,  la  doctrine  de  la  messe  du  sacrifice 
et  du  sacerdoce,  la  prière  pour  les  morts,   etc.). 
Alors  se    produisit  un   changement  de   tactique 
chez  les  protestants,   ils  tentèrent  de  détruire  le 
document.    —  Des  études  sérieuses  ont  permis 
d'en  établir  les  origines.  Dom  Cabrol,  se  basant 
sur  ces  études  et  sur  la  considération  du  document 
lui-même,  arrive  à  la   conclusion  suivante  :  La 
Missa  latina  de  Flaccics  Illyricus  fut  une  tentative 
faite  sous  Charlemagne,  et  de  cette  tentative  est 
sorti   le   Missel   romain   tel     qu'il   existe   encore 
aujourd'hui.  C'est  de  là  ou  d'une  source  voisine 
que  certaines  prières  ont  pris  place  dans  ce  Gré- 
gorien renouvelé    et    refondu,     notamment    les 
prières    pour   revêtir  les     ornements,    quelques 
prières  de  l'offertoire  et    de  la  fin  de  la  messe. 
Puis    après    comparaison    faite    entre    plusieurs 
pièces  de  la  Missa  latina  et  les  ouvrages  litur- 
giques d'Alcuin,  Dom  Cabrol   ajoute  :  il  serait 
vraisemblable  de  croire  qu'Alcuin  fut  l'auteur  de 
la  messe  d'IUyricus.  Cependant  le  manque  d'argu- 
ments positifs  l'arrête   à   cette  autre   conclusion 
plus   large   :   La  messe  d'IUyricus   fut   composée 
non  loin  d'Alcuin,  dans  un  cercle  littéraire  imbu 
de  ses   idées,    au   courant   de    ses    procédés    de 
composition,  habitué  à  puiser  aux  mêmes  sources 


l6  LE   MISSEL   ROMAIN 

que  lui.  Les  formules  y  ont  pris  un  développement 
considérable  ;  on  se  demande  comment  un  célé- 
brant pourrait  les  réciter  à  moins  qu'on  ne  suppose 
un   prélat  au  trône  occupé   à  les   dire  pendant 
qu'on  exécute  les  chants  ;  mais  ces  formules  enve- 
loppent une   messe  romaine  dont  on   trouve  les 
éléments   prières  de  préparation,  Gloria  in  excel- 
sis,  collecte,  épître,  graduel,  alléluia,  même    la 
séquence,  évangile,  offertoire,  prières  de  l'encen- 
sement et  de  l'oblation,  secrète,  préface,  Sanctus, 
prièresdu  canon...  Dégagée  de  ses  amplifications, 
la  Missa  latina  est  le  type  de  celles  qu'on  trouve 
dans  le  Missel  plénier  ;  elle  mérite  donc  bien  d'être 
rangée  parmi  les  précurseurs  de  ce  recueil,  à  côté 
de  la  Chartula  Missalis  d'Alcuin.  Ajoutons  qu'une 
des  formules   des  prières  de  préparation  figure 
dans    les    missels    de    nos   jours   comme    prière 
d'action  de  grâces  :    Oratio  Sancti  Augustini  : 
Anteoculos  TUOS  (l). 

V.  Les  débuts  du  plénier  au  ix^  siècle  n'ont 
rien  d'officiel  :  les  recueils  désignés  sous  ce  nom 
conservent  un  caractère  privé,  comme  du  reste  le 
recueil  d'Alcuin  ;  ils  ont  seulement  les  parties  plus 
fréquemment  employées  pour  la  célébration  de 
chaque  jour,  comme  le  commun  des  saints,  les 
messes  votives  ou  diverses.  Ces  messes  sont 
pourvues,  soit  des  parties  chantées,  soit  des  lec- 
tures, soit  même  des  deux  à  la  fois.  Les  messes 

(i)  P.  Z.,  t.  CXXXVIII,  c.  i324.  Sur  la  Missa  latina  de 
Flaccus  Illyricus,  voir  un  article  de  Dom  Cabrol  dans  la 
Revue  Bénédictine,  de  ipoS,  t.  XXII,  p.  1 5 1.  Le  texte  de  cette 
messe  se  lit  dans  P.  Z.,  t.  CXXXVIII,  c.  i3o2,  et  aussi  dans 
Bona,  Rertim  litzirgicarnm  libri  dziOy  t.  I,  p.  229.  —  M.  Ed. 
Bishop  n'accepte  pas  les  conclusions  de  Dom  Cabrol  ;  voir 
Journal  of  theological  StttdieSy  année  1906,  t.  VII,  p.  i23.  — 
Dom  Ménard  a  tiré  d'un  Ordo  Roînamis  ùm  vi°  siècle,  le  Codex 
Tiliamis,  une  autre  Messe  latine  :  à  part  quelques  apologies 
et  quelques  rites,  cette  messe  ressemble  beaucoup  à  la 
Messe  d'Illyricus.   Voir  P.  L.,   t.    LXXVIII,    c.    245  et  566. 


LE   MISSEL    ROMAlxNI  I7 

propres  demeurent  ce  qu'elles  étaient  dans  les 
anciens  Sacramentaires  et  ceux-ci  prédominent 
encore. 

Article  II.  —  Le  Missel  plénier 
improprement  dit. 

On  éprouve  quelque  embarras  pour  faire  le 
classement  des  premiers  Missels  pléniers.  Dans 
l'ouvrage  plus  d'une  fois  cité,  Ebner  l'a  tenté  avec 
succès  ;  le  mieux  est  de  suivre  ici  un  si  bon  guide, 
tout  en  résumant  la  première  de  ses  dissertations. 
Deux  phases  partagent  l'époque  de  transition 
entre  les  Sacramentaires  et  le  Missel  plénier 
(ix^  et  x*^  siècles)  :  dans  la  première,  celle  du 
missel  plénier  improprement  dit,  on  utilise  les 
manuscrits  antérieurs,  on  fait  comme  une  juxta- 
position des  différents  recueils  ;  dans  la  seconde, 
celle  du  Missel  plénier  proprement  dit,  on  fait 
une  transcription  nouvelle  des  éléments  et  on 
place  ces  éléments  dans  l'ordre  où  les  récite  le 
prêtre  à  l'autel.  Le  présent  article  traite  du  Missel 
plénier  improprement  dit. 

On  obtint  ce  recueil  par  divers  procédés  d'une 
combinaison  purement  extérieure.  Ainsi  :  i°  soit 
au  commencement,  soit  à  la  fin  de  l'ancien  Sacra- 
mentaire,  se  trouvent  reliés  tantôt  un  Antipho- 
naire  (recueil  des  chants  de  la  messe),  tantôt  un 
lectionnaire  (épîtres  et  évangiles),  tantôt  les  deux 
à  la  fois.  Exemples  :  Dans  le  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  de  Saint  Marc  à  Venise,  XI®  siècle, 
Cod,  lat.,  III,  CXXIV,  un  Antiphonaire  est  relié 
au  commencement  d'un  Sacramentaire  ;  à  Udine, 
dans  la  Bibliothèque  de  l'Archevêché,  le  Cod. 
P.  ip  du  xir  siècle,  le  Sacramentaire  est  suivi  du 
Graduel  (i).  Les  manuscrits,   Cod,  F.  i2d&San 

(i  Pour  le  manuscrit  de  Venise,  voir  P^bner,  ouvr.  citéy 
p.  278  ;  pour  celui  d'Udine,  ibid.,  p.  270.  On  peut  placer  dans 
la  même  catégorie  les  trois  manuscrits  de  Saint-Gall  338, 
339,    340,    sur   lesquels   voir   Delisle    :  Anciens   Sacrament. 

LE  MISSEL  ROMAIN.  —  Tome  II.  2 


l8  LE    MISSEL   ROMAIN 

Pietro  à  Rome,  xr  siècle,  Cod,  loo  de  la  Biblio- 
thèque capitulaire  à  Monza,  x^  siècle,  ont  à  la  fin, 
mais  séparés,  le  premier  un  évang-éliaire,  le 
second  un  lectionnaire  (i).  Pour  le  Codex  loi  de 
la  Bibliothèque  capitulaire  de  Monza, ix'^-x®  siècle, 
et  le  Codex  //(^^  de  la  Bibliothèque  de  l'Université 
de  Wursbourg-,  XII®  siècle,  TAntiphonaire  et  le 
Lectionnaire  à  la  fois  sont  reliés  au  Sacramen- 
taire  (2).  2°  D'autres  fois,  on  faisait  au  Sacramen- 
taire  des  additions  pour  adapter  le  recueil  aux 
usages  liturgiques.  C'est  le  cas  du  Codex  86 
(ancien  81)  de  la  Bibliothèque  capitulaire  de 
Vérone,  XI^  siècle,  où  l'on  trouve  à  la  fin  le  texte 
de  l'épître  et  de  l'évangile  pour  diverses  messes  ; 
du  Codex  2S^y  (ancien  684  de  Saint- Sauveur)  de 
la  Bibliothèque  de  l'Université  de  Bologne, 
XI®  siècle,  où  pour  les  messes  du  commun  et  les 
messes  diverses  on  trouve  le  texte  des  épîtres  et 
des  évangiles  avec  les  premiers  mots  des  parties 
chantées  ;  du  Codex  123  de  la  Bibliothèque  Lau- 
rentienne  à  Florence,  XI®  siècle,  analogue  au 
précédent  sauf  les  parties  chantées  (3).  3^  Bientôt 
les  additions  pénétrèrent  dans  le  recueil  lui 
même,  on  opéra  des  additions  en  marge  vis-à-vis 
de  la  messe  qu'il  s'agissait  de  compléter  ;  une 
première  ou  une  seconde  main  y  marquait  le  com- 
mencement des  parties  chantées  ou  le  commence- 
ment des  lectures.  Tels  sont,  par  exemple  :  a)  le 
3i3  àw  fonds  Ottoboni  2m  Vatican,  IX®  siècle,  avec 

n'  cv,  cix  et  cviii,  p.  263,  27061  269.  Sur  le  n*  339,  voir  aussi 
la  Paléographie  viusica/e,  t.  I,  p.  5i  ;  puis  les  Codices  7/  et 
88  de  Zurich  ;  Delisle,  Ibid.,  p.  262  et  260. 

(i)  Pour  San  Pietro,  voir  Ebner,  ibid.,  p.  i85  ;  pour  Monza, 
cod.   100,  ibid.,  p.  107  et  Delisle,  ouvr.  cité,  n*  lxvi,  p.  198. 

(2)  Voir  :  i.  Ebner,  Ibid.,  p.  108  ;  2.  Ibid.,  p.  362,  not.  3. 

(3)  Cod.  ^<5'de  Vérone^  voir  Ebner,  ibid.,  p.  286,  et  Delisler, 
Ibid.,  n°  XXV,  p.  128.  Codex  2^47  de  Bologne,  Ebner,  Ibid.\ 
p.   i5.   Cod.  i24àe  Florence,  Ebner,  Ibid..,  p.  33, 


LE    MISSEL    ROMAIN  I9 

additions  ultérieures  ;  ce  Sacramentaire,  auquel 
Muratori  a  beaucoup  emprunté  pour  son  édition 
du  Sacramentaire  Gréo^orien,  était  à  l'usag-e  de 
l'ég-lise  de  Paris  (i)  ;  âj  \e  manuscrit  320-2^2  de 
la  Bibliothèque  de  Reims,  premier  Sacramentaire 
de  l'abbaye  de  Saint-Thierry  de  Reims,  primiti- 
vement à  l'usage  de  l'église  de  Noyon,  deuxième 
moitié  du  IX®  siècle,  les  additions  marginales  sont 
du  xi°  siècle  et  concernent  les  parties  chantées, 
premiers  mots  des  introïts,  graduels,  etc.  (2)  ;  p)  le 
Missel  de  Léofric,  document  du  ix^  siècle  (3)  ; 
les  premiers  mots  des  introïts,  etc.,  ont  été  écrits 
par  une  première  main  à  la  marge,  ceux  des 
épîtres,  évangiles  et  séquences  ont  été  ajoutés 
ultérieurement  ;  ci)  le  Sacramentaire  de  l'Eglise 
de  Lorsh,  inaniiscrit  ^ç  5  &w  fonds  palatin  au  Vati- 
can X^-Xi®  siècle  ;  on  a  ajouté  la  lecture  évan- 
gélique  pour  quelques  messes  (4). 

On  le  voit,  la  transformation  de  l'ancien  Sacra- 
mentaire fut  lente  ;  elle  se  borna  d'abord  à  la 
juxtaposition  des  recueils  ;  elle  amena  ensuite 
quelques  additions  aux  messes  du  commun,  puis 
des  annotations  dans  les  marpfes  du  recueil.  Gêné- 
ralement  les  parties  chantées  furent  annexées  les 
premières,  puis  vint  l'indication  de  la  lecture 
évangélique,  enfin  l'indication  concernantl'épître  ; 

(1)  Cod.  jij,  fonds  Ottoboni  au  Vatican,  voir  Ebner.  Ibld., 
p.  23i  ;  Delisle,  Ibid.,  n"  xxxv,  p.  149  ;  Ehrensberger,  Lihri 
lihtrgici  bibliothecae  Vaticanae,  p.  398 . 

(2)  Voir  Delisle,  Anciens  Sacrant.,  n*  xxi,  p.  1 16. 

(3)  Le  Missel  de  Léofric  a  été  édité  en  ces  derniers  temps 
par  F.-E.  Warren,  The  Léofric  Missal ;  voir  l'Introduction, 
p.  xxxvii-xxxvm. 

(4)  Voir  Delisle,  Ibid. y  n'  xcv,  p.  238  ;  Ebner  ouvr.  cite, 
p.  247.  Ehrensberger,  ouvr.  cité,  p.  401.  A  cette  série  on 
peut  ajouter  encore  les  documents  ambrosiens  du  x*-xï*  siècle, 
décrits  par  Delisle  :  n'  lxxii,  p.  202  ;  i.xxiv,  p.  204  ;  lxxv-lxxvii, 
pp.  2o5-2o6  ;  Lxxi,  p.  199,  où  l'on  trouve  les  épîtres  et  les 
évangiles. 


20  LE    MISSEL    ROMAIN 

cela  tient  sans  doute  à  ce  que  le  prêtre  à  l'autel 
commença  d'abord  à  réciter  les  parties  chantées 
pendant  que  le  chœur  en  exécutait  le  chant,  puis 
dut  chanter  lui-même  l'évangile  à  défaut  du  diacre, 
tandis  qu'il  pouvait  laisser  à  un  lévite  de  rang 
inférieur  la  lecture  de  l'épître  (i). 

Article  III.  —  Le  Missel  plénier 
proprement  dit. 

La  seconde  phase  de  la  formation  du  Missel 
plénier  comporte  une  transformation  plus  intime 
et  plus  profonde  de  l'ancien  Sacramentaire  ;  elle 
aussi  est  progressive.  On  y  remarque  deux  prin- 
cipaux degrés. 

1°  Tout  d'abord  c'est  VtUilisation  des  anciens 
recueils  ;  les  copistes  font  disparaître  des  éléments 
qui  ne  servent  plus  et  dans  les  espaces  rendus 
libres  par  les  ratures  font  entrer  les  indications 
placées  autrefois  en  marge.  Le  Missel  de  l'abbaye 
de  Saint-Augustin  de  Cantorbéry  publié  d'après 
un  manuscrit  du  XI""  siècle  (2)  donne  une  idée 
assez  exacte  de  ce  genre  de  travail.  Cinquante-six 
préfaces  sur  soixante-dix  ont  été  raturées  ;  une 
seconde  main  a  rempli  les  vides  en  y  transcrivant 
tantôt  les  parties  chantées  en  entier  ainsi  que  les 
épîtres  et  évangiles  (3)  ;  tantôt  les  parties  chan- 
tées en  entier  avec  le  commencement  des  épîtres 
et  des  évangiles  (4)  ;  d'autres  fois,  comme  pour 

(i)  De  nos  jours  encore,  conformément  aux  rubriques  g-éné- 
rales  du  Missel,  un  lecteur  revêtu  du  surplis  peut  chanter 
l'Epître,  quand  on  célèbre  la  messe  solennelle  sans  diacre  ni 
sous-diacre,  mais  le  célébrant  chante  lui-même  l'Evangile. 
Riibricae  générales  :  ritus  celebrandi  missam,  c.  vi,  n*  8. 
Cf.  Lebrun,  Explication  des  prières  de  la  Messe,  t.  I,  p.  199. 

(2)  Par  M.  Martin  Rule,  à  Cambridge,  1898. 

(3)  Par  exemple  les  fêtes  de  saint  Etienne,  de  saint  Jean, 
p.  12,  de  l'édition  M.  Rule. 

(4)  Aux  dimanches  de  Septuagésime,  de  Sexagésime,  p.  19. 


LE    MISSEL    ROMAIN  21 

les  dimanches  après  la  Pentecôte,  sous  le  titre 
offinum  et  toujours  à  la  place  que  devait  occuper 
la  préface  se  trouve  dans  son  entier  le  texte  des 
parties  chantées,  mais  sans  l'indication  desépîtres 
et  des  évangiles  (i).  Dans  le  propre  des  Saints, 
reparaît  au  milieu  du  texte  des  parties  chantées 
l'indication  du  commencement  des  épîtres  et  des 
évangiles  (2).  Un  certain  nombre  de  messes 
diverses  présente  absolument  la  même  physiono- 
mie que  celle  de  nos  Missels  :  telles  sont  les  messes 
de  Sancta  Trinïtate,  de  Sancta  Maria,  etc.  (3). 
2°  Mais  bientôt  on  transcrivit  les  éléments  de 
l'ancien  Sacramentaire  et  l'on  y  intercala,  en  sui- 
vant l'ordre  de  la  récitation,  les  emprunts  faits  à 
l'Antiphonaire  et  auLectionnaire  :  ce  fut  alors  en 
toute  vérité  le  Missel  plénier  proprement  dit.  Il 
nous  reste  des  documents  du  Xl*^  siècle  à  l'aide 
desquels  nous  pouvons  nous  en  faire  une  idée.  — 
1°  Le  manuscrit  latin  818  de  la  Bibliothèque 
Nationale  de  Paris,  Sacramentaire  ou  Missel  de 
l'église  de  Troyes  (milieu  du  xr  siècle)  est,  d'après 
L.  Delisle  (4)  un  excellent  exemple  de  la  trans- 
formation du  Sacramentaire  carlovingien.  Il  porte 
encore  l'ancien  titre  :  Incipit  liber  Sacrainento- 
rnin,..  qualiter  inissa  roinana  cœlebratur,  mais  il 
contient  tout  ce  qui  constitue  le  Missel  propre- 
ment dit  ;  avec  les  oraisons  et  la  préface,  nous  y 
trouvons  Tépître  et  l'évangile,  l'introït,  le  graduel, 
l'offertoire  et  la  communion  :  ces  derniers  mor- 
ceaux sont  accompagnés  d'une  notation  en  neu- 
mes.  Le  volume  est  incomplet  :  on  distingue, 
fol.  3  :  la  préface,  le  canon  et  les  diverses  prières 
de  la  messe  \  foL  g  :  le  calendrier  ;  sur  \ç.fol.  /J'ia 

(i)  Voir  pp.  5(>  et  suiv. 

(2)  Voir  p.  71. 

(3)  Voir  pp.  i3i,  i36. 

(4)  Delisle  :  Anciens  Sacramentaires ,  n'  cxix,  p.  296. 


22  LE   MISSEL    ROMAIN 

date  initiale  du  comput  est  1060  ]  fol.  16,  les  prières 
avant  la  messe.  Km/oL  24,  commence  le  Missel 
proprement  dit,  où  se  trouvent  seulement  un 
fragment  de  la  messe  de  la  Purification  et  de  la 
messe  de  la  Septuagésime,  les  messes  et  offices 
depuis  le  Jeudi  Saint  jusqu*au  mercredi  après 
Pâques  et  depuis  le  mardi  de  la  Pentecôte  jusqu'au 
samedi  suivant,  les  messes  des  fêtes  des  saints 
depuis  le  13  avril  jusqu'au  30  novembre,  les  messes 
du  commun  des  saints  et  les  messes  diverses,  les 
messes  depuis  le  premier  dimanche  après  la  Pen- 
tecôte jusqu'au  dimanche  avant  Noël.  —  2^  Un 
autre  document  du  xr  siècle  est  le  Codex  26"] ç 
(ancien  Saint-Sauveur  686)  de  la  Bibliothèque  de 
l'Université  de  Bologne  :  on  y  trouve  à  leur  place 
normale  les  parties  chantées  avec  notation,  les 
lectures  de  l'épître  et  de  l'évangile.  Le  Missel 
commence  avec  la  solennité  de  Pâques,  donne  un 
ordo  pour  la  réception  d'un  catéchumène,  un  autre 
pour  la  bénédiction  de  l'eau.  Dans  l'ordinaire  de 
la  messe,  les  particularités  suivantes  sont  à  signa- 
ler, car  c'est  peut-être  la  première  fois  qu'on  les 
rencontre  :  la  Confessio  ante  altare  comprend 
trois  oraisons  Ante  conspectum  majestatis,,.  Deus 
propitius  csto,..  Aufer  a  iiobis.  Au  baisement  de 
l'autel  il  y  a  l'oraison.  Oramus  te,..  Quando  evan- 
gelium  osculatur,  sacerdos  dicit  :  Pax  Chrisii 
qtùant  nobis  per  evangelmm  suuin  tradidit  confir- 
inet...  La  bénédiction  du  diacre  se  donne  avec  la 
formule  :  Dontinus  sitincorde  tuo..,  K\!o^^r\.o\x^ 
se  lisent  des  formules  dont  les  suivantes  nous  sont 
restées  :  Suscipe sancta  Trinitas.,.  Offeriinustibi.., 
Incensicm  ïstud...  Dirigatur.  Après  VAgnus  et 
avant  la  communion,  le  prêtre  s'incline  et  dit  : 
Doînine  sancte  Pater. . .  da  niihihoc  corpus.  A  la  fin 
de  la  messe,  après  que  le  diacre  a  dit  :  lie  missa 
est,  le  prêtre  baise  l'autel,  prononce  des  formules 
analogues  à  nos  formules  d'absolution  dans  l'office 


LE   MISSEL    ROMAIN  23 

et  enfin  l'oraison  Placeat.  —  Le  recueil  contient 
ensuite  plusieurs  messes  votives,  les  messes  du 
commun,  les  messes  diverses  et  se  termine  par 
toute  une  série  de  bénédictions  (i).  —  3*^  Quelques 
autres  particularités  sont  à  signaler  dans  le  Codex 
5-fO  du  Mont-Cassin.  Ce  sont  au  i^'^  octobre,  la 
dédicace  de  l'église  du  monastère  (1071),  l'indi- 
cation est  de  première  main  ;  les  fêtes  de  sainte 
Marie  Madeleine,  de  la  Conception  de  Marie 
(8  déc.)  de  saint  Thomas  évêque  et  martyr 
(29déc.)  (2). 

CHAPITRE  II 

L'existence  des  Sacramentaires 
parallèlement  aux  Missels  pléniers 

(X*'    AU    XIII^   siècle) 


En  deux  articles  on  étudiera  ici  les  documents 
de  cette  époque  et  leur  contenu. 

Article  Premier.  —  Les  documents. 

I.  — -  Conformément  à  ce  qui  a  été  dit  à  propos 
du  Grégorien  d'Adrien,  les  documents  romains 
et  gallicans  rentrent  dans  une  même  catégorie  ;  ils 
forment  la  portion  la  plus  considérable  et  se  ren- 
contrent à  Rome,  en  Italie,  en  Gaule,  en  Allemagne 
et  jusqu'en  Grande-Bretagne.  Nous  les  groupons 
par  siècles  et  d'après  l'ordre  des  Bibliothèques  où 
ils  sont  conservés  ;  il  n'est  pas  toujours  facile  de 
déterminer  à  quelle  église  ou  à  quelle  abbaye  ils 

(i)  Ebner  :  otivr.  cité,  p.  18.  —  La  Paléogyaphie Tnttsicale , 
t.  II,  pi.  i3,  contient  \ç.  fac-similé  A^xxnç:  page  de  ce  document. 

(2)  Ebner  :  Ibid.,  p.  104  ;  voir  aussi  Mabillon,  Muséum 
iialiczim,  t.  I,  pars  II,  n*  219,  p.  36  ;  puis  nn  fac-sim.ile  dans 
la  Paléographie  musicale,  t.  II,  pi.  21.  —  Impossible  de  pour- 
suivre cette  énumération  des  documents.  On  peut  voir  encore 
pour  le  XI*  siècle,  le  Codex  426  du  Mont-Cassin  décrit  dans 
Ebner,  p.  loi,  etc. 


24-  LE    MISSEL    ROMAIN 

ont  servi,  parfois  la  destination  primitive  a  été 
modifiée  (i). 

1°  Manuscrits  des  X®  et  xr  siècles  :  A  Rome,  la 
Bibliothèque  Vaticane  possède  deux  Sacramen- 
taires  du  XI®  siècle  (ou  fin  du  X®)  ;  ils  ont  été  à 
l'usage  de  l'abbaye  de  Fulda.  Ce  sont  les  Codtces 
lat,  n""^  3548  et  38o6  (2).  —  Du  fonds  Palatin,  à 
la  même  Bibliothèque,  sont  :  un  Sacramentaire 
de  l'abbaye  bénédictine  de  Celle  au  diocèse  de 
Mayence,  le  Cod.  lat,  4Ç4,  du  x^  ou  XI®  siècle  ;  deux 
de  l'abbaye  de  Lorsh,  le  Cod,  4^ S  du  X®  siècle»  et 
le  Cod.  4pp,  x®-xi®  siècle  (3).  —  Du  fonds  de  la 
Reine,  même  Bibliothèque,  est  un  fragment  de 
Sacramentaire,  le  Cod.  lat.  Sây  du  X®  siècle  (4). 
La  Bibliothèque  de  la  Vallicellane  possède  un 
Sacramentaire  de  Subiaco,  le  Cod.  B.  24,  et  un 
autre  du  Mont-Cassin,  le  Cod.  C.  32,  tous  deux 
du  XI®  siècle  (5). 

En  Italie,  la  Bibliothèque  communale  d'Arezzo 
conserve  un  document  du  XI®  siècle,  le  Cod.  VI,  3. 
—  La  Bibliothèque  de  l'Université  de  Bologne 
a  un  Sacramentaire  du  XI®  siècle,  mentionné  à 
tort  dans  le  catalogue  comme  Missel  gallican 
du  XIV®,  c'est  le  Cod.  1084  (6).  Florence  possède 
à  la  Bibliothèque  Laurentienne  deux  documents 
du  X®  siècle,  JËd.  121  et  Md.  /^^;  dans  le  premier 

(i)  La  détermination  se  fait  soit  à  l'aide  d'indications  for- 
melles (ce  qui  est  plutôt  rare),  soit  par  les  noms  des  Saints 
mentionnés  au  calendrier  ou  au  canon  de  la  messe. 

(2)  Voir  Ebner,  otivr.  cité,  pp.  208  et  212.  Ehrensberg-er, 
ouv7^.  cité  y  pp.  402  et  404. 

(3)  Ebner,  Ibid.,  pp.  246,  247,  25o.  Ehrensberger,  Ibid.y 
pp.  405,  401,  407  ;  Delisle  Anciens  Sacramentaires ,  n°  xciii, 
p.  240  ;  xcn,  p.  238. 

(4)  Ebner,  Ibid. y  p.  242  ;  Ehrensberger,  Ibid. y  p.  186  ; 
Delisle,  Ibid.^  vC  xliii,  p.  162. 

(5)  Ebner,  Ibid. y  pp.  196  et  202. 

(6)  Ebner,  Ibid. y  pp.  4  et  6. 


LC    MISSEL    ROMAIN  25 

est  un  calendrier  dont  le  texte  a  été  publié  par 
Bandini,  il  y  a  des  usages  empruntés  à  l'Angle- 
terre, d'autres  à  la  Suisse  ou  à  la  Haute-Italie  : 
puis  à  la  Bibliothèque  nationale  de  la  même  ville 
se  trouve  un  autre  document  du  X^  siècle,  il  est 
coté  B.  A.  2  (i).  Dans  la  Bibliothèque  capitulaire 
d'Ivrée  sont  deux  Sacramentaires  du  Xl^  siècle,  les 
Codices  iç  et  86  (2).  La  Bibliothèque  publique  de 
Lucques  a  un  Sacramentaire  du  X^,  le  Cod,  ï2yS 
qui  fut  à  l'usage  d'un  monastère  de  Germanie  (3). 
Au  Mont-Cassin,  le  cod.  N.  N.  33 p  représente  un 
Sacramentaire  de  l'abbaye  au  xr  siècle  ;  il  fut 
écrit  sous  l'abbé  Didier  (1058- 1087)  (4).  —  Au 
trésor  de  la  cathédrale  de  Monza  existe  un  docu- 
ment attribué,  dit  Delisle,  au  VIII^  siècle,  mais  plus 
exactement  estimé  comme  étant  du  x"^  ou  de  la 
fin  du  IX®  (5).  —  La  Bibliothèque  capitulaire 
d'Udine  possède  un  sacramentaire  du  xr  siècle,  le 
Codex  y  6.  V,  dont  les  dessins  rappellent  l'école  de 
Fulda  (6).  C'est  l'époque  qu'il  faut  assigner  éga- 
lement au  Cod.  L  (lat.)  DIX  de  la  Bibliothèque  de 
Saint-Marc  à  Venise  (7).  A  la  Bibliothèque  capi- 
tulaire de  Verceil  est  conservé  sous  la  cote  18 1 
un  sacramentaire  écrit  à  Fulda  vers  la  fin  du  x^  siè- 
cle et  cédé  par  l'abbé  Erkanbald  en  usufruit  à 
Henri,  évêque  de  Wursbourg  (995-1018)  :  le  docu- 
ment, paraît-il,  ne  fit  jamais  retour  à  Fulda  comme 
l'avait  demandé  l'abbé  (8).  —  Terminons   cette 

(i)  Ebner,  Ibid.^  pp.  29,  3 1  et  42,  et  Delisle,  ^Ibid.,  n*  xlfk 
p.  170  pour  le  premier. 

(2)  Ebner,  Ibid.y  p.  52,  et  Delisle,  Ibid.,  n°  xc,  p.  233. 

(3)  Ebner,  Ibid.,  p.  66. 

(4)  Ebner,  Ibid.^  p.  100. 

(5)  Ebner,  Ibid. y  p.  io5,  et  Delisle,  Ibid.^  n"  i.xiv,    p.    198. 

(6)  Ebner,  Ibid.,  p.  258. 

(7)  Ibid.,  p.  272. 

(8)  Ibid. y   p.    282,    et    Delisle,   Anciens    Sacramentaires, 

n*   LXXXIX,    p.    232. 


20  LE   iMISSEL   ROMAIN 

première  revue  des  Bibliothèques  d'Italie  par 
deux  documents  de  la  Bibliothèque  capitulaire  de 
Vérone  ;  le  Cod.  8 y  (autrefois  82)  est  du  x^  siècle, 
il  fut  adapté  à  l'usag-e  de  l'église  de  Vérone  mais 
avait  été  écrit  à  Ratisbonne,  sous  Otton  III,  pour 
le  saint  évêque  Wolfang-  (972-994)  ;  le  Cod.  çj 
(autrefois  ^/),  de  la  fin  du  X^  siècle  ou  du  commen- 
cement du  XI®  contient  la  liturgie  véronaise  (i). 

En  France,  il  faut  signaler  à  la  Bibliothè- 
que nationale  de  Paris  :  le  mamiscrit  iat.  8îy , 
du  xr  siècle  ;  il  paraît  avoir  appartenu  à  l'église 
de  Saint-Géréon  de  Cologne,  dans  le  calendrier 
du  début  beaucoup  de  noms  dénotent  une  ori- 
gine allemande  (2)  ;  le  ^namiscrît  Iat.  8ipy  écrit 
au  xr  siècle,  approprié  à  l'abbaye  de  Saint- 
Bertin,  après  avoir  appartenu  primitivement,  et 
selon  toute  vraisemblance,  à  l'église  de  Liège  (3)  ; 
le  mamiscrit Iat .  821  du  xi^  siècle,  destiné  dès  l'ori- 
gine à  une  église  du  Limousin,  il  passa  en  12 10 
à  l'abbaye  de  Saint-Martial  de  Limoges  (4)  ;  le 
inaniiscrit  Iat.  22()^,  du  x^  siècle  avec  quelques 
additions  duxi*,  présente desfragmentsd'unSacra- 
mentaire  de  l'église  de  Paris  et  plusieurs  feuillets 
provenant  d'un  ou  de  deux  autres  Sacramentaires 
dont  l'un  fut  à  l'usage  de  l'église  du  Puy  (5)  ; 
le  manuscrit  Iat.  22p'/,  écrit  sur  deux  colonnes, 
au  commencement  du  XI®  siècle,  a  dû  appartenir 
primitivement  à  une  église  du  nord  de  la  France 
où  saint  Samsom  était  honoré  (6)  ;  le  ma^iuscrit 
Iat.  p42g,  copie  assez  incorrecte  du  X®  siècle,  sur 

(i)  Ebner,  Ibid.^  pp.  288  et  292  ;  Delisle,  Ibid.yn"  lxii  et  lxiii, 
pp.  194  et  197. 

(2)  Delisle,  Ibid.y  n°  xci,  p.  235. 

(3)  Ibid.^  n*  xcv,  p.  242. 

(4)  Ibid.y  n°  cxxii,  p.  3oo. 

(5)  Ibid.y  n°  liv.,  p.   i83. 

(6)  Ibid.y  n"  xcvi,  p.   244. 


LE    MISSEL    ROMAIN  27 

deux  colonnes  ;  il  fut  anciennement  possédé  et 
employé  par  le  chapitre  de  Beauvais  (i)  ;  le 
manuscrit  lat.  04^3,  écrit  au  commencement 
du  Xl*^  siècle,  il  peut  être  attribué  à  l'abbaye 
d'Epternach  placée  sous  l'invocation  de  saint 
Willibrode  (2);  le  manuscrit  lat.  loSoi,  écrit 
au  x^  siècle  dans  la  province  de  Trêves,  il  a  servi 
un  peu  plus  tard  à  l'abbaye  de  Saint-Symphorien 
de  Metz  :  selon  toute  apparence  c'est  le  document 
quevirent  dans  cette  abbayeen  i7i2,Dom  Martène 
et  Dom  Durand  (3)  ;  le  manuscrit  lat.  i2o5i  ou 
Sacramentaire  de  l'abbaye  de  Corbie,  il  fut  écrit 
au  X®  siècle.  On  ne  sait  trop  pourquoi  une  inscrip- 
tion le  donne  comme  Missale  sancti  Eligii ;  peut- 
être  fut-il  à  l'origine  recouvert  de  plaques  d'or- 
fèvrerie attribuées  à  saint  Eloi  par  la  tradition  (4)  ; 
le  maniLScrit  lat.  120S2,  copié  vers  la  fin  du 
X*  siècle  par  les  soins  de  Ratold,  abbé  de  Corbie, 
il  semble  avoir  été  primitivement  destiné  à  l'ab- 
baye de  vSaint-Waast  d'Arra^,  Ratold  l'aura 
acquis  plus  tard  pour  son  monastère  (5)  ;  le 
manuscrit  lat.  ij333  exécuté  pour  Hugues  le 
Grand,  évèque  de  Nevers  (loi  1-1065),  il  renferme 
à  la  fois  les  pièces  du  Sacramentaire  et  celles  du 
Pontifical  (6)  ;  le  manuscrit  lat.  îSooS,  écrit  au 
début  du  Xl^  siècle  pour  une  église  de  la  province 
de  Trêves  ;  il  fut  affecté  un  peuplus  tard  à  l'usage 
de  l'église  de  Verdun  (7). 

M.  Léop.  Delisle  signale,  en  outre,  divers  ma- 
nuscrits des  Bibliothèques  de  France,  comme 
sont  :  le  Sacramentaire  de  l'église  d'Angers,  à  la 

(i)  Delisle,  Ibid.^  n*  lu  p.  178. 

(2)  Jbid.y  n*  c,  p.  254. 

(3)  Jbid.y  n*  lxxxii^  p.  221. 

(4)  Idid.y  n°  LF,  p.   175. 

(5)  Ibid.y  vC  Lvi,  p.   188. 

(6)  Ibid.y  n*  cxiv,  p.  279, 

(7)  Ibid.y  n*  xcvni,  p.  2  5o. 


2S  LE    MISSEi.    ROMAIN 

Bibliothèque  de  cette  ville,  inmtuscrit  ç^  du 
X^-xr  siècle  ;  celui  de  l'église  de  Lorsh,  du  xf  à 
la  bibliothèque  du  château  de  Chantilly  ;  le  Sacra- 
mentaire  de  Saint-Père  de  Chartres,  x^  siècle, 
manuscrit  ^  de  la  Bibliothèque  de  cette  ville  ;  un 
Sacramentaire  de  l'abbaye  de  Saint-Guillem-du- 
Désert,  xi®  siècle  avec  additions  du  XIP,  jnanus- 
crit  18  de  la  Bibliothèque  municipale  de  Mont- 
pellier ;  un  autre  de  l'abbaye  de  Winchcombe, 
X"^  siècle,  débris  de  la  Bibliothèque  de  Fleury-sur- 
Loire  passé  à  celle  d'Orléans  sous  le  n"^  loS ;  le 
second  Sacramentaire  de  l'abbaye  Saint-Thierry, 
au  diocèse  de  Reims,  xr  siècle,  n^  418-^52  de  la 
bibliothèque  de  Reims.  (Les  Bénédictins,  dans  leur 
édition  du  Sacramentaire  de  saint  Grégoire,  le 
désignent  sous  le  'nP  62  de  la  Bibliothèque  de 
Saint  Thierry  ;  c'est  à  tort  qu'ils  le  font  remonter 
à  l'époque  de  Charlemagne)  ;  le  Sacramentaire 
anglo-saxon  de  l'abbaye  de  Jumièges,  xr  siècle, 
manuscrit  Y,  <^de  la  Bibliothèque  de  Rouen  ;  un 
Sacramentaire  de  Winchester  du  xi®  siècle,  dési- 
gné par  E.  Warren  sous  le  nom  de  Livre  rouge  cte 
Derby  (i). 

Puis  dans  les  Bibliothèques  de  l'étranger,  tou- 
jours d'après  Delisle,  on  rencontre  un  Sacramen- 
taire de  l'abbaye  de  Hornbach,  du  X""  siècle, 
conservé  à  Soleure  (Dom  M.  Gerbert  s'est  mépris 
sur  son  âge  en  le  rapportant  au  ix^  siècle)  ;  le  Sacra- 
mentaire d'une  église  indéterminée,  XI^  siècle, 
n""  3^3  de  la  Bibliothèque  de  Metz  ;  le  Sacramen- 
taire de  l'église  de  Roda,  XI®  siècle,  à  la  Biblio- 
thèque de  l'Académie  royale  d'histoire,  à  Madrid 

(i)  Delisle,  Anciens  Sacrainentaires,  n*  lv,  p.  187  f 
n°  xciv,  p.  241  ;  n*  lui,  p.  181  ;  n"  cxxiii,  p.  3o2  ;  n*  lxxix» 
p.  211  ;  n"  cxvi,  p.  285  ;  n°  lxxxi,  p.  220  ;  ce  document  a  été 
édité  par  la  H.  B.  S.  par  M.  H.  A.  Wilson  sous  le  titre  The 
Missal  of  Robert  of  Jtimièges,  London,  1896  ;  n*  cxx,  p.  299  ; 
pour  ce  dernier  Cf.  E.  Warren  :  The  Léo  fric  Missal^  p.  271. 


LE   MISSEL    ROALVIM  20) 

(Dom  Férotin  dit  au  sujet  de  ce  manuscrit  : 
«  Quoique  en  tète  d'un  Missel  romain  à  caractères 
wisigothiques,  il  reproduit  un  calendrier  évidem- 
ment mozarabe  (i).  » 

2*^  Manuscrits  des  XII®  et  Xlll®  siècles.  —  Les 
vSacramentaires  purs  se  font  plus  rares  pendant 
ces  deux  siècles.  Signalons  :  A,  A  Rome,  Biblio- 
thèque San  Pietro  : 

le  Cod.  F.  i3,  un  manuscrit  du  XIII^,  peut-être 
à  l'usage  de  l'église  d'Anagni  ; 

le  Cod.  F.  ij:f,  manuscrit  du  XII®,  à  l'usage  d'une 
église  de  Rome  ;  SS.  Tryphon  et  Respicius  ; 

le  Cod.  F.   i5y  manuscrit  du  xil®,  en  usage  à 
Rome  ou  dans  le  voisinage,  peut-être  à  Spolète  ; 
le  Cod.  F.  16,  manuscrit  du  XIV,  il  donne  l'usage 
de  vSaint-Pierre  de  Rome  ; 

le  Cod.  F.  18 ,  manuscrit  du  xir-XIir,  aussi  à 
l'usage  de  Saint-Pierre  de  Rome  (2). 

Bibliothèque  de  la  V^allicellane  :  le  Cod.  B .  ^3, 
manuscrit  du  xir-XliP  siècle  (3). 

Bibliothèque  du  Vatican  :  le  Codex  iS-f,  du 
fonds  Otioboni,  manuscrit  du  XIl^,  à  l'usage  d'une 
église  du  centre  de  l'Italie  (ce  document  est 
donné  comme  un  pur  Sacramentaire,  bien  qu'on 
y  trouve  les  parties  chantées  de  la  messe  de  la 
dédicace)  ;  le  Cod,  4^6  du  fonds  Palatin^  manus- 
crit du  XIi®-XIir,  à  l'usage  du  diocèse  de  Wurs- 
bourg  (même  remarque  que  pour  le  précédent  ; 
on  y  trouve  des  séquences,  quelques  épîtres  et 
quelques  évangiles)  (4).  Nous  terminons  cette 
série  des  manuscrits  de  Rome  par  le  Cod.  XII,  6, 

(i)  Delisle,  Ibid.,  11°  lvii,  p.  190  ;  n.  xcix,  p.  253  ;  n°  lxxxiv, 
p.  224  ;  pour  ce  dernier,  voir  D.  Férotin,  Liber  Ordinum  ; 
Calendriers  mozarabes,  fragment  de   Madrid,  xi*-xii*  siècles. 

(2)  Ebner,  ouvr.  cité,  pp.   186,   187,   188,   190,   191. 

(3)  Ibid.,  p.  198. 

(4)  Ebner,  Ibid.,  pp.  23o  et  249  ;  Ehrensberger,  ouvr.  cité, 
p.  4i3  et  411. 


OO  LE   MISSEL   ROMAIN 

de  la  Bibliothèque  Barbeinni  {no\xM .  acq.  1858).  Il 
est  du  XV®  siècle,  c'est-à-dire  d'une  date  bien 
postérieure  aux  précédents,  mais  Ebner  le  signale 
comme  l'un  des  derniers  exemples  d'un  pur 
Sacramentaire  ;  il  fut  à  l'usage  de  la  basilique  des 
Douze  Apôtres  (i). 

B.  Dans  les  autres  bibliothèques  d'Italie,  le  pur 
Sacramentaire  est  représenté  au  XII®  siècle,  à  la 
Bibliothèque  Ambrosienne  de  Milan  par  le 
Codex  H,  2SS,  manuscrit  du  Xli'"  siècle,  à  l'usage 
d'une  abbaye  bénédictine  de  la  Haute  Italie  ;  à  la 
Bibliothèque  capitulaire  de  Modène,  par  le 
Codex  II,  20,  manuscrit  du  xii*  siècle  ;  à  la  Biblio- 
thèque capitulaire  de  Verceil,  par  le  Codex  p2  ;  à 
celle  de  Vérone,  par  le  Cod.  CX  (autrefois  io3). 
Ces  deux  derniers  documents  sont  aussi  du 
XII®  siècle  (2). 

C.  En  France,  il  faut  signaler,  toujours  d'après 
Delisle,  les  deux  manuscrits  S  et  6  à^  la  Biblio- 
thèque d'Albi,  à  l'usage  de  la  cathédrale  de  cette 
ville  (xii®  siècle),  le  manuscrit  88  de  la  cathédrale 
de  Cologne,  appelé  Sacramentaire  de  l'abbé 
Grimoldus  (xr-XII®  siècle)  (3). 

II.  —  Sacramentaires  antbi^o siens ,  —  i.  Aux  x® 
et  xf  siècles.  Dans  un  rituel  noté  de  la  province 
de  Milan,  x®  siècle,  on  trouve  les  prières  du 
canon  de  la  messe  et  un  certain  nombre  de  messes 
votives  :  M.  Am.  Gastoué  s'est  demandé  si  nous 
n'aurions  pas  là  le  noyau  des  Sacramentaires  (4). 
Les  Bénédictins  de  Solesmes  ont  édité  pour  la 
première  fois  le  Sacramentaire  de  Bergame  du  rit 
ambrosien  ;  comme  il  manquait  dans  le  manuscrit 

(i)  Ebner,  Ibid.,  p.  146. 

(2)  Ebner,  ouvr.  cité,  pp.  84,  97,  284,  293.  Pour  ce  dernier, 
voir  aussi  Delisle,  Anciens  Sacramentaii^es ,  n*  cxxvi,  p.  304, 

(3)  Delisle,  Ibid.,  n"  lxxxvii-lxxxviii,  p.   227  ;  n*  ci,  p.  257. 

(4)  Rassegna  Gregorianay  année  1903,  t.  II,  p.  137. 


LE    MISSEL    ROMAIN  3l 

les  feuilles  de  l'ordinaire  de  la  messe  et  du  canon, 
on  y  a  suppléé  par  un  manuscrit  de  la  métropole 
de  Milan  du  XI"  siècle  (i).  Au  trésor  de  la  cathé- 
drale de  Milan,  se  trouve  un  Sacramentaire  pur 
qui  paraît  venir  de  l'église  de  Saint  Satyre  de 
Milan,  il  a  été  écrit  au  x^  siècle.  M.  Delisle  donne 
encore  comme  ambrosiens,  le  lîtamcscrit  C  iSjçp 
de  la  Bibliothèque  capitulaire  de  Monza  (x^-xrs.) 
et  le  Codex  P.  jj î02  de  la  même  Bibliothèque  :  ce 
dernier  a  en  effet  une  grande  ressemblance  avec 
le  document  ambrosien,  Cod.  A  2^  bis  de  la 
Bibliothèque  ambrosienne  à  Milan.  —  2.  Enfin  la 
Bibliothèque  Vaticane  possède  une  partie  de 
Sacramentaire  ambrosien,  le  Cod.  lat,  p^Sô,  mais 
il  est  de  date  beaucoup  plus  récente,  XV^  siècle  (2). 
III.  —  Peut-être  est-ce  le  moment  de  citer,  au 
moins  en  passant,  les  débuts  d'une  série  qui  va 
prendre,  après  le  XIII^  siècle,  une  grande  exten- 
sion ;  ce  sont  les  Missels  conformes  à.  la  pratique 
de  la  cuTie  romaine.  Ces  documents  appartiennent 
manifestement  à  la  catégorie  des  missels  pléniers  : 
cependant  Ebner  appelle  un  pur  Sacramentaire  le 
Cod.  lat.  3S^y  de  la  Bibliothèque  Vaticane,  ce 
manuscrit  est  du  XIII^  siècle  et  fut  à  l'usage  des 
frères  mineurs  de  Barcelone  (3).  Toujours  d'après 
Ebner,  le  document  du  Xiv^  siècle  qui  est  à  la 
Bibliothèque  Vaticane,  n°  3S6  dn  fonds  Ottoboni, 
serait  encore  un  vSacramentaire  pontifical  ;  le 
calendrier  y  porte  des  traces  de  l'influence  des 
frères  mineurs  (4).  Les  deux  manuscrits  ont  des 
additions  marginales  concernant  les  parties  chan- 

{i)  Auctariuiit  Solesmense^  année  1900. 

(2)  Ebner,  oztvr.  cité,  pp.  90,  107,  110,  228.  Delisle,  /(5/V., 
n*  Lxxii,  p,  2o3  ;  n*  lxv,  p.  198  ;  n*  i,xviii,p.  198;  Ehrensberger, 
ouvr.  cité,  jj.  5o5. 

(3)  Ebner,  Ibid.,  p.  206  ;  Ehrensberger,  Ibid.,  p.  414; 
Zaccaria  Bibliotlieca  rittcalis,  t.  I,  p.  45. 

(4)  Ebner,  Ibid.,  p.  284  ;  Ehrensberger,  Ibid.,  p.  417. 


32  LE    MISSEL   ROMAIN 

tées,  et  çà  et  là  quelques  lectures.  On  comprend 
que  telle  dut  être,  même  au  XIII"^  siècle,  la  condi- 
tion d'un  bon  nombre  de  documents  considérés 
généralement  comme  de  purs  Sacramentaires. 

Article  II.  —  Le  contenu  des  documents. 

L'étude  des  documents  énurnérés  dans  le  pré- 
cédent article,  si  incomplète  qu'en  demeure  la 
liste,  est  particulièrement  intéressante  au  qua- 
druple point  de  vue  dont  l'objet  remplira  les 
quatre  paragraphes  suivants  :  i.  Place  assignée  au 
canon  de  la  ^nesse  et  7node  de  distribution  du 
propre  du  te'inps  comme  du  propre  des  saints  ; 

2 .  Développement  donné  à  l'ordinaire  de  la  messe  ; 

3.  Particularités  du  propre  dtù  temps  et  du  propre 
des  saints  ;  4.  Ornementation  des  manuscrits . 

§  1.  —  PLACE  ASSIGNÉE  AU   CANON   DE  LA  MESSE  : 

DISTRIBUTION  DU  PROPRE  DU  TEMPS 

ET  DU  PROPRE  DES  SAINTS. 

I.  —  Le  canon  de  la  messe  est  désormais  fixé  et 
ne  recevra  aucune  modification  dans  son  contenu 
sinon  pour  la  limitation  des  noms  mentionnés 
dans  le  Comimtnicantes ,  le  A^obis  quoque  et  le 
Libéra  nos.  Mais  les  recueils  sont  appelés  à  rece- 
voir plus  d'une  transformation  et  le  canon,  ou 
plutôt  l'ordinaire  de  la  messe,  n'a  pas  trouvé 
jusqu'au  XIII®  siècle  la  place  qu'il  occupe  à 
présent  d'une  façon  invariable. 

Au  ix*"  siècle,  le  système  adopté  tendait  à 
placer  le  canon  à  la  fin  du  Sacramentaire,  à  l'y 
encadrer  dans  la  dernière  des  messes  quoti- 
diennes (i)  ;  il  faut  excepter  les  recueils  ambro- 
siens  qui  mettaient  à  peu  près  régulièrement  le 

(i)  On  peut  donner  comme  exemple  les  manuscrits  gélasiens 
de  RheinaUy  Zurich,  n°  3o,  et  de  Saint- Gall,  n°  348. 


I 


LE    MISSEL    ROMAIN  33 


canon  dans  le  propre  du  temps  après  l'octave  de 
la  Pentecôte. 

Les  manuscrits  de  Gaule,  après  l'envoi  du  Gré- 
gorien d'Adrien,  ont  le  canon  au  début  du 
recueil  ;  il  fait  suite  au  titre  :  Incipit  et  à  une 
sorte  d'introduction  qui  forme  un  Oi^do  Missae 
abrégé.  Cette  disposition  se  maintient  au  X^  et 
au  Xl*^  siècle  dans  la  plupart  des  documents  de 
l'article  précédent.  Tels  sont,  par  exemple,  les 
Codices  35^8  et  38 06  de  la  Bibliothèque  Vati- 
cane,  les  «°^  ^g5  et  ^çp  du  fonds  Palatin  à  la 
même  Bibliothèque,  le  Codex  B.  24  de  la  Vallicel- 
lane,  le  Cod.  VI,  3  de  la  Bibliothèque  publique 
d'Arezzo,  etc. 

Au  xi*^  et  au  xii^  siècle,  l'espèce  d'introduction 
ajoutée  au  titre  devint  superflue  ;  les  prières  de 
la  messe  qui  précèdent  le  canon,  ayant  pris  un 
plus  grand  développement,  furent  insérées  dans 
les  manuscrits.  Dès  lors,  pour  plus  de  commo- 
dité, ces  prières  et  le  canon  furent  placés  au 
milieu.  On  les  trouve  entre  le  propre  du  temps  et 
le  propre  des  saints,  dans  bon  nombre  de  docu- 
ments, des  Xl*^  et  xil^  siècles,  qui  sont  plutôt  des 
Missels  pléniers  (i).  Le  Codex  îS^.,  du  fonds  Otto- 
boni,  à  la  Bibliothèque  Vaticane  est  à  peu  près  le 
seul  des  Sacramentaires  précédemment  cités  qui 
offre  cette  disposition.  D'autres  fois,  quand  le 
propre  du  temps  et  le  propre  des  saints  sont  fon- 
dus ensemble,  le  canon  est  placé  immédiatement 
avant  la  fête  de  Pâques  ;  le  plus  ancien  exemple 
de  ce  genre  nous  est  fourni  par  le  Codex  ^yyo  de 
la  Bibliothè  jue  du  Vatican,  un  Missel  plénier  du 
X^-Xi^  siècle  (2).  Nous  trouvons  le  canon  à  cette 
même  place  dans  le  Cod.  P,  i3  de  San  Pietro  à 
Kome,  du  xiii^  siècle,  le   Cod.  F.  /^'dela  même 

(i)  Ebner,  ouvy.  cité,  p.  372. 

(2)  Ebner,  Ibid.^   p.  278.  Rhrensberger,  ouvr.  cité,  p.  446. 

LE   MISSEL   ROMAIN.    —  Tomc  II.  3 


34  LE   MISSEL    ROMAIN 

Bibliothèque  (un  document  qui  par  ses  additions 
est  plutôt  du  xiv^  siècle)  :  ce  sera,  sauf  le 
mélange  des  deux  propres,  la  place  assignée  au 
canon  de  la  messe  dans  les  missels  de  l'avenir. 
Mais  avant  d'en  venir  à  ce  résultat,  il  faudra 
enregistrer  plus  d'une  variante  :  ainsi  le  Cod.  F.  îo 
de  San  Pietro  à  Rome,  document  du  xir  siècle,  a 
les  prières  préparatoires  à  la  messe,  les  préfaces 
et  le  canon  seulement  après  la  vigile  de  la  Pente- 
côte; le  Cod,  IL  20  de  la  Bibliothèque  capitulaire 
de  Modène  (même  époque),  a  le  canon  entre  le 
propre  du  temps  et  le  propre  des  saints.  A  cette 
même  place,  on  le  trouve  dans  le  dernier  des  purs 
Sacramentaires,  le  Cod,  XII,  6.  {N,  a.  iSSS),  un 
document  du  XV^  siècle  à  la  Bibliothèque  Barbe- 
rini  de  Rome. 

II.  —  Cette  variation  dans  la  place  donnée  au 
canon,  à  une  époque  où  l'on  tend  à  le  mettre  au 
milieu  du  recueil,  tient  à  ce  que  la  disposition  du 
propre  du  temps  et  celle  du  propre  des  saints  ne 
sont  pas  elles-mêmes  définitivement  arrêtées.  Jus- 
qu'à la  fin  du  Xlii^  siècle,  on  trouve  dans  les  recueils 
à  peu  près  toutes  les  combinaisons  possibles  des 
deux  parties.  Tantôt  le  propre  du  temps  et  le 
propre  des  saints  sont  fondus  ensemble,  comme 
dans  le  cas  du  Cod.  lat.,  ^yyo  de  la  Bibliothèque 
Vaticane  (x^-xr  siècle),  tantôt  on  les  trouve  sépa- 
rés, comme  dans  le  Cod.  ^pS  de  la  Bibliothèque 
Vaticane,  fonds  Palatin,  etc.  ;  tantôt  les  deux 
propres  sont  mêlés  l'un  dans  l'autre  par  suite  de 
coupures  plus  ou  moins  nombreuses  dans  la  partie 
d'hiver.  Ainsi  les  coupures  sont  moins  nombreuses 
dans  le  n^  JS^S  de  la  Bibliothèque  Vaticane  :  le 
propre  du  temps  va  se  mêlant  au  propre  des  saints  i 
jusqu'à  l'Annonciation  (25  mars)  ;  à  cette  date,  le 
propre  du  temps  reprend  seul  avec  le  dimanche 
de  la  Septuagésime  et  se  poursuit  jusqu'au  der- 
nier dimanche  après  la  Pentecôte  sans  interrup- 


LE    MISSEL    ROAIAIiN^  35 

tion,  à  cette  série  s'ajoutent  cinq  dimanches  de 
l'Avent.  Puis  vient  le  propre  des  saints,  ininter- 
rompu lui  aussi  depuis  saint  Léon,  pape,  jusqu'à 
saint  Thomas,  apôtre.  Dans  le  Codex  ^çç  de  la 
Bibliothèque  Vaticane,y^;^<^^  Palatin,  xi^  siècle, 
le  propre  du  temps  est  coupé  par  le  propre  des 
saints  de  la  façon  suivante  :  a)  propre  du  temps, 
de  la  vigile  de  Noël  au  sixième  dimanche  après 
l'Epiphanie  ;  ôj  propre  des  saints  depuis  saint 
Sylvestre  (31  décembre)  jusqu'à  saint  Ambroise 
(27  mars)  ;  cj  propre  du  temps,  de  la  Septuagé- 
sime  à  l'octave  de  Pâques,  puis,  après  intercala- 
tion  de  la  seule  fête  de  saint  Léon  pape,  les 
quatre  dimanches  après  l'octave  de  Pâques  ; 
dj  propre  des  saints  depuis  saint  Tiburce,  etc. 
(14  avril)  jusqu'à  sainte  Pétronille  (31  mai)  ;  ej  le 
reste  du  propre  du  temps  depuis  la  vigile  de 
l'Ascension  jusqu'au  quatrième  dimanche  de 
l'Avent  \fj  enfin  le  reste  du  propre  des  saints. 

A  quelques  nuances  près,  c'est  la  division  que 
donnent  le  Cod.  L  (lai.)  DIX  ào.  la  Bibliothèque 
de  Saint-Marc  à  Venise,  comme  aussi  les  deux 
Sacramentaires  de  l'abbaye  Saint-Thierry  de 
Reims  dont  Hugues  Méhard  s'est  servi  pour  l'édi- 
tion du  Sacramentaire  Grégorien.  Les  coupures 
de  ce  dernier  sont  au  15  janvier,  saint  Marcel; 
au  14  février,  saint  Valentin;  au  25  mars,  Annon- 
ciation ;  au  14  avril,  saint  Tiburce,  etc.  ;  au  24  mai, 
saint  Urbain;  au  1®'' juin,  dédicace  delà  basilique 
de  Saint  Nicomède.  Plus  communément  les  cou- 
pures se  font  au  25  mars  où  se  place  le  dimanche 
de  la  Septuagésime,  au  25  mai  ou  au  i*^''juin  où 
commence  la  série  des  dimanches  après  la  Pente- 
côte. 

Le  plus  ordinairement,  les  recueils  commen- 
cent à  la  vigile  de  Noël  et  se  terminent  avec  les 
dimanches  de  l'Avent.  Néanmoins  quelques  ma- 
nuscrits inaugurent  la  pratique  de  débuter  avec  le 


ôb  LE   MISSEL   ROMAIN 

i^'^  dimanche  de  l'Avent  :  tel  est  le  cas,  par 
exemple,  du  Cod.  VI,  3,  de  la  Bibliothèque 
publique  d'Arezzo,  Xl"^  siècle  ;  des  Codices  F.  i3, 
P,  14,  F.  îS,  de  la  Bibliothèque  San  Pietro  à 
Rome,  xir  et  Xlir  siècles,  etc.,  du  Codex  1S4  de  la 
Bibliothèque  Vaticane,/^?;^^^  Ottoboni,  Xlii^  siècle. 

§  II.  DÉVELOPPEMENT  DONNÉ  A  l'ORDINAIRE 
DE  LA  MESSE. 

Pour  étudier  l'ordinaire  de  la  messe  pendant 
les  xr,  Xli^  et  XIII"  siècles,  il  est  bon  de  mettre  à 
part  le  canon  et  les  deux  parties  qui  l'encadrent. 
Sur  le  canon  lui-même,  il  reste  peu  d'explications 
à  donner,  car  fixé  définitivement  au  IX®  siècle,  il 
subit  à  peine  quelques  modifications  de  détail  (i). 
Mais  l'oblation  qui  le  précède  et  la  communion 
qui  le  suit,  dans  la  partie  appelée  messe  des  fidèles, 
sont  encore  en  voie  de  formation,  et  il  en  faut  dire 
autant  des  prières  de  préparation  et  d'introduction 
dans  la  messe  des  catéchumènes  :  là  nous  trouvons 
des  nuances  entre  la  liturgie  romano-gallicane  et 
la  liturgie  ambrosienne  qui  survécut  aux  tenta- 
tives d'unification  faites  d'abord  par  Charlemagne 
et  un  peu  plus  tard  par  Nicolas  11(1058-1061).  Ces 
nuances  se  perpétueront  jusqu'à  nos  jours  dans  la 
liturgie  milanaise,  puis  dans  la  liturgie  lyonnaise, 
un  mélange  de  romain  et  de  gallican  plus  accentué 
que  celui  de  la  liturgie  romaine,  enfin  dans  la 
liturgie  de  certains  ordres  religieux,  comme  les 
Chartreux,  les  Carmes,  les  Dominicains.  —  Quant 
aux  Franciscains,  par  le  Missel  de  la  Curie 
romaine  ils  travailleront  à  conserver  l'œuvre  de 
saint  Grégoire  VII  (1073- 1085).  Parles  soins  de 

(i)  Il  va  sans  dire  qu'on  ne  peut  donner,  dans  cet  opuscule, 
un  résumé  même  succinct  des  explications  mystiques  si  longue- 
ment développées  dans  les  liturgistes  du  moyen  âge.  Notons 
seulement  que  leurs  œuvres  fournissent  un  précieux  témoignage 
en  faveur  de  l'existence  des  rites. 


LE    MISSEL    ROMALN  87 

ce  saint  Pontife,  la  liturgie  romaine  a  remplacé  la 
liturgie  gothique  en  Espagne  (i). 

Nous  renvoyons  au  chapitre  suivant  l'étude  des 
Missels  des  Religieux.  Présentement,  il  nous 
suffira  de  suivre  le  développement  de  l'ordinaire 
de  la  messe  dans  la  liturgie  romano-gallicane  et 
dans  la  liturgie  ambrosienne. 

I.  —  Liturgie  romano-gallicane 
oiù  liturgie  romaine  après  Charlemagne, 

I.  Messe  des  Catéchumènes.  —  Prières  prépara- 
toires. —  On  ne  les  trouve  pas  écrites  dans  les 
recueils  antérieurs  au  ix^  siècle,  c'est  qu'alors  le 
choix  en  était  laissé  aux  évêques  et  aux  prêtres. 
Au  Xl*^  siècle,  l'auteur  du  Micrologue  indique 
quatre  psaumes  :  r.XXXIlI-LXXXV  :  Qua^n  dilecta  ; 
Benedixisii Domine,  Inclina;  et  CXV,  Credidi,  avec 
Kyrie,  Pater  noster^  et  une  oraison  pour  obtenir 
le  pardon  des  péchés  :  c'est  là,  dit-il,  la  coutume 
romaine.  Le  Sacramentaire  de  Trêves,  document 
du  X*^  siècle,  marque  les  trois  premiers  psaumes 
signalés  dans  le  Micrologue  et  les  fait  suivre  de 
longues  litanies  (2).  Le  Missale  mixtum  place 
après  l'octave  de  Pâques  les  prières  de  prépara- 
tion à  la  Messe  (3). 

Vêture  des  ornements  sacerdotaux,  —  Après 
l'ablution  des  mains,  le  célébrant  revêt  les  orne- 
ments, les  mêmes  que  de  nos  jours.  On  les  présente 
parfois  dans  un  ordre  différent  :  ainsi  Y Ordo 
Romamts  I  fait  revêtir  l'aube,  le  cordon,  puis 
l'amict  (4) ,  ensuite  la  tunique,  la  dalmatique  (l'étole 

(i)  D.  Guéranger,  InstihiHons  lituygiques,  t.  I,  p.  187 
et  449. 

(2)  Lebrun,  Explications  des  Prières  de  la  Messe,  t.  I, 
p.  35.  Delisle,  ouvr.  cité,  n*  lxxxii,  p.  221. 

(3)  P.  L.,  t.  LXXXV,  c.  522. 

(4)  P.  L.,  t.  LXXVIII,  c.  940. 


38  LE   MISSEL   ROMAIN 

est  passée  SOUS  silence),  la  chasuble,  le  manipule. 
Du  IX®  au  xr  siècle,  beaucoup  de  documents  ren- 
ferment les  formules  que  le  célébrant  récite  en 
revêtant  ces  ornements  :  tels  par  exemple,  la 
messe  d'IUyricus,  le  Sacramentaire  de  Trêves, 
celui  de  Noyon,  etc.  Pour  le  revêtement  de  la 
chasuble,  le  Sacramentaire  de  Senlis  donne  une 
formule  qui  rappelle  celle  prononcée  dans  l'ordi- 
nation du  prêtre  :  Benedictio  Patris  et  Filii  et 
Spiriius  Sancti  descendat  (  i  ) . 

Prières  du  bas  de  l'autel.  —  Un  Sacramentaire 
du  XII®  siècle,  conservé  à  Rome,  le  Cod.  P.  /J'de 
San  Pïetro,  indique  :  Introïbo,  Judïca,  Conjîteor. 
Le  Missel  mozarabe  a  l'antienne  Introibo  au  début, 
puis  le  psaumey?^^?'(f<3;,  à  l'offertoire  seulement  (2). 
Parfois  l'évêque  commençait  à  réciter  ces  prières 
en  allant  de  la  sacristie  à  l'autel.  —  Il  y  avait  des 
variantes  dans  la  formule  du  Confiteor ;  celle  que 
nous  récitons  actuellement  date  du  XII^  siècle  : 
Rome  alors  l'adopta. 

Les  pj'ières  :  Aufer  a  nobis  et  Orainus  te; 
r encensement  de  l'autel  aux  messes  solennelles. 

La  première  formule  empruntée  au  Sacramen- 
taire léonien,  se  trouve  placée  en  cet  endroit  par 
le  Codex  C.  32  delà  Vallicellane,  xr  siècle  ;  elle  y 
est  précédée  de  l'oraison  Aures  tuae  pietatis .  La 
deuxième  formule  :  Oramus  te,  se  lit  dans  un  Pon- 
tifical de  Narbonne  du  XIII*^  siècle.  La  Messe 
d'Illyricus  donne  cette  prière  au  singulier  Oro  te. . . 
et  la  fait  réciter  par  le  célébrant  au  moment  où  il 
s'approche  de  l'autel  pour  l'oblation  ;  ce  même 

(1)  Delisle,  ouvr.  cité,  n°  XXXII,  p.  ii3;  —  P.  Z., 
t.  LXXVIII,  c.  223.  —  Ces  prières  sont  indiquées  sommaire- 
ment dans  un  Sacramentaire  du  Mont-Cassin  xi*  siècle.  Biblio- 
thèque de  la  Vallicellane,  Cod.  C.  32,  à  Rome.  Voir  E^hnev^ouvr. 
cité,  p.  202  et  339. 

(2)  Ebner,  ouvr.  cité,  p.  188.  Lebrun,  Ibid.y  p.  iii.Bona, 
Rerum  Liturgie,  libri  dtcoy  t.  III,  p.  34. 


LE    MISSEL    ROMAIN  3() 

document  place  la  formule  Aitfer  a  nobts  avant 
introïbo  çX  Jîcdica  me,  et  au  milieu  de  beaucoup 
d'autres  invocations  place  l'oraison  Aures  tuae 
pietatïs  (i).  La  pratique  de  l'encensement  de 
l'autel  à  rintroït  et  à  l'offertoire  des  messes  solen- 
nelles est  entrée  dans  la  liturgie  de  l'église  latine 
dès  le  X^  ou  le  Xl®  siècle  :  cependant  d'après  un 
ancien  Missel  de  Narbonne,  l'encensement  de 
l'autel  n'avait  lieu  qu'à  l'offertoire  ;  les  premiers 
Ordines  Romanis^  contentent  de  dire  qu'à  l'entrée 
du  célébrant,  des  ministres  ouvrent  la  marche  en 
portant  des  encensoirs  fumants  (2). 

Introït  et  Gloria  in  excelsis.  Au  moment  o\x  se 
faisait  cette  entrée  le  chœur  chantait  X Introït 
(voir  Antiphonairé).  Au  ix*^  siècle  seulement, 
d'après  un  bon  nombre  de  liturgistes,  le  célébrant 
commença  à  lire  cet  introït  ;  d'autres  liturgistes 
veulent  reculer  les  débuts  de  cette  pratique 
jusqu'au  xiv^  siècle  (3).  Les  Ordines  Romani 
gardent  le  silence  à  ce  sujet  :  d'après  V  Ordo  Ro- 
manus  III,  le  Pontife  arrivé  au  trône,  se  tient 
debout  tourné  vers  l'Orient  ;  l'antienne  terminée, 
la  Schola  entonne  Kyrie  et  le  chef  de  la  Schola 
doit,  pendant  le  chant  à.\x  Kyrie,  regarder  le  Pon- 
tife pour  savoir  de  lui  s'il  veut  changer  le  nombre 
des  invocations  ;  après  quoi  le  célébrant  entonne 
Gloria  in  excelsis  (4)  Ainsi  donc,  le  Pontife  était 
libre  de  déterminer  à  son  gré  le  nombre  des  Kyrie 
à  chanter  ;  il  n'est  pas  dit  qu'il  fut  lui-même  obligé 
de  réciter  ces  invocations  pendant  l'exécution  du 

(i)  Pour  la  messe  d'illyricîis,  voir  P.  L.,  t.  CXXXVIII, 
c.  1324. 

(2)  Voir  Ordo  Romamts  /et  II,  P.  L.,  t.  LXXVIII,  c.  941 
et  969. 

(3)  Selon  toute  probabilité,  la  lecture  de  l'introït  par  le  célé- 
brant ne  devint  obligatoire  qu'à  partir  du  xiv*  siècle.  Bona, 
ouvy.  cité,  t.  III,  p.  5i. 

(4)  P.  L.,  t.  LXXVIII,  c.  979. 


40  LE   MISSEL    ROMAIN 

chant.  Depuis  le  pontificat  de  saint  Grégoire  le 
Grand  (590-604),  le  Gloria  in  excelsis  devait  être 
dit  les  dimanches  et  fêtes  par  les  évêques,  mais 
non  par  les  simples  prêtres  ;  ceux-ci  pouvaient  le 
dire  une  fois  l'année  en  la  seule  fête  de  Pâques  : 
au  Xl*'  siècle,  Bernon  d'Augias  écrivait  que  cette 
concession  devait  s'étendre  tout  aussi  bien  à  la 
fête  de  Noël  et  même  qu'on  devait  permettre  aux 
simples  prêtres  de  dire  le  Gloria  tous  les  dimanches 
et  toutes  les  fêtes  des  saints  (i)  ;  ce  fut  le  point  de 
départ  de  l'usage  qui  s'est  maintenu  jusqu'à  nos 
jours.  L'auteur  du  Micrologue  ne  fait  plus  de 
distinction  sous  ce  rapport  entre  évêques  et 
prêtres  (2)  et  les  Sacramentaires  de  cette  époque 
commencent  à  mentionner  léchant  du  Gloria  pen- 
dant lequel  le  célébrant  récite  une  prière  (3).  La 
formule  de  l'hymne  angélique  est,  dès  le  IX^  siècle 
identique  à  la  nôtre  :  toutefois  la  messe  d'Illyricus 
insère  les  mots  :  hymmun  diciinus  tibi,  entre 
Glorificainits  te  et  Gratias  agiinus  (â^...  Sur  des 
feuillets  écritsauxir  siècle,  le  manuscrit  latin  loSoi 
de  la  Bibliothèque  Nationale,  Sacramentaire  de 
Saint-Symphorien  de  Metz,  porte  des  indications 
pour  le  chant  du  Gloria  i7i  excelsis  (5). 

Collecte,  —  Les  premiers  Ordines  Romani 
donnent  Fax  vobis  ou  Fax  vobiscuin,  comme  for- 
mule de  salutation  aux  fidèles  ;  mais  au  x^  siècle, 
le  pape  Léon  VII  (936-939)  sanctionna  que  la  for- 
mule :  Fax  vobis  serait  réservée  aux  cardinaux  et 


(i)  Libellus  de  quibusdam  ad  inissam  pertînentîbzis y  P.  L., 
t.  CXLII,  c.  io58. 

(2)  P.  L.,  t.  CLI,  c.  976. 

(3)  Voir  par  ex.  le  Codex  B.  23  de  la  Vallicellane,  xi'-xii*  s. 
Ebner,  ouvr.  cité,  p.  337. 

(4)  P.  L.,  t.  CXXXVIII,  c.  i3i4-i3i5. 

(5)  Delisle,    Anciens   Sacramentaires,   n*   lxxxii,  p.    222. 


LE    MISSEL    RO.^L\IN  4I 

aux  évêques  (i),  les  simples  prêtres  devront 
employer  la  salutation  :  Dominus  vobisctLm,  Suit 
l'invitation  à  prier  :  Oreinus,  Primitivement,  ce 
n'était  pas  la  seule  adressée  aux  fidèles  pendant  le 
saint  Sacrifice;  il  y  avait  de  fréquentes  invitations 
au  recueillement  prononcées  par  le  diacre,  par 
exemple  :  Aiires  ad  Dojitiiiuut  ;  Silentium  fa- 
cite  (2).  Le  mot  Orentus  leur  a  été  substitué 
presque  partout  ;  il  se  trouve  au  moins  cinq  fois 
au  cours  de  la  messe  romaine.  Il  était  suivi  d'un 
développement  exposant  l'objet  de  la  prière, 
comme  cela  se  pratique  à  l'office  du  Vendredi 
saint.  L'auteur  du  Micrologue  constatait  au 
xr  siècle  que  VOrdo  RomaniLS  comportait  une 
oraison  unique,  conformément  à  la  structure  du 
Sacramentaire  grégorien,  néanmoins  il  signalait 
la  tendance  de  quelques-uns  à  multiplier  les  orai- 
sons jusqu'à  fatiguer  les  oreilles  des  auditeurs; 
les  additions  se  faisaient  en  nombre  impair  de 
façon  à  ne  pas  dépasser  le  nombre  sept  (allusion 
aux  sept  demandes  du  Pater)  (3). 

Lectures  et  chants,  —  L'usage  primitif  était  que 
tousles assistants,  même  le  prêtre,  devaient  écouter 
le  lecteur,  sous-diacre  ou  diacre,  pendant  l'épître 
et  l'évangile,  absolument  comme  cela  se  pratique 
pour  les  leçons  du  bréviaire  quand  on  le  récite  en 
commun.  Mais,  dans  le  cours  de  la  période  que 
nous  étudions  (xi^'-XIir  siècle),  certains  célébrants, 
n'entendant  pas  bien  la  lecture,  par  suite  de  la 
distance  où  ils  se  trouvaient  de  l'ambon,  prirent 
le  parti  de  lire  eux-mêmes  le  passage  de  l'apôtre 
et  de  l'évangile  ;  certains  ordinaires,  comme  les 
coutumes  de  Cîteaux,  donnent  cette  pratique 
comme  facultative  ;  au  XIII^  siècle,  l'ordinaire  des 

(i)  Voir  P.  L.,  t.  CI,  c.  1249,  Pax  vobis  dô»fto,  comme 
Salutatio  eplscopalis. 

(2)  P.  L.,  t.  LXXXV,  c.  539,  note. 

(3)  P,  L.,  t.  CLI,  c.  980. 


4-2  LE    MISSEL    ROMAIN 

religieux  Dominicains  marque  que  le  célébrant 
s'étant  assis,  on  lui  met  sur  les  genoux  une  serviette 
et  un  Missel  pour  qu'il  lise  ce  qui  lui  plaira  (i).  On 
trouvera  dans  l'opuscule  Antiphonaire,  les  détails 
concernant  les  chants  interlectionnaires,  comme 
Graduel,  Allehna  ou  Traït.  Notons  seulement  ici 
qu'au  IX*^  siècle,  X^Jubihcs  (groupe  de  notes  modu- 
lées sur  la  dernière  syllabe  du  mot  Allelwid)^ 
appelé  aussi  Sequeniïa  ou  protractio ,  donna  nais- 
sance à  des  compositions  nouvelles  en  prose 
(ix^  siècle)  ou  en  vers  (xir  siècle)  :  ce  furent  nos 
séquences  ou  proses.  On  fait  remonter  les  pre- 
mières à  Notker  de  Saint-Gall  (ix^  siècle),  le 
nombre  s'en  accrut  considérablement  dans  les 
siècles  suivants.  Chartreux  et  Cisterciens  refu- 
sèrent de  les  admettre  dans  leurs  Missels  (2). 
Certaines  liturgies,  comme  la  gallicane  et  la  moza- 
rabe, avaient  ajouté  aux  cantiques  interlection- 
naires le  Trisagîon  distinct  de  celui  qui  se  chante 
après  la  préface  ;  l'ordinaire  romain  n'a  jamais 
inséré  cette  pratique.  La  coutume  de  chanter  le 
Credo  s'introduisit  dans  les  églises  de  Gaule  au 
IX^  siècle  comme  une  protestation  contre  l'erreur 
de  l'adoptianisme  ;  à  Rome,  on  ne  le  disait  pas 
encore  au  commencement  du  xi^  siècle  (3). 

(i)  Lebrun,  Explication  des  prières  de  la  Messe,  t.  I, 
p.  200.  Pour  les  autres  particularités  des  lectures,  voir  Lec~ 
tionnaires  et  Evangéliaires.  Une  rubrique  imprimée  dans  le 
Missel  de  1604,  publié  par  Clément  VIII,  déclare  la  lecture  de 
l'épître  par  le  prêtre  obligatoire.  Lebrun,  otivr.  cité,  1. 1,  p.  201. 

(2)  Les  correcteurs  du  Missel  Romain  sous  le  pontificat  de 
saint  Pie  V,  n'en  ont  laissé  subsister  que  quatre  :  Victitnae 
Paschali,  attribuée  à  Notker  ;  Veni  Sancte  Spiritus  attribuée 
à  Herraann  Contract  ou  au  pieux  roi  Robert  ;  Lauda  Sion, 
composée  par  saint  Thomas  d'Aquin  ;  Dies  irae,  qui  est  d'un 
auteur  incertain,  peut-être  du  dominicain  Frangipani.  On  a 
ajouté  depuis,  pour  les  sept  douleurs  de  Marie,  le  Stabat  Mater 
du  franciscain  Jacopone. 

(3)  Lebrun,  oiivr.  cité,  t.  I,  p.  242  etBona,  ouvr.  cité,  t.  III, 
p.   171. 


LE   MISSEL    ROMAIN  48 

2.  Messe  des  fidèles.  —  On  y  àisiingw^  trois 
parties  :  l'oblation  ou  offrande,  la  consécration 
ou  canon  et  la  communion. 

A.  Oblation.  Le  silence  qui  suit  l'invitation 
OrefitîiS  de  l'offertoire  semble  marquer  la  place 
des  prières,  appelées  oj^ationes ,ire7iicae ,  récitées 
pour  les  diverses  classes  des  fidèles.  Pendant  le 
temps  consacré  à  recevoir  les  offrandes,  le  chœur 
chantait  plusieurs  versets  d'un  psaume  avec  reprise 
d'un  refrain  ;  c'est  notre  antienne  de  l'offertoire, 
on  en  a  retranché  la  reprise  (i).  Le  prêtre  récite 
maintenant  cette  antienne  avant  de  faire  l'obla- 
tion ;  la  pratique  de  cette  récitation  remonte  sans 
doute  à  la  même  époque  que  celle  de  l'introït  et 
du  graduel,  et  il  faut  en  dire  autant  de  la  commu- 
nion. 

L'offrande  en  Gaule  se  plaçait  avant  la  messe 
ou  du  moins  avant  l'évangile  ;  de  cette  pratique 
est  né  le  rite  observé  aujourd'hui  encore  dans 
certaines  liturgies  et  dont  il  sera  question  au 
chapitre  suivant.  A  partir  du  xi^  siècle,  l'offrande 
des  fidèles,  en  Gaule  comme  à  Rome,  fut  renvoyée 
après  l'oblation  et  avant  le  lavement  des  mains  (2). 
En  recevant  les  offrandes  de  chacun,  le  célébrant 
récitait  une  formule  :  Sziscïpe  sancfa  Tririitas  ; 
elle  a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  dont  on 
parlera  plus  loin  (3).  Cette  offrande  terminée,  on 
étendait  le  corporal  sur  l'autel,  et  il  y  avait  une 
prière  accompagnant  cet  acte  :  on  la  trouve  dans  le 
Sacramentaire  d'Albi,  document  du  xir  siècle  (4). 

(  I  )  Rerai  d' Auxerre,  Exposîtio  de  celebratione  7nissae  et  ejus 
significatione  ;   intey  opéra  Alcuini.   P.  L.,    t.  CI,  c.  i25i. 

(2)  Lebrun,  oiivr.  cité^  t.  I,  p.  287. 

(3)  Ebner,  p.  339,  a  relevé  cette  formule  dans  le  Cod.  C.  J2 
de  la  Vallicellane. 

(4)  Delisle,  Anciens  Sacramentaires,  n"  lxxxvi-lxxxviii, 
p.  227. 


44  LE    MISSEL    ROMAIN 

Dans  le  rite  ambrosien,   elle  est  désignée  sous  le 
nom  dH O ratio  super  sindonem  (i). 

Pour  la  préparation  du  calice,  il  n'était  pas 
encore  conforme  à  la  pratique  de  Rome  qu'à  la 
messe  solennelle  le  sous-diacre  fût  admis  à  verser 
l'eau  dans  le  calice  ;  Amalaire  assigne  cette  fonc- 
tion au  diacre  (2)  ;  Innocent  III  et  VOrdo  Roma- 
nus  XIV la.  réservQnt  au  célébrant-lui-même  qui 
prononce  en  même  temps  l'oraison  :  jDezis  qui 
huinaiiae  substantiae  (3). 

De  toutes  les  prières  qui  se  récitent  actuellement 
à  l'oblation  de  l'hostie  et  du  calice,  aucune  ne 
figure  dans  les  anciens  Sacra mentaires  ;  Alcuin  et 
Amalaire  gardent  le  silence  à  leur  sujet  ;  la  Messe 
d'iUyricus  a  les  deux  prières  :  Offerimus  et  Veni 
sanctifie ator,  la  première  est  aussi  dans  le  Missel 
mozarabe  et  le  sacramentaire  de  Trêves  ;  on 
trouve  également  In  spiritn  huiniliiatis  dans  le 
Missel  mozarabe  et  quelques  missels  du  iX-X^siècle. 
Enfin  l'auteur  du  Micrologue  mentionne  Veni 
sanctificator,  comme  une  prière  de  la  liturgie 
gallicane  (4).  En  somme,  d'après  Lebrun,  c'est 
vers  la  fin  du  xr  siècle  que  Rome  emprunte  au 
Missel  mozarabe  les  quatre  prières  :  Suscipe 
sancte  Pater,  Offerintus  tibi,  In  spiritu  huinilitatis 
e  t  Veii  i  sanctificator  (  5  ) . 

Il  a  déjà  été  question  de  l'encensement  à  propos 
de  l'introït.  Pour  l'encensement  des  oblats  à  l'of- 
fertoire, il  se  rencontre,  au  IX®  siècle,  quelques 


(i)  Lebrun,  ouvr.-  cité,  t.  I,  p.  197. 

(2)  P.  L.,  t.  CV,  c.  ii3o.  et  dans  les  Eclogae    de    officîo 
missae^  même  volume,  c.  1324. 

(3)  Pour  Innocent   III,  voir  P.  L.,  t.  CCXVil,  c.  833  ;   pour 
VOydo  Romamts  XIV,  P.  L.,  t.  LXXVIII,  c.  Z164. 

(4)  P.  Z.,  t.  CLI,  c.  984. 

(5)  Lebrun,  ouvr.  cité,  t.  I,  p.  296  et  seq.  ;  on   trouve   ces 
prières  dans  le  Cod.  C.  $2  de  la   Vallicellane.  Ebner,  p.  339. 


LE   MISSEL   ROMAIN  4$ 

témoignages  en  apparence  contradictoires.  Ama- 
laire,  dans  le  prologue  de  son  traité  De  officiis 
ecclesiasticiSy  dit  qu'il  n'y  a  point  d'encense- 
ment (i),  d'autre  part  Rémi  d'Auxerre  men- 
tionne l'encensement  à  l'offertoire  (2).  Il  paraît 
bien  que  ce  dernier  est  dans  le  vrai,  si  l'on  tient 
compte  decertaines  assertions  consignées  ailleurs, 
par  exemple  celle  de  Réginon  de  Prûm  (3). 
D'ailleurs,  la  prière  pour  la  bénédiction  de  l'en- 
cens :  Per  intercessioiteiit  est  à  cet  endroit  dans 
la  messe  d'Illyricus  avec  le  nom  de  Gabriel'dM  lieu 
de  J//(f//^/(4).  A  partir  du  IX^  siècle,  les  églises 
d'Allemagne  et  de  Gaule  ont  placé  le  lavement  des 
mains  après  la  réception  des  offrandes  et  après 
l'encensement  ;  il  paraît  même  qu'il  y  a  eu  deux 
ablutions,  l'une  après  la  réception  des  offrandes^ 
l'autre  après  l'encensement.  Il  n'y  est  pas  question 
du  psaume  Lavabo  ;  cependant  dans  certaines 
églises,  le  célébrant  en  récitait  quelques  versets.  Le 
Missel  romain  en  le  faisant  dire  tout  entier  est  plus 
conforme  aux  anciennes  liturgies  d'Orient  (5). 
Le  rite  du  lavement  des  doigts  date  des  temps 
apostoliques,  la  récitation  du  psaume  est  signalée 
dans  la  liturgie  de  saint  Chrysostome,  elle  devint 
d'un  usage  général  dans  l'église  latine  seulement 
au  xv^  siècle. 

La  prière  :  Stiscipe  sancta  Trinitas  est  en  sub- 
stance dans  les  liturgies  grecques,  puis  on  la 
trouve  dans  le  Missel  ambrosien  ;  de  là  vient  sans 
doute  qu'un  Missel  d'Auxerre  du  XIIl^  siècle  l'at- 
tribuait à  saint   Ambroise.    Au    Xl""    siècle,    elle 

(1)  L.  P.,  t.  CV,  c.  992. 

(2)  Rémi  d'Auxerre,  loc.  cit.  P.  Z.,  t.  C,  c.  1252,  parmi  les 
œuvres  attribuées  à  Alcuin. 

(3)  Z.  P.,  t.  CXXXVII,  c.  204. 

(4)  P.  Z.,  t.  CXXXVIII,  c.  i328. 

(5)  Lebrun,  Ibid.,  I,  p.  347. 


46  LE   MISSEL   ROMAIN 

n'était  encore  écrite  ni  dans  l'ordre  romain  ni 
dans  le  gallican  :  l'auteur  du  Micrologue,  à  qui 
nous  devons  cette  constatation,  ajoute  que,  de 
son  temps,  cette  prière  était  récitée  en  vertu  d'une 
coutume  ecclésiastique  (i). 

La  formule  :  Orafe /ratres  présente  tout  d'abord 
bien  des  variantes.  Ainsi  la  messe  d'IUyricus 
porte  :  Oraie  pro  me  peccatorey  fratres  et  sororeSy 
ut.,.  Et  tous  répondent  :  Suscipiat...  et  oraiiones 
tuae  ascendant  i7t  •jneinoriant  ante  Doininum  ipse- 
que  te  exaudiat  qui  te  constituit  intercessorem  pro 
peccatis  nostris  (2).  L'usage  de  cette  invitation  se 
répand  au  xil^  et  au  XIII®  siècle  en  plusieurs  églises 
éloignées  de  Rome  :  la  formule  est  parfois  plus 
brève,  par  exemple  :  Oratepro  me peccatore ^  dans 
le  Sacramentaire  de  Trêves  ;  Orate  pro  ine^  dans 
V Ordo  Romanus  VI  et  les  us  de  Cîteaux  (3).  Rémi 
d'Auxerre  ajoute  le  premier  comme  explication 
ut  ineuin  ac  vestrum  (4). . .  ;  les  réponses  aussi  sont 
diverses  ;  ainsi  Amalaire  indique  trois  versets  du 
psaume  Exaudiat,  savoir  :  Mittai  tibi  etc.  (5) 
comme  le  pratiquent  encore  les  Carmes  ;  des 
Missels  des  xr  et  xil®  siècles  n'ont  aucune  réponse, 
et  c'est  ainsi  qu'en  agissent  les  Chartreux  (6). 

La  secrète  est  prononcée  par  le  prêtre,  sans 
oreinus  et  à  voix  basse  (d'où  lui  est  venu  son 
nom).  Vers  le  xr  ou  XII®  siècle,  des  missels  pla- 
cèrent ici  Oremus,  quelquefois  avec  Domine, 
exaudi  orationem  ^neam;  la  rubrique  romaine  a 
jugé  qu'il  suffisait  de  l'invitation  :  Orate  fratres, 
La  secrète   est  encore  appelée   :    Oratio   super 

(i)  P.  Z.,  t.  CLI,  c.  984. 

(2)  P,  L.,  t.  CXXXVIII,  c.  1329. 

(3)  P.  L.,  t.  LXXVIII,  c.  993. 

(4)  P.   L.,    t.   CI,  c.    1252. 

(5)  P.  Z.,  t.  CV,  c.  ii32. 

(6)  Lebrun,  ouvr,  cité,  t.  I,  p.  369-374. 


LE    MISSEL    ROMAIN  47 

oblata,  et  le  per  oinnia  de  la  préface  lui  sert  de 
conclusion.  Jusqu'au  Xl^  siècle,  les  préfaces  furent 
très  nombreuses,  il  y  en  eut  pour  chaque  messe 
ayant  des  oraisons  spéciales  ;  en  des  termes 
improvisés  par  le  célébrant  elles  exprimaient 
le  caractère  du  mystère  commémoré.  Au  début 
du  Xir  siècle,  le  nombre  en  fut  réduit  à  neuf  (i)  : 
Noël,  Epiphanie,  Carême,  Pâques,  Ascension, 
Pentecôte,  Trinité,  Croix  et  Apôtres;  deux  autres 
ont  été  ajoutées  à  ce  chiffre,  la  préface  commune 
que  l'on  attribue  à  saint  Gélase,  et  la  préface  de  la 
sainte  Vierge  attribuée  à  Urbain  II  (1088- 1099)  (2). 
Une  rubrique  consignée  dans  le  Cod.  B ,  24  de  la 
Vallicellane,  XI® siècle,  fait  dire  une  oraison  parle 
prêtre  pendant  qu'on  chante  le  Sanctus  (3)  ; 
d'autres  documents  attestent  que  cette  prière 
commençait  par  les  mots  :  Aperi,  Domine,  os 
metini...  Cette  pratique  n'a  pas  été  conservée. 

B.  Consécration  oîo  Canon.  —  Nous  passerons 
rapidement  sur  cette  partie  importante  du  saint 
Sacrifice,  car  il  en  a  été  longuement  question 
dans  la  première  et  la  seconde  période;  les  détails 
de  rubriques  que  nous  aurions  pu  omettre  trou- 
veront place  dans  le  Cérémonial  ou  dans  la  des- 

(i)  On  a  prétendu  sans  raison  suffisante  que  cette  réduction 
avait  été  faite  par  Pelage  11(579-590)  le  prédécesseur  de  saint 
Grégoire  le  Grand  ;  on  alléguait  une  lettre  de  ce  pape  aux 
évèques  d'Allemagne  et  de  Gaule^  cette  lettre  n'est  pas  authen- 
tique. Zaccaria  Onomaslicon,  p.  loi.  Voir  aussi  P.  L., 
t.  LXXVIII,  c.  285.  ^ox\2.^ouvr.  cité,  t.,  III.  p.  233. 

(2)  Le  rite  ambrosien  a  conservé  un  plus  grand  nombre  de 
préfaces. 

(3)  Ebner,  ouvr.  cité,  p.  196  et  338.  Cette  prière  fut  ajoutée 
après  le  ix*  siècle,  quand  le  prêtre  cessa  de  chanter  le  Sanctus 
avec  le  chœur,  Lebrun,  ouvy.  cité,  t.  I.  p.  394.  On  trouve  aux 
XI*  et  XII*  siècles  bien  des  exemples  de  ce  genre  ;  les  deux 
formules  les  plus  usitées  \  facturus  memoriamy  et  Aperz  font 
demander,  parle  prêtre,  la  pureté,  le  recueillement  nécessaires 
pour  l'offrande  du  sacrifice.  Voir  encore  Cod.  1084^  Bologne 
Cod.  i2y^  Monte-Cassino,  etc.  Ebner,  p.  396. 


48  LE   MISSEL    ROMAIN 

cription  du  Missel  des  religieux.  Bornons-nous  ici 
à  quelques  réflexions  sur  le  texte.  La  finale  :  et 
omnibus  orthodoxis,  etc.  du  Te  igitur,  était  jugée 
comme  superflue  par  l'auteur  du  Micrologue  (i)  ; 
de  fait,  le  Sacramentaire  de  Trêves  au  X^  siècle 
ne  contient  pas  ces  mots,  et  le  Sacramentaire 
de  Worms,  de  la  même  époque,  les  a  comme 
addition  à  la  marge.  Toutefois,  dit  Lebrun,  la 
raison  donnée  par  l'auteur  du  Micrologue  ne  doit 
pas  être  acceptée  (2).  Dans  le  Meinenio  des 
vivants,  l'incidente  :  pro  quibus  tibi  offerimus 
vel  est  signalée  au  xr  siècle  par  saint  Pierre 
Damien  et  par  l'auteur  du  Micrologue  (3)  ;  elle 
se  trouve  dans  le  Sacramentaire  de  Senlis  dont 
Delisle  croit  pouvoir  rapporter  l'écriture  à  l'an 
880  (4).  Cependant,  même  après  le  xr  siècle,  des 
manuscrits  ne  l'ont  pas.  Le  moyen  âge  ajouta  à  ce 
Mémento  des  vivants,  une  mention  du  prêtre  célé- 
brant :  elle  commençait  ordinairement  ainsi  :  Mihi 
quoque...  (du  xi'^au  xv^  siècle).  L'ancienne  lecture 
des  diptyques  amena  en  cet  endroit  des  dévelop- 
pements contre  lesquels  il  fallut  réagir  pour 
reprendre  la  forme  romaine  primitive  :  le 
Cod,  4y'jo  de  la  Bibliothèque  Vaticane  fournit  un 
exemple  de  ces  développements.  Après  les  noms 
Cosmae  et  Damiani  du  Communicantes ,  beaucoup 
de  Sacra mentaires  et  d'anciens  Missels  ajoutent  le 
nom  d'autres  saints,  comme  Hilarii,  Martini,  les 
noms  d'Hilaire  et  Martin  montrent  que  les  addi- 
tions se  produisirent  dans  les  recueils  gallicans  ; 


(i)  P.  Z.,  t.  CLI,  c.  985. 

(2)  Lebrun,  ouvr.  cité^  t.  I,  p.  4i5;  —  P.  L.,  t.  LXXVIII, 
c.  275,  les  personnes  explicitement  nommées  étaient  le  pape, 
révêque,  le  roi  ou  l'empereur.  —  Ebner,  ouvr.  cité,  p.   398. 

(3)  Même  référence  que  i . 

(4)  Delisle,  ouvr.  cité,  n°  xxxii,  p.  143;  —  Ebner,  ouvr, 
cité,  pp.  402,  403. 


LK    MISSEL    ROMAIM  49 

on  ajouta  ensuite  deux  à  deux  les  noms  d'Augus- 
tin et  Grégoire,  Jérôme  et  Benoît,  etc.  Saint  Gré- 
goire III  (731  -741)  souhaitait  qu'on  fit  une  mention 
expresse  du  saint  ou  des  saints  dont  on  célébrait 
la  fête  en  disant  :  cuJîls  ou  qiioritm  solemnitas 
hodie  (i).,,\  la  pratique  a  été  observée  pendant 
un  certain  temps  et  en  certaines  églises,  mais 
n'a  point  prévalu,  on  peut  dire  qu'elle  finit 
avec  le  moyen  âge.  Aux  XIII^  et  XIV^  siècles,  on 
inscrivait  encore  cette  commémoraison  dans 
les  Missels  où  elle  manquait  (2).  De  nos  jours 
le  début  de  la  prière  Continunicantes  est  mo- 
difié pour  les  solennités  de  Noël,  Epiphanie, 
Jeudi  saint,  Pâques,  Ascension  et  Pentecôte  ;  on 
y  met  en  relief  la  pensée  de  la  fête  ;  le  début  de 
Hanc  igitiir  varie  pour  le  Jeudi  saint,  Pâques  et 
la  Pentecôte.  Ces  additions  sont  fondées  sur  le 
texte  des  plus  anciens  Sacramentaires  ;  on  en 
trouve  déjà  dans  le  Léonien  et  le  Gélasien.  A  en 
juger  par  le  grand  nombre  de  formules  :  Hancigi- 
tzcr  (38)  contenues  dans  ce  dernier,  on  pourrait 
croire  que  cette  variation  est  due  à  l'influence 
gallicane  (le  manuscrit  Regmensis  Jj!&  est  en  effet 
d'origine  gauloise),  mais  les  variations  se  retrou- 
vent en  d'autres  régions  ;  dans  le  Sacramentaire 
de  Brescia  (Bibliotheca  Qiceriniana  IX*^  siècle), 
il  en  existe  une  considérable  due,  selon  toute 
vraisemblance, àl'évêque  Paulin  d'Aquilée  (t8o2). 
Le  Grégorien  d'Adrien  renferme  un  nombre  beau- 
coup moindre  de  Hanc  igitur ;  il  témoigne  ainsi 
d'une  tendance  à  la  simplicité  et  à  la  fixité  des 
formules  liturgiques  (3).  La  grande  élévation 
actuelle,  aussitôt  après  les  paroles  de  la  consécra- 

(1)  Lebrun,  ouvr.  cité,  t.  I.  p.  436.  Notes  de   Dom    Ménard 
sur  le  Sacramentaire  Grégorien,  P.  Z.,  t.  LXXVIII,  c.  276. 

(2)  Ebner,  ouvr.  cité,  p.  410. 

(3)  Ebner,  ouvr,  cité,  pp.  410-416. 

LE   MISSEL   ROMAIN.    —  Tome   II.  4 


5o  LE   MISSEL   ROMAIN 

tion,  fut  introduite  en  Gaule  dans  la  seconde 
moitié  du  xi^  siècle,  comme  une  protestation 
contre  l'erreur  de  Bérenger  ;  de  Gaule  elle  s'éten- 
dit dans  les  autres  régions  de  l'Eglise  latine  ; 
auXlil^  siècle,  elle  était  d'un  usage  universel.  Telle 
est  l'origine  de  l'élévation  de  l'hostie  et  du  calice  : 
quelques-uns  voulurent  qu'on  attendît  la  fin  des 
paroles  de  la  consécration  du  vin  pour  faire  l'élé- 
vation de  l'hostie,  c'était  mal  comprendre  la  force 
des  paroles  de  la  consécration  du  pain.  Par  contre, 
Eudes  de  Sully,  évêque  de  Paris,  prescrit  l'éléva- 
tion de  l'hostie  après  les  paroles  :  Hoc  est  corpus 
meum,  et  ne  parle  point  de  l'élévation  du  calice  : 
de  fait,  les  Chartreux  ne  pratiquent  pas  cette  der- 
nière élévation  (i).  Pour  l'anamnèse  :  Unde  qui 
suit  la  consécration,  quelques  manuscrits  men- 
tionnent la  Nativité  avant  la  Passion  ;  ce  que 
blâme  l'auteur  du  Micrologue  (2).  D'autres,  sans 
doute  par  distraction  omettent  l'Ascension. 

Dans  certains  Sacramentaires  du  x^  siècle  (le 
Sacramentaire  de  Worms  par  exemple  et  celui  de 
Trêves  où  il  est  écrit  seulement  en  marge)  ne 
figure  pas  le  Me^inento  des  morts;  Florus  explique 
cette  lacune  en  disant  que  ce  Meinento  est  contenu 
dans  le  canon,  d'autres  disent  que  cette  prière 
était  écrite  dans  un  livre  séparé  appelé  les 
Diptyques  (d'où  l'expression  oratio  super  dipty- 

(i)  Manifestement  il  y  eut  bien  des  variantes  avant  d'en 
venir  à  la  pratique  actuelle  :  ainsi  au  xii*  siècle,  le  prêtre  éle- 
vait l'hostie  avant  la  consécration  ;  —  voir  un  Pontifical  du 
Mont-Cassin  le  Cod.  614  de  la  Bibliotheca  Casanatensis  à 
Rome,  dans  Ebner,  ouvr .  cité  y  p.  329.  Le  R.  P.  Thurston  a 
donné  des  articles  intéressants  sur  les  Origiftes  de  l'élévation, 
dans  le  Tablet,  année  1907,  19  et  26  octobre,  2  novembre.  Ces 
articles  ont  été  traduits  en  français  et  publiés  dans  la  Revue 
du  Clergé  français,  année  1908,  t.  LIV,  p.  535,  et  LV,  p.  60. 
Voir  aussi  le  Dictionnaire  d'Archéologie  chrétienne  et  de 
Liturgie,  au  mot  Amen,  t.  I,  c.  i558. 

(2)  Cap.  13,  P.  Z.,  t.  CLI,  c.  985. 


LE   MISSEL    ROMAIN  Si 

chd).  Ebner  ne  pense  pas  qu'un  renvoi  aux 
diptyques  suffise  pour  expliquer  cette  absence  ; 
à  ses  yeux,  elle  tient  plutôt  à  ce  que  cette  prière 
n'avait  point  de  place  fixe  dans  le  canon.  Ainsi 
dans  le  Cod.  3o  de  Zurich,  g-élasien  du  Vlll^  siècle, 
ce  Mémento  est  en  double,  d'abord  après  le 
Mémento  des  vivants,  puis  à  sa  place  actuelle  ; 
dans  le  Cod.  B ,  A,  2,  de  Florence,  il  se  trouve 
après  Nobis  quoqtie  peccator'ibus  en  une  forme  ori- 
ginairement plus  brève  (celle  du  X*^  siècle)  complé- 
tée plus  tard  au  Xlir  siècle  (ij.  Plusieurs  documents 
ont  avant  ce  Mémento  un  souvenir  spécial  pour  le 
prêtre,  ce  qui  explique  la  conjonction  etiant  (2). 
Dans  des  manuscritsdu  xr  siècle,  ce  Mémento  pour 
le  prêtre  est  tantôt  avant,  tantôt  après  Supplices  ; 
quelquefois  il  précède  le  Mem,ento  des  vivants, 
comme  dans  certains  manuscrits  d'Italie  ;  d'autres 
fois  il  est  après  le  Mémento  des  défunts.  De  plus, 
il  y  eut,  dans  ce  dernier,  des  additions  concernant 
divers  états  ;  elles  sont  ou  de  première  ou  de 
seconde  main,  parfois  on  les  a  ajoutées  pour  les 
effacer  ensuite  (3).  Au  Nobis  qîwqiie,  on  a  inscrit 
plusieurs  noms  de  martyrs  particulièrement  hono- 
rés à  Rome  ;  la  liste,  du  IX^  siècle,  dans  quelques 
églises  de  Gaule,  en  était  plus  considérable,  on  y 
lisait  les  noms  des  confesseurs  particulièrement 
vénérés  dans  ce  pays,  comme  Martin,  Hilaire,  etc. 
Plus  tard  sera  remise  en  vigueur  la  règle  de  men- 
tionner ici  exclusivement  des  martyrs  (4).  — 
Contrairement  à  l'interprétation  des  liturgistes 

(i)  Ebner,  ouvr.  cité,  p.  421-423. 

(2)  Lebrun,  oîivr.  cité^  t.  I,  p.  5  12. 

(3)  Voir  le  Cod.  lat.  4^72  de  la  Bibliothèque  du  Vatican,  un 
Sacramentaire  d'Arezzo  au  xi*  siècle.  Ebner,  p.  224  ;  —  le 
Missel  de  Léo/rie^  édit.  Warren,  p.  61  ;  —  le  Cod.  lat.  4yyo 
de  la  Bib.  Vaticane,  Ebner,  p.  219,  etc.. 

(4)  Lebrun,  Ibid.^  t.  I,  p.  522. 


52  LE    MISSEL    ROiMAIN 

du  IX^  et  du  X®  siècle,  les  mots  :  Per  quent  hœc 
omnia,  se  rapportent  aux  saintes  espèces  :  c'est 
en  vain  qu'on  a  voulu  les  rapporter  aux  nouveaux 
fruits  ou  à  l'ag-neau,  ou  aux  autres  offrandes  que 
l'on  bénissait  à  ce  moment  (i). 

Antérieurement  au  xil°  siècle,  le  célébrant  se 
contentait  d'élever  les  dons  sacrés  à  la  fin  du 
canon,  aux  mots  :  Per  ipsuin^  et  toute  l'assemblée 
restait  inclinée  jusqu'à  ce  moment-là.  L'élévation 
commençait  k Per  ïpsîini  pour  finira  Omnis honor 
et gloj^a;  c'est  pourquoi  nul  signe  de  croix  n'est 
marqué  à  ces  mots  dans  les  Sacramentaires  écrits 
avant  la  fin  du  ix*^  siècle.  Même  d'après  les  docu- 
ments du  IX^  au  xi^  siècle,  le  prêtre  continuait  de 
tenir  élevés  l'hostie  et  le  calice  jusqu'après  la 
réponse:  ^;/2^/^  de  Per  omnia,  — Vers  le  Xlll*  siècle, 
on  fait  couvrir  le  calice  avant  Per  omnia  et  ces 
mots  qui  autrefois  formaient  la  conclusion  du 
Canon,  paraissent  se  rattacher  au  Pater.  Rome 
adopta  cette  pratique  au  début  du  XV®  siècle, 
comme  on  le  voit  dans  VOrdo  Romamis  XIV {2). 

C.  Conimtmion.  —  Dans  les  premiers  temps,  la 
seule  préparation  à  la  communion  fut  la  récitation 
Am  Pater.  La  liturgie  mozarabe  fit  précéder  cette 
récitation  de  celle  du  symbole  (3).  Dans  l'église 
grecque  et  dans  les  Gaules,  avant  Charlemagne, 
le  prêtre  et  les  fidèles  disaient  ensemble  le  Pater 
à  haute  voix  ;  en  Afrique  et  à  Rome,  le  prêtre 
seul  récitait  la  prière  et  le  peuple  écoutait  (4).  Ce 


(i)  Ibid.,  p.  526.  Nous  abandonnons  ici  le  sentiment  for- 
mulé dans  les  Notions  générales  de  lihtr^ie,  pp.  3o-3i. 

(2)  Voir  les  Ordines  Romani,  P.  Z.,  t.  LXXVIII  ;  Ord. 
Rom.  I,  c.  945  ;  Ord.  Rotn.  II,  c.  974  ;  Of^d.  Rom.  III,  c.  98 1  ; 
Ord.  Rom.  XIV,  c.  1167. 

(3)  P.  Z.,  t.  LXXXV,  c.  556. 

(4)  EpisL  S.  Gre^orii  Mag-ni,  lib.  IX,  ép.  12,  P.  L., 
t.  LXXVIT,  c.  957. 


LE    MISSEL    ROMAL^  53 

dernier  usage  a  prévalu,  mais  le  peuple  récite  la 
dernière  demande  comme  récapitulation  ;  V Amen 
dit  par  le  prêtre  ne  figure  pas  dans  les  anciens 
Sacramentaires,  par  exemple  le  Sacramentaire  de 
Worms  ;  cependant  Rémi  d'Auxerre  assure  qu'on 
l'y  trouve  communément  au  IX^  siècle  (i).  C'est 
que  la  prière  Libéra  nos  fut  considérée  comme 
un  développement,  une  explication  de  la  dernière 
demande  ;  on  la  reliait  donc  le  plus  étroitement 
possible  à  cette  demande.  Pierre  de  Blois  donne 
au  Libéra  nos  le  nom  A' Enibolisme,  c'est-à-dire, 
insertion,  intercalation,  et  cette  expression  se  lit 
aussi  dans  V  07^do  Roinanus  II  (2).  Dans  un  bon 
nombre  des  manuscrits  signalés  à  l'article  i^'',  on 
peut  voir  que  les  églises  particulières  nommaient 
après  saint  André  d'autres  saints  auxquels  elles 
avaient  une  spéciale  dévotion  ;  l'auteur  du  Micro- 
logue  observe  que  toute  latitude  était  laissée  sous 
ce  rapport  (3).  —  Le  même  auteur  indique  aussi  le 
mode  de  fraction  de  l'hostie  sainte  et  la  destination 
des  parties  ;  la  fraction  en  trois  parties  se  faisait 
sur  la  patène,  une  partie  était  mise  dans  le  calice, 
une  autre  devait  servir  à  la  communion  du  prêtre, 
la  troisième  était  réservée  pour  la  communion 
des  infirmes  (4).  A  Rome,  à  la  messe  du  Pape, 
cette  troisième  partie  était  partagée  et  distribuée 
aux  diverses  églises  de  la  ville  :  c'est  ce  qu'on 
appelait  \ç^  fermentnni  (5).  La  fraction,  partout 
pratiquée,  comportait  des  rites  spéciaux  qui 
variaient  suivant  les  églises  :  Dom  Gougaud,  dans 

(i)  Z'.  L.,  t.  LXXVIII,  c.  28. 

(2)  Zaccaria,  Onoynasticon,  p.  1 25  ;  pour  VOrdo  Roinanus  II, 
voir  P.  Z.,  t.  LXXVIII,  c.  974. 

(3)  P.  Z.,  t.  CLI,  c.  994. 

(4)  Ibid.^  c.  995  et  988. 

(5)  Lebrun,  ouvr.  cité,  t.  I,  p.  569.  —  Voir  aussi   Notions 
générales  de  Liturgie,  p.  32. 


54  LE   MISSEL   ROMAIN 

un  rapport  présenté  au  Congrès  Eucharistique  de 
Londres  a  signalé  sur  ce  point  les  particularités 
de  l'église  celtique  (i);  il  y  trouve  un  rapproche- 
ment avec  le  mode  de  fraction  de  la  liturgie  moza- 
rabe oii  l'hostie  est  partagée  en  neuf  parcelles, 
sept  de  ces  parcelles  sont  ensuite  disposées  sur  la 
patène  de  manière  à  former  une  croix,  les  deux 
autres  sont  placées  sous  le  bras  droit  de  la  croix, 
chacune  reçoit  une  désignation,  puis  une  destina- 
tion spéciale  (2).  —  Le  moment  où  le  prêtre  tenait, 
comme  de  nos  jours,  la  petite  parcelle  et  formait 
avec  elle  le  signe  de  la  croix  sur  le  calice  était, 
au  ix^  siècle,  le  signal  d'un  baiser  de  paix  que  se 
donnaient  les  fidèles,  d'où  les  mots  :  Pax  Domini 
sit  (3).  Dans  la  liturgie  gallicane  et  celles  qui  s'y 
rattachent,  comme  la  mozarabe,  avant  Pax  Do- 
mini,., l'évêque  donnait  une  Bénédiction  ;  des 
formules  variant  pour  chaque  mystère  comme  les 
préfaces  sont  données  à  cet  effet  dans  les  recueils, 
on  désigne  ces  formules  sous  le  nom  de  Béiiédic- 
tions  épiscopales,  parce  que  les  simples  prêtres 
n'en  pouvaient  user  (4). 

La  fraction  de  l'hostie  est  suivie  du  mélange 
des  saintes  espèces  ;  unç^  partie  de  la  sainte  hostie 
est  mise  dans  le  calice  ;  la  formule  prononcée  à 
ce  moment  a  varié  :  d'après  le  Micrologue,  le 
prêtre  dit  à  voix  basse  :  Piat  coimnixiio  et  coiise- 
cratio  corpovis  et sanguinis  D ,  N.J,  C.  (5);  d'après 

(  I  )  Les  rites  de  la  consécration  et  de  la  fraction  dans  la 
liturgie  celtiqzie  :  Report  of  the  nineteenth  Eucharistie 
Congress.  London,  1909,  p.  357  ^^  s^^* 

(2)  P.  Z.,  t.  LXXXV,  c.  557. 

(3)  Avant  cette  époque,  le  baiser  de  paix  précédait  la  frac- 
tion ;  voir  les  Ordines  Romani  1,  II  ei  V,  P.  Z.,  t.  LXXVIII, 
c.  945,  975,  988. 

(4)  Dictionnaire  d'Archéologie  chrétienize  et  de  Liturgie: 
Bénédictions  épiscopales,  t.  II,  c.  717. 

(5)  P.  Z.,  t.  CLI,  c.  989. 


LE    MISSEL    ROMAIN  55 

un  manuscrit  du  Xi"  siècle  conservé  à  la  Biblio- 
thèque capitulaire  d'Udîne,  Cod.  y 6,  V,  la  for- 
mule est  un  peu  plus  longue  :  F'ïat  nobis  et  oinîii- 
bus  sumeiitibus,  qiiaesttimcs  Domine,  couiutixtio  et 
consecratio  corpon's  et  sangicinis  D.  N.  J.  C.  remis- 
sîo  omnium  peccaioricm  testamentum  quoque 
mentis  et  corporis  et  ad  vitam  capessendam 
aeternam  praeparatio  saliitaris  (i).  —  Dans  le 
Cod.  IV y  3  de  la  Bibliothèque  publique  d'Arezzo  le 
rite  de  la  fraction  est  intercalé  entre  les  Agnus 
Dei  (2)  ;  mais  d'ordinaire  V Agnus  Dei  suit  la 
fraction.  La  triple  invocation  attribuée  au  Pape 
Sergius  P''  (687-761)  fut  d'abord  chantée  par  le 
clergé  et  les  fidèles,  puis,  vers  le  xil*^  siècle,  les 
prêtres  commencèrent  à  la  réciter  à  l'autel,  non 
pas  toutefois  d'une  façon  uniforme  :  des  docu- 
ments disent  trois  fois,  d'autres  deux  fois  seule- 
ment, d'autres  trois  fois,  mais  en  intercalant 
des  rites  différents  (3).  D'après  Innocent  III,  on 
disait  miserere  nobis  à  chaque  fois  (4)  ;  le  Missel 
ambrosien  met  ces  invocations  seulement  aux 
messes  des  morts  avec  :  dona  eis  requiem. 

Oraisons  avant  la  Communion.  —  La  première 
se  lit  dans  la  Messe  d'IUyricus  (5)  et  dansleSacra- 
mentaire  de  Trêves  ;  elle  manque  dans  l'ordinaire 
reproduit  par  l'auteur  du  Micrologue  (6).  Quant 
aux  deux  autres,  elles  ne  figurent  pas  dans  les 
anciens  documents  ;  toutes  les  prières  de  la  messe 
paraissaient  une  préparation  suffisante  à  la  Com- 

(i)  Ebner,  ouvr.  cité,  pp.  258;  Ibid.^  p.  191  et  335,  pp.  196 
et  338. 

(2)  Ibid.,  p.  4. 

(3)  Lebrun,  ouvr .  cite,  t.  I,  p.  579. 

(4)  P.  L.,  t.  CCXVII,  c.  908. 

(5)  P.  L.,  t.  CXXXVIII,  c.  i332. 

(6)  P.  L.,  CLI,  c.  989.  Voir  dans  Ebner,  ouvr,  cttéf  le 
Cod.  F,  18  de  San  Pietro,  à  Rome,  pp.  191  et  335. 


56  LE    MISSEL    ROMAIN 

munion.  A  partir  du  ix®  siècle,  la  messe  d'Illyricus 
donne  :  Percepiio  avant  et  D.  J.-C.  Fili  Deivnn 
après  la  Communion  ;  le  Micrologue  mentionne  la 
seconde  de  ces  deux  oraisons  et  dit  qu'elle  est 
récitée  en  vertu  d'une  tradition  chez  les  reli- 
gieux (i). 

Jusque  vers  l'an  1200,  ni  les  Ordmes  Routaiii, 
ni  les  liturgistes  n'ont  dit  qui  devait  prendre  la 
parcelle  de  l'hostie  sainte  mise  dans  le  calice. 
Diverses  coutumes  l'attribuaient  au  célébrant  ; 
Durand,  au  XIIl^  siècle,  dit  que  l'Evêque  la  donnait 
au  diacre  ou  au  sous-diacre,  ce  qui  s'observe 
encore  pour  la  messe  papale.  La  prière  :  Quodore 
est  très  ancienne  ;  elle  figure  comme  postcommu- 
nion dans  le  Sacramentaire  léonien  (2),  elle  est 
passée  de  là  dans  le  Gélasien  et  le  Grégorien.  Les 
plus  anciens  Ordines  Romani,  Amalaire,  la  Messe 
d'Illyricus,  le  Micrologue,  marquent  cette  oraison 
comme  devant  être  dite  par  le  prêtre  après  la 
communion.  —  La  seconde  prière  :  Corp^LS  tuum 
est  aussi  très  ancienne  :  dans  le  Missale  Gothicum 
elle  figure  comme  postcommunion,  et  au  pluriel, 
parce  qu'avant  Charlemagne  les  fidèles  commu- 
niaient ordinairement  sous  les  deux  espèces  (3). 
La  messe  d'Illyricus  la  signale  en  cet  endroit, 
mais  non  l'auteur  du  Micrologue.  —  Jusqu'à 
Innocent  III,  les  ablutions  ne  se  pratiquaient  pas 
comme  maintenant  ;  les  liturgistes  remarquent  que 
le  prêtre  se  lave  les  mains  et  qu'on  jette  l'eau  dans 
la  piscine. 

L'antienne  poitr  la  Coinimmion  est  marquée 
distinctement  dans  les  Ordines  Romani,  pour  être 
chantée  soit  pendant  le  temps  que  dure  la  Com- 


{})  P.  L.,  CLI,  c.  i333,  et  Ibîd.,  c.  989  et  995. 

(2)  Feltoe,  Sacramentarmm  leonianum,  p.  69  et  193. 

(3)  Lebrun,  ouvr.  cité,  t.  I,  p.  620. 


LE    MISSEL    ROMAIN  $7 

munion  des  fidèles,  soit  au  gré  du  Pontife  (i). 
D'après  le  Microlog-ue,  on  y  joint  le  psaume  chanté 
à  l'introït  à  moins  que  l'antienne  ne  soit  extraite 
d'un  autre  psaume  (2).  Les  potscommunions  se 
disent  en  même  nombre  que  les  collectes  et  les 
secrètes  (3).  Au  ix^  siècle,  tout  se  termine  à 
Ite  missa  est.  —  Quant  à  l'oraison  Placeat,  elle  se 
récitait  à  la  sacristie,  soit  avant  de  quitter  les 
habits  sacerdotaux,  soit  après.  Le  célébrant  don- 
nait alors  une  bénédiction  à  ses  ministres,  récitait 
les  prières  d'actions  de  grâces  (les  mêmes  qu'au- 
jourd'hui, d'après  le  Micrologue)  (4).  C'est  seule- 
ment au  Xlir  siècle  que  certains  prêtres  par 
dévotion  récitent  de  mémoire  le  début  de  l'évan- 
gile selon  saint  Jean  en  allant  de  l'autel  à  la 
sacristie.  —  Un  manuscrit  du  XI^  siècle,  le  Codex 
264^  (S.  Salvatoris  684)  de  la  Bibliothèque  de 
l'Université  de  Bologne,  dit  qu'à  la  fin  de  la  messe 
le  prêtre  bénit  le  peuple  en  disant  :  Benedictio 
Dei  Patris  et  Filii  et  Spiritiis  sancti  desceridat 
super  vos.  C'est  sans  doute  le  plus  ancien  exemple 
que  l'on  puisse  donner  de  cette  pratique  à  la  fin 
de  la  messe.  Un  canon  du  Concile  d'Adge 
(506)  (5)  porte  défense  aux  fidèles  de  sortir  de  la 
messe  avant  la  bénédiction  du  prêtre  :  cette  déci- 
sion n'a  pas  manqué  d'embarrasser  nos  liturgistes 
du  moyen  âge.  Walafrid  Strabon  (6)  expliquait 
la  bénédiction  du  concile  d'Agde  (qu'il  appelait 
Concile  d'Orléans)  dans  le  sens   de  la   dernière 

(i)  Ofdo  Romamts  II,  III,  P.L.,  t.  LXXVIII,  c.  976  et  982. 

(2)  P.  L.y  t.  CLI,  c.  989,  990. 

(3)  La  potscommunion  est  appelée  Oratio  ad  complen- 
dzim  :  aux  fériés  de  Carême,  on  la  fait  suivre  d'une  autre 
prière,  appelée  :  Oratio  sztpra  populum. 

(4)  Ibid.,  c.  995. 

(5)  Sur  ce  concile,  voir  D.  Leclerq  et  Héfélé,  Histoire  des 
Conciles,  t.  II,  p.  999. 

(6)  De  rebzts  Bcclesiasticis,  c.  22,  P.  L.,  t.  CXJV,  c.  951. 


58  LE   MISSEL    ROMAIN 

oraison  de  la  messe  ;  Amalaire  se  contente  de 
mentionner  la  dernière  bénédiction  qui  précède 
le  renvoi  sans  dire  en  quels  termes  elle  était  don- 
née ;  Raban  Maur  paraît  être  de  l'avis  de  Walafrid 
Strabon.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  dernière  bénédic- 
tion telle  qu'on  la  donne  maintenant  n'est  pas 
mentionnée  dans  les  anciens  manuscrits,  le  do- 
cument de  la  Bibliothèque  de  l'Université  de 
Bologne  est  un  des  rares  où  on  la  trouve. 

Pourcette  dernière  partie  de  la  messe  des  fidèles, 
comme  pour  le  début  de  la  messe  des  catéchu- 
mènes, il  y  a  des  renseignements  intéressants  dans 
Ebner,  à  l'endroit  où  il  fait  le  relevé  des  indications 
de  rubriques  et  de  formules  (i).  Malheureusement 
nous  ne  pouvons  tout  citer;  aux  références  signa- 
lées dans  le  cours  de  ce  paragraphe,  ajoutons 
encore  le  inamcscrit  1084  de  la  Bibliothèque  de 
l'Université  de  Bologne,  document  du  xf  siècle, 
indiqué  à  tort  au  catalogue  comme  Missel  gallican 
du  xiv^  siècle  (2)  ;  deux  manuscrits  de  Florence, 
Bibliothèque  Riccard,  du  xi*^  siècle,  le  Cod,  2^ç 
et  le  Cod.  3oo  etc.,  etc.  (3).  —  Celui  de  la  Biblio- 
thèque Ambrosienne  de  Milan,  le  Cod,  H.^  255, 
du  xn^  siècle  est  d'un  intérêt  spécial  pour  le  rite 
ambrosien  (4). 

II.   Liturgie  Ambrosienne, 

Nous  signalons  ici  les  particularités  delà  Messe 
milanaise,  d'après  le  Sacramentaire  de  Biasca  et 
celui  de  Bergame  (5). 

I .  Messe  des  Catéchumènes.  —  A  la  sortie  de  la 
sacristie,  on  chante  Vhtgressa;  c'est  l'équivalent 

(i)  Ebner,  ouvr.  cité,  pp.  296-356. 

(2)  Ibid.,  pp.  7-9. 

(3)  Ibid. y  pp.  297-302. 

(4)  Ibid,,  pp.  306-307. 

(5)  C'est  en  résumé  l'exposé  de  la  messe  ambrosienne, 
telle  qu'elle  est  donnée  dans  le  Dictionnaire  d'Archéologie 
chrétienne  et  de  Liturgie,  t.  \,  c.  140 1-2420. 


LE   MISSEL    ROMAIN  Sç 

de  l'Introït  romain,  moins  le  psaume,  le  Gloria  et 
la  reprise.  L'Evèque  salue  l'assistance  en  disant  : 
DojJiinus  vobîscum  (ce  qu'il  répétera  après  chacune 
des  trois  lectures),  puis  il  dit  V Oratio  super popu- 
lu7n.  —  Le  Cod.  H,  ^^j  de  la  Bibliothèque  Ambro- 
sienne,  à  Milan,  document  du  XII®  siècle,  marque 
quelques  prières  dites  au  bas  de  l'autel  :  Introibo, 
Indidgeiitiant,  puis  les  oraisons  :  Aufer  a  nobïs, 
et  Oramns  te  (i).  —  On  chante  trois  cantiques 
d'ouverture  :  le  G/o r? a  m  exce /sis  (une  importation 
romaine),  le  Kyrie,  trois  fois,  et  le  cantique 
Boiedictus  (comme  dans  le  rite  gallican).  Ce  der- 
nier cantique  est  appelé  aussi  :  prophetia  ;  ce  qui 
explique  la  Colleciio  post  prophetiam,  récitée  à  ce 
moment.  —  Comme  dans  VOrdo  gallican,  on 
compte  trois  lectures,  savoir  :  la  leçon  prophé- 
tique (de  l'Ancien  Testament),  laleçonapostolique 
(ou  épître)  et  la  leçon  évangélique.  Jusqu'au 
xr  siècle,  la  première  était  remplacée  par  les 
Gesta  aux  fêtes  des  saints  :  cette  leçon  prophétique 
ne  se  rencontre  aujourd'hui  qu'aux  messes  du 
Carême,  du  Saint  Sacrement  et  aux  messes  après 
la  Pentecôte.  —  Divers  chants  se  placent  entre  ces 
lectures  ;  un  Psalimllus  (ou  versets  d'un  psaume) 
après  la  leçon  prophétique,  V Alléluia  après  la 
leçon  apostolique,  une  antienne  spéciale  avant 
l'évang-ile,  mais  seulement  pour  les  grandes  fêtes, 
et,  à  certains  jours,  le  Betiedicite  appelé  Bénédic- 
tion (nous  avons  l'équivalent  au  samedi  des  quatre 
Temps  après  la  cinquième  leçon).  —  Après  l'évan- 
gile, ont  lieu  le  Sermon  ou  tractaitis  et  le  renvoi 
des  catéchumènes. 

2.  Messe  des  Jîdèles.  —A.  Oblation.Y^eDontinus 
vobisciwt  est  suivi  d'un  triple  Kyrie,  qui  marque 
la  place  de  la  prière  litanique  ;  on  apporte  en  pro- 
cession les  éléments  du  Sacrifice  et  le  chœur  exé- 

(i)  Voir  Ebner,  Ibid.,  p.    3o6. 


60  LE   MISSEL    ROMAIX 

cute  V anttphona  post  evangelium  ;  un  voile  pré- 
cieux recouvre  l'oblation  sur  l'autel,  c'est  le  suaire 
ou  sindon.  On  chante  Vofferenda,  le  diacre  dit  : 
Pacein  habete  (i),  et  le  prêtre  récite  la  prière  du 
voile  :  oratio  sitper  sindoîieifiy  puis  l'équivalent  de 
la  secrète  romaine  ou  oratio  super  oblatam.  Ces 
deux  oraisons,  dites  à  voix  basse,  semblent  faire 
double  emploi. 

B.  Consécration  ou  Canon. — Le  Sacramentaîre 
de  Biasca,  x®  siècle  (2),  offre  sous  le  titre  de 
Missa  canonica,  une  messe  quotidienne  qui 
contient  le  canon  :  elle  est  placée  au  milieu  du 
recueil  après  la  semaine  de  la  Pentecôte  (au 
Sacramentaire  de  Bergame,  xi^  siècle,  elle  se 
trouve  entre  le  4®  et  le  5*^  dimanche  après  la 
Pentecôte).  La  préface  y  appelle  une  partie 
propre  :  ces  préfaces  propres  sont  nombreuses 
dans  le  livre  de  Bergame,  elles  ont  souvent  la 
forme  de  collectes,  quelques-unes  sont  des  récits  ; 
il  en  est  qui  dénotent  une  main  experte.  — Après 
la  préface,  au  temps  de  saint  Ambroise,  on  tirait 
un  voile  à  l'entrée  du  sanctuaire  ;  le  canon  s'accom- 
plissait dans  le  mystère,  à  l'abri  du  regard  des 
fidèles.  —  Milan  adopta  de  bonne  heure  le  texte 
du  canon  romain  ;  cependant  il  y  a  quelques 
différences  d'expression  ;  la  teneur  se  rapproche 
du  Gélasien  et  du  Missel  de  Stowe  (3).  Par  la 
comparaison  du  canon  milanais  actuel  avec  le 
De  Sacrainentis  (4)  et  avec  les  offices  de  la  Semaine 

(i)  Cette  formule  rappelle  que  le  baiser  de  paix  se  donnait 
autrefois  à  ce  moment  de  la  messe. 

(2)  Cod.  A.  24  bis,  part.  inf.  de  la  Bibliothèque  ambrosienne 
à  Milan  ;  voir  Ebner,  ouvr.  cité,  p.  73. 

(3)  On  trouvera  un  tableau  comparatif  du  texte  du  canon  dans 
les  trois  documents  cités  par  l'auteur  de  l'article  sur  le  rite 
ambrosien  :  Dictlomzaire  d' Archéologie  chrétienne  et  de 
Liturgie,  t.  I,  c.  1407-1414. 

(4)  Sur  le  De  Sacramentis,  voir  notre  premier  opuscule, 
p.  37-39. 


LE    iMISSEL    ROMAIN  6r 

sainte,  on  peut  constater  qu'il  y  a  eu  des  rema- 
niements opérés.  La  partie  centrale  de  la  messe 
ambrosienne  était,  à  l'origine,  formée  presque 
exclusivement  du  récit  de  l'institution  :  on  l'appe- 
lait :  Sac7^ae  orationis  inysterium,  consecratio 
divina,  benedictio  verborunt  cœlesiiu77t  (i).  Le 
canon  milanais  se  termine  par  un  développement 
du  passage  de  saint  Paul,  I  Cor.,  xi,  26.  Aujour- 
d'hui on  lit  les  prières  suivantes  :  Te  igitur, 
Mémento,  Communicantes ,  Hanc  igitur,  Quant 
oblationem  ;  après  cette  dernière  prière,  le  prêtre 
va  au  coin  de  l'épitre  et  se  lave  les  doigts  en 
silence.  La  consécration  se  fait  par  le  récit  de 
l'institution.  Le  reste,  comme  au  canon  romain  ; 
la  plupart  des  variantes  de  rédaction  sont  celles 
du  manuscrit  de  Biasca. 

C.  Commiùnion. — La  fraction  et  commixtion 
de  l'hostie  se  font  comme  dans  le  rite  romain  avec 
une  formule  un  peu  différente  :  on  chante  le 
6"(9;//>'^^/(9r2>/;/^  (ou  antienne  de  la  fraction).  Puis 
vient  le  Pater,  suivi  d'unedoxologie  fort  ancienne 
et  du  Libéra  nos,  La  paix  est  souhaitée  dans  la 
forme  suivante  :  Pax  et  commttnicatio  D.  N,  J,  C. 
sit  semper  vobiscum.  if  Et  cîcm  spiritu  tuo.  Et  le 
diacre  dit  :  Offerte  vobis  pacem  (2) .  — ■  On  ne 
chante  \ Agnus  Z^^/ qu'aux  messes  des  morts  et  l'on 
passe  aussitôt  aux  trois  prières  avant  la  commu- 
nion (ces  prières  manquent  dans  les  manuscrits). 
La  formule  de  la  communion  du  prêtre  était  autre- 
fois différente  de  la  nôtre,  elle  est  maintenant  la 
même.  En  distribuant  la  communion  aux  fidèles 
le   prêtre  dit    :  Corpics    Christi,  et   l'on  répond  : 


(i)  Voir  P.  L.,  t.  XVI,  c.  641,  406  et  407. 

(2)  Les  formules  que  l'on  s'adresse  en  donnant  et  recevant 
la  paix  sont  dans  le  Cod.  Il  ^55,  de  la  Bibliothèque  ambro- 
sienne, Ebner,  ouvr.  cité,  p.  307. 


02  LE   MISSEL   ROMAIN 

Amen  (i).  Pendant  la  communion,  le  chœur 
exécute  un  chant  appelé  transitorùmi.  Vient 
ensuite  la  postcommunion  ;  le  prêtre  dit  Dominus 
V obis c uni,  trois  fois  Kyine^  une  fois  Benedicat  et 
custodiat  nos  Deus.  Amen,  Le  congé  est  donné 
par  le  diacre  en  ces  termes  :  Procédâmes  cum 
pace.  In  nomine  Christù  —  On  a  ajouté  Placeat, 
la  bénédiction  et  l'évangile  de  saint  Jean,  comme 
dans  le  Missel  romain. 

N.B.  —  Pour  le  propre  du  temps  :  au  Xîl^  siècle, 
Béroldus  semble  ne  rien  connaître  de  la  seconde 
messe  de  Noël  ;  la  plus  ancienne  mention  des  trois 
messes  de  Noël  dans  l'Ambrosien,  où  elles  existent 
maintenant,  remonte  à  1374.  —  Les  vendredis  de 
Carêmesont  aliturgiques;  le  Jeudi  saint,  on  réserve 
la  sainte  Eucharistie  pour  communier  les  malades 
et  pour  représenter  l'ensevelissement  de  Jésus  ; 
le  Vendredi  saint  il  n'y  a  pas  de  messe  des 
présanctijîés.  Les  Rogations  ont  lieu  la  semaine 
qui  précède  la  Pentecôte  ;  la  fête  du  Corpus 
Christi  est  célébrée  depuis  1335.  Pendant  quelque 
temps  la  commémoration  des  défunts  actuellement 
au  2  novembre  fut  placée  le  lendemain  du  troisième 
dimanche  d'octobre  (2). 

III.  —  Particularités  du  propre  du  temps 

ET  DU   PROPRE  DES   SAINTS. 

Il  reste  peu  de  détails  nouveaux  à  donner  après 
ce  qui  a  été  dit  déjà  dans  le  premier  opuscule  ; 
peu  nombreuses  sont  ici  les  particularités  qui  ne 
figurent  pas  dans  le  Grégorien  d'Adrien. 

I.  Propre  du  temps.  —  Au  Xl®  siècle,  quand 

(i)  C'est  la  formule  du  De  Sacramentis,  P.  L.,  t.  XVI, 
c.  445. 

(2)  Ce  sont  là  quelques  particularités  du  Calendrier  ambro- 
sien,  dans  lequel  figurent  beaucoup  de  saints,  sauf  entre  le 
i8  février  et  le  10  avril  ;  on  ne  trouve  là  que  la  fête  de 
l'Annonciation.  Cuthbert  Atchley,  The  A^nbrosian    liturgy. 


LE    MISSEL    ROMAIN  6.) 

l'auteur  du  Micrologue  écrivait  son  traité,  les 
dimanches  qui  suivent  l'Epiphanie  avaient  tous 
le  même  introït  et  probablement  aussi  les  mêmes 
autres  parties  chantées  (i).  Le  jeûne  du  Carême 
fut  étendu  au  samedi  (2)  ;  il  ne  fut  plus  alors 
nécessaire  d'en  faire  remonter  le  commencement 
aux  dimanches  de  la  Sexagésime  ou  de  la  Quin- 
quagésime,  néanmoins  l'office  de  ce  dimanche 
resta  ce  qu'il  était  auparavant  (3).  Au  point  de 
vue  liturgique,  le  commencement  du  Carême  se 
place  au  Mercredi  des  Cendres,  Voratio  super 
popîUuni,  intimement  liée  à  l'observation  du 
jeûne  est  récitée  pendant  les  quatre  jours  qui 
précèdent  le  premier  dimanche  comme  pendant 
toutes  les  fériés  du  Carême  :  on  croit  générale- 
ment que  cette  pratique  remonte  à  saint  Gré- 
goire, néanmoins  on  pourrait  la  faire  remonter 
plus  haut,  si  l'on  tient  compte  d'une  rubrique  du 
Sacramentaire  Gélasien  (4).  La  bénédiction  et 
l'imposition  des  cendres  au  jour  appelé  Captit 
jejîcnii  se  rattachent  à  la  récitation  des  prières 
sur  ceux  qui  étaient  assujettis  à  la  pénitence 
publique  :  on  trouve  cette  cérémonie  mentionnée 
dans  le  concile  d'Agde  (506).  A  quelle  époque 
fut- elle  étendue  à  tous  les  fidèles  ?  \J  Ordo  Roina- 
nus  XII  permet  de  placer  ce  rite  au  plus  tard  vers 
la  fin  du  Xll®  siècle  :  cet  Ordo  nous  dit  comment  le 
pape  lui-même  reçoit  les  cendres  bénites  par  le 
plus  jeune  des  cardinaux  et  comment  il  les  impose 
ensuite  à  tout  le  clergé  (5).  Les  offices  des  jeudis 

(i)  P.  L.,  t.  CLI,  c.  1009. 

(2)  Concile  d'Agde,  can.  12. — 4*  Concile  d'Orléans  (541), 
can.  2.  (5o6).  Voir  Héfélé-Leclercq.  Histoire  des  Conciles, 
t.  II.  pp.  986  et  ii65. 

(3)  P.  L.,  t.  LXXVIII,  c.    3o5. 

(4)  Edit.  Wilson,  p.  i5. 

(5)  UOrdo  Romanus  XII  fut  rédigé  par  Cencius  sous 
Célestin  III  (1191-1198). 


64  LE    MISSEL    ROMAIN 

de  Carême  (le  Jeudi  saint  excepté)  furent  institués 
seulement  au  vili^  siècle  par  le  pape  saint  Gré- 
goire II  {715-731)  ;  le  Souverain  Pontife  prescri- 
vit alors  de  jeûner  et  de  célébrer  la  messe  ce 
jour-là  comme  les  autres  jours  ;  les  éléments  de  la 
messe  durent  être  pris  un  peu  partout  et  surtout 
dans  les  dimanches  de  l'été  (i).  Aux  renseigne- 
ments donnés  ailleurs  sur  les  Quatre-Temps  nous 
ajouterons  ici  quelques  remarques  :  une  indica- 
tion du  Sacramentaire  Grégorien  nous  apprend 
que  l'annonce  des  Quatre-Temps  avait  lieu  à  la 
messe  (sans  doute  du  dimanche  précédent)  après 
les  paroles  :  Pax  Doimiii  sit  seinper.  La  date  de 
ces  jours  de  pénitence  pour  le  commencement  de 
chaque  saison  fut  définitivement  fixée  à  Rome 
par  saint  Grégoire  VII  (1073- 1085)  ;  toute  la  chré- 
tienté en  adopta  successivement  la  pratique, 
l'Espagne  seulement  au  xr  siècle  ;  Milan  devait 
attendre  encore  jusqu'au  temps  de  saint  Charles 
Borromée  (xvr  siècle)  (2).  Pour  chaque  saison,  le 
lendemain  du  samedi  des  Quatre-Temps  est 
marqué  de  la  rubrique  :  Dommica  vacat,  dans 
beaucoup  de  documents,  sans  doute  parce  que  les 
ordre  conférés  la  veille  de  ce  dimanche  avaient 
occasionné  une  fatigue  considérable  et  qu'il  n'y 
avait  alors  ni  procession  ni  homélie.  Le  Vacat  à.w 
samedi  veille  des  Rameaux  donne  à  entendre  que 


(i)  Voir  \ç.  Micrologue ,  P.  L.,  t.  CLI,  c.  10 14  ;  Duchesne  : 
Liber  Pontificalis,  t.  I,  p.  402. 

(2)  Voir  opuscule  :  Bréviaire  Romain,  pp.  14,  58  et  71  ; 
D.  Morin,  Revue  Bénédictine,  1897,  t.  XIV,  p.  337.  Bernon 
d'Augias,  auteur  du  xi*  siècle,  dans  son  traité  :  De  qui- 
busdatn  rébus  ad  m-issam  spectantibtts,  a  tout  un  chapitre 
sur  les  Quatre-Temps,  P.  Z.,  t.  CXLII,  c.  1087.  Le  début 
de  l'annonce  des  Quatre-Temps  fait  connaître  le  motif  de  ce 
jeûne  :  Anniversariam  jejunii  furitatem  qtia  et  corporis 
et  animae  acquîritur  sanctitas  nos  coinmonet  mensis  instau- 
ratadevotio.  P.  L.,  t.  LXXVIII,  c.  118. 


LE    MISSEL    ROiMAIN  65 

la  messe  donnée  ce  jour-là  par  les  documents  est 
postérieure  à  saint  Grégoire. 

Une  partie  des  offices  du  Jeudi  saint,  la  consé- 
cration des  saintes  huiles  (i),  passe  des  Sacramen-. 
taires  aux  Pontificaux,  le  reste  demeure  dans  les 
Missels  comme  aussi  les  offices  du  Vendredi  et 
du  Samedi  saint.  L'office  du  Vendredi  saint, 
au  xr  siècle  et  aux  siècles  suivants  est  conforme  à 
la  description  qu'on  trouve  dans  le  De  divims 
officiîs  du  pseudo  Alcuin  :  on  sait  que  la  messe 
des  Présanctifiés  tire  son  nom  d'une  particularité 
spéciale  à  ce  jour  :  le  célébrant  seul  communie 
avec  une  hostie  consacrée  la  veille.  Ce  rite  très 
ancien  est  plus  fréquent  dans  l'église  orientale, 
les  Grecs  l'observaient  en  Carême,  sauf  les  di- 
manches, et  la  fête  de  l'Annonciation,  c'est-à-dire 
tous  les  jours  où  l'on  observait  le  jeûne  (2).  Les 
offices  du  Samedi  saint  ont  conservé  des  vestiges 
de  l'administration  solennelle  du  baptême  qui 
avait  lieu  ce  jour-là  ;  notons  seulement  que  le 
nombre  des  lectures  (aujourd'hui  de  douze)  varie 
beaucoup  dans  les  anciens  documents,  il  est  de 
SIX  dans  la  publication  de  Pamélius,  de  huit  dans 
celle  de  Dom  Ménard,  de  dix  dans  le  Sacramen- 
taire  Gélasien  ;  le  nombre  actuel  a  été  emprunté 
aux  recueils  gallicans  (3).  La  même  variété  a 
régné  pour  les  oraisons  qui  suivent  ces  lectures. 
Il  n'y  a  pas  ^ Introït  ^m  début  de  la  messe,  le  Kyrie 
eleison  est  la  conclusion  de  la  litanie  chantée  au 
retour  des  fonts  :  certains  documents  appellent 
cette  litanie,  litania  septena^  probablement  parce 

(i)  N.  B.  —  La  bénédiction  et  procession  du  dimanche  des 
Rameaux  remonte  à  une  haute  antiquité  ;  le  De  divinis  officiis, 
attribué  à  Alcuin,  décrit  la  cérémonie  (oraisons  et  chants  y  com- 
pris le  Gloria  laits).  P»  Z.,  t.  CI,  c.  1 200-1 201  ;  voir  aussi 
P.L.,  t.  LXXVIII,  c.  3io. 

(2)  P.  L.,  t.  LXXVIII,  c.  324. 

(3)  Note  de  Lesley  dans  P.  L.,  t.  LXXXV,  c.  446. 

LE  MISSEL  ROMALN.   —   ïome   H.  5 


66  LE   MISSEL    ROMAIN 

qu'on  la  chantait  à  sept  chœurs  (i),  les  invocations 
de  saints  varient  selon  les  recueils  et  à  ce  point 
de  vue  l'étude  comparative  de  ces  invocations  peut 
servir  à  déterminer  l'époque  et  le  pays  des  manus- 
crits. —  Durant  toute  l'octave  de  Pâques  jusqu'au 
samedi,  veille  de  Quasimodo,  deux  messes  étaient 
célébrées,  dont  une  matinale  était  pour  les  nou- 
veaux baptisés  :  telle  était  la  pratique  de  Milan  et 
des  Gaules,  on  n'ose  pas  assurer  qu'il  en  fut  ainsi 
pour  l'Espagne  (2).  Certains  recueils  n'ont  pas  la 
série  des  dimanches  après  Pâques  ;  les  autres  ne 
s'accordent  pas  sur  la  manière  de  compter,  ils 
donnent  quatre,  cinq,  ou  six  post  claiisum  pas- 
chae  :  le  P.  Lesley  estime  qu'on  peut  tout  conci- 
lier et  ramener  à  la  supputation  actuelle  ;  les 
recueils  qui  vont  jusqu'à  six  comprennent  dans 
ce  chiffre  le  dimanche  de  Pâques,  ceux  qui 
n'ont  que  quatre  font  abstraction  de  ce  dimanche 
et  de  celui  de  Quasiinodo  (3).  Au  xil""  siècle,  nous 
trouvons  dans  les  documents  des  traces  certaines 
de  Litanies  des  Rogations  à  Rome  :  il  faut  même  en 
faire  remonter  à  saint  Léon  III  (795-816)  l'impor- 
tation dans  la  capitale  du  monde  chrétien  ;  elles 
avaient  été  établies  au  v®  siècle  dans  les  Gaules  par 
saint  Mamert,  évêque  de  Vienne.  La  dénomina 
tion  de  litanies  mineures  est  diversement  expli- 
quée par  les  liturg-istes  ;  Beleth  dit  qu'elle  tient  à 
la  moindre  importance  du  personnage  qui  les 
institua,  la  litanie  ntajeure  du  25  avril  étant  attri- 
buée à  saint  Grégoire  le  Grand  (4).  Mais  il  est 
bon  de  remarquer  que  les  litanies  des  Rog'ationsi 
sont  appelées  aussi  litanies  inajeztres  dans  certains 

(i)  P.  L.y  t.  LXXVIII,  c.  88  et  338.  Zaccaria.  Onomasticon 
p.  189. 

(2)  P.  L.,  t.  LXXV,  c.  5i5. 

C3)  P.  L.,  Ibîd.y  c.  579. 

(4)  J.  Beleth,  Rationale.  P.  L.,  t.  CCII,  c. 


i 


LE    MISSEL    ROMAIN  67 

documents  ;  dès  lors,  rappellation  viendrait  aux 
majeures  de  leur  plus  grande  solennité  (i). 

Le  samedi,  veille  de  la  Pentecôte,  et  toute  l'oc- 
tave de  cette  fête  sont  calqués  sur  les  solennités 
de  Pâques  et  de  son  octave  (actuellement  le  samedi 
a  six  lectures  au  lieu  de  douze).  Alors  se  faisait 
une  nouvelle  administration  solennelle  du  bap- 
tême pour  ceux  qui  n'avaient  pu  être  admis  à 
Pâques. 

Certaines  églises  avaient  aussi  le  baptême  solen- 
nel au  jour  de  l'Epiphanie,  certaines  autres  aux 
fêtes  des  saints  martyrs  ;  le  pape  saint  Léon 
s'opposa  à  cette  extension  (2).  Comme  le  di- 
manche octave  de  la  Pentecôte  se  trouvait  être  le 
lendemain  des  Quatre-Temps,  il  n'aurait  pas  dû 
avoir  de  messe  spéciale.  Vers  le  xi^  siècle,  on  y 
plaçala  fête  delà  Sai7ite  Trinité  déjà  établie  àLiège 
un  siècle  auparavant.  L'innovation  rencontra 
l'opposition  des  Papes  Léon  IX  et  Alexandre  II 
(i*  1073)5  l'auteur  du  Micrologue  a  consigné 
quelques-unes  des  objections  soulevées  de  son 
temps  ;  «  tous  les  jours  de  dimanche,  dit-il,  sont 
consacrés  à  honorer  ce  mystère,  les  papes  eux- 
mêmes  n'y  sont  pas  favorables,  on  n'a  pas  de 
fête  spéciale  pour  honorer  l'unité  de  nature  (3)  ». 

Nous  n'avons  rien  de  spécial  à  ajouter  pour  les 
dimanches  après  la  Pentecôte,  le  nombre  en  est 
désormais  fixé  comme  il  le  sera  jusqu'à  nos  jours  : 
il  règne  néanmoins  un  certain  écart  entre  les 
divers  manuscrits,  les  uns  en  donnent  jusqu'à  27, 

(1)  Ainsi  les  autres  Kyrie  chantés  au  cours  de  l'année  n'ont 
pas  le  caractère  de  cette  supplication  où  chaque  invocation 
est  répétée  deux  fois.  Voir  Tommasi,  Œuvres,  t.  IV,  pp.  106 
et  1 10  ;  les  Ordînes  Romani  XIII  et  XIV^  dans  P»  L., 
t.  LXXVIII,  c.  iriQ,  ri 54;  Le  Micrologtie,  P.  L.,  t.  CLI, 
c.  1018. 

(2)  P,  L,  t.  LXXVIII,  c.  389-390. 

(3)  P.  L,  t.  CLI,  c.  1019. 


68  LE    MISSEL    ROMAIN 

d'autres  26  ou  25,  le  plus  grand  nombre  s'arrête 
à  24.  Des  documents  établissent  des  subdivisions 
dans  ce  groupe  comme  on  peut  le  voir  dans 
Tommasi  (i).  La  divergence  pour  le  nombre  pour- 
rait bien  provenir  de  celle  qui  existait  pour  la 
durée  de  l'Avent,  certaines  églises  comptant  cinq 
et  même  six  dimanches  avant  Noël. 

IL  Propre  des  Samts,  — Impossible  d'entrer  ici 
dans  le  détail  des  saints  ajoutés  aux  documents 
des  églises  particulières,  il  faut  nécessairement 
se  borner  à  ceux  qui  sont  restés  dans  notre  Missel 
romain.  Suivant  la  remarque  de  M.  Ed.  Bishop, 
vers  le  milieu  du  ix^  siècle,  on  commença  à  inter- 
caler à  leurs  dates,  dans  les  recueils  des  messes, 
des  saints  qui  n'avaient  pas  jusque-là  figuré  dans 
le  Sanctoral  grégorien  :  ainsi,  dans  le  cours  dux® 
et  du  XI^  siècle,  on  voit  faire  leur  entrée,  les 
Quarante  martyrs  au  9  mars,  sainte  Potentienne 
au  19  mai,  sainte  Praxède  au  21  juillet,  Apol- 
linaire au  21  juillet,  etc.  (2).  Au  13  mai,  la  dédi- 
cace de  Sainte-Marie  aux  Martyrs  cesse  de 
paraître  dans  les  documents  :  une  autre  dédicace 
de  cette  église  par  Grégoire  IV  (824-827)  sera,  il 
est  vrai,  mentionnée  au  i^^  novembre.  Cependant 
Dom  Quentin  fait  des  réserves  à  propos  de  la 
notice  consacrée  à  cette  dédicace  dans  les  marty- 
rologes, pour  expliquer  les  origines  de  la  Tous- 
saint :  ces  origines,  dit-il,  demeurent  encore 
obscures  (3),  car  l'assertion  du  Martyrologe 
d^Adon  aurait  besoin  d'être  contrôlée.  Le  saint 
Nicomède  du  i^^  juin  disparaît  pour  ne  plus 
figurer  qu'au  15  septembre,  anniversaire  de  son 
martyre.  Les  fêtes  de  saint  Jean-Baptiste  et  des 


(i)  Tommasi,  Œtivres,  t.  V,    p.   43 1  ;    voir   Les  Evangé- 
liaires,  p.  80. 

(2)  Gasquet  et  Bishop,  The  Bosworth  Psalter,  pp.  16,17,21. 

(3)  D.  Quentin  :  Les  Martyrologes  ati  vtoyen  âge,  pp.  (t^i'jy  640. 


LE    MISSEL    ROMAIN  69 

saints  Pierre  et  Paul  figurent  avec  une  vigile 
(23  et  28  juin),  la  rubrique  suppose  deux  messes 
pour  chacune  de  ces  vigiles  (i).  Des  documents 
ont,  au  6  juillet,  une  octave  des  saints  Apôtres  ; 
d'autres  placent,  à  cette  même  date,  soit  une 
translation  de  saint  Martin,  soit  l'anniversaire  de 
son  ordination  et  de  la  dédicace  de  son  église  (2). 
Les  recueils  bénédictins  ont  au  10  juillet  la  vigile 
et  au  II  le  Natale  de  saint  Benoît  ;  on  pense  que 
certaines  églises  ont  transféré  à  cette  date  la 
fête  du  saint  patriarche  des  moines  d'occident, 
l'échéance  du  21  mars  en  Carême  ne  permettant  pas 
de  lui  donner  toute  la  solennité  désirable  (3).  Au 
i^""  août,  pendant  que  certains  documents  ont  deux 
messes,  l'une  de  saint  Pierre  es  liens,  l'autre  des 
Machabées,  certains  autres  mentionnent  seule- 
ment la  seconde  (4);  au  6  août,  fête  de  saint 
Sixte,  les  Sacramentaires  de  Rodrade  et  de  Ratold 
ont  une  bénédiction  des  raisins  (ou  des  fèves)  (5). 
Le  1®^  octobre,  dans  le  Codex  de  Reims,  on  voit 
saint  Rémi  avec  une  vigile  ;  c'est  l'anniversaire 
de  la  Translation  du  corps  de  ce  saint  évêque 
dont  la  mort  est  au  13  janvier.  Le  i^^  novembre 
rappelle  non  plus  seulement  l'anniversaire  de  la 
mort  d'un  saint  Césaire  martyr,  mais  la  fête  de 
tous  les  saints  comme  on  vient  de  le  voir  à  pro- 
pos du  13  mai  (6). 

Nous  terminerons  ce  bref  aperçu  par  une  revue 
des  fêtes  en  l'honneur  de  Marie  aux  xi^  et  xir  s. 
Depuis  longtemps  déjà  la  Purification  figurait 
au  calendrier,  au   15,  puis  au  2   février;   il   est 

(i)  P.  L.,  t.  LXXVIII,  c.  394. 

(2)  Ibid.y  c.  396. 

(3)  Ibid.,  c.   397. 

(4)  Ibid.,  c.  400. 

(5)  Ibid,,  c.  400. 

(6)  Ibid.,  c.  410, 


70  LE   MISSEL    ROMAIN 

curieux  de  constater  que  si  les  anciens  docu- 
ments parlent  de  cierges  à  l'occasion  de  cette 
fête,  ils  gardent  le  silence  sur  leur  bénédiction  ; 
ainsi  font  les  liturgistes,  Alcuin  se  contente  de 
dire  que  le  pontife  distribue  des  cierges  aux 
fidèles.  Le  premier  Sacramentaire  qui  donne  une 
formule  de  bénédiction  est  peut-être  le  vSacra- 
mentaire  des  abbayes  de  Saint -Wast  et  de  Corbie, 
copié  par  les  soins  de  l'abbé  Ratold,  manuscrit 
du  x^  siècle  (i).  Les  fêtes  de  l'Annonciation  et  de 
l'Assomption  trouvent  désormais  leur  place  au 
calendrier  la  première  au  25  mars,  la  deuxième 
au  15  août.  De  la  fête  de  la  Visitation,  il  ne  sera 
question  qu'au  siècle  suivant.  La  fête  de  la  Nati- 
vité a  depuis  longtemps  sa  place  au  8  septembre. 
Celle  de  la  Présentation  au  21  novembre 
était  célébrée  en  Angleterre  dès  le  début 
du  XI®  siècle  (2).  Il  se  confirme  de  plus  en  plus 
qu'à  cette  même  date  du  Xl^  siècle,  l'Angle- 
terre célébrait  le  8  décembre  une  fête  en  l'honneur 
de  la  Conception  de  Marie  :  en  deux  calendriers 
de  Winchester  (Vitellius  E.  XVII  et  Titus  D. 
XXVII)  les  deux  fêtes  du  21  novembre  et  du 
8  décembre  sont  en  connexion  l'une  avec  l'autre. 
A  la  suite  de  recherches  faites  récemment  à  ce 
sujet,  M.  Ed.  Bishop;  établit  que  des  moines  grecs, 
existant  au  ix®  siècle  dans  la  Basse-Italie,  avaient 
les  deux  fêtes  de  la  Présentation  de  Marie  au 
21  novembre  et  de  sa  Conception  au  9  décembre 
regardées  chez  eux  comme  traditionnelles  :  «  Je 
crois,  dit-il,  que  c'est  par  le  contact  des  Anglais 
avec  ces  moines  grecs  que  ces  deux  fêtes  nous  sont 
venues  vers  les  premières  décades  du  xf  siècle  (3). 

{i)  P.  L,  \.,  LXXVIII,  c.  298,  et  Delisle,  Anciens  Sacra^ 
mentaireSy  n*  lvi,  p.  188,  sur  le  manuscrit  latin  \ioSi  de  la 
Bibliothèque  Nationale. 

(2)  Gasquet  et  Bishop,  The  Bosworth  Psalter,  pp.  43-53 

(3)  Dans  le  passage  indiqué,  M.  Bishop  commence  par 
donner  une  excellente  bibliographie  du  sujet,  et  fournit  ensuite! 


LE    MISSEL    ROMAIN  7? 

§  IV.  —  Ecrit i  RE  et  ornementation 

DES   MANUSCRITS. 

Le  lecteur  aimera  sans  doute,  à  être  renseig-né 
sur  l'écriture  et  rornementation  des  documents 
énun-iérés  au  cours  de  cette  histoire  ;  il  connaîtrait 
imparfaitement  Sacramentaires  et  Missels  s'il 
n'avai  pas  au  moins  une  idée  sommaire  de 
l'influence  exercée  par  ces  livres  liturg-iques  sur 
le  développement  de  la  calligraphie  et  de  la 
miniatu-e.  Aussi  bien  est- on  en  mesure  de  signa- 
ler dans  ce  genre  de  manuscrits  des  chefs-d'œuvre 
qui  font  l'admiration  des  connaisseurs  et  cons- 
tituent le  plus  riche  ornement  de  nos  biblio- 
thèques. i\ous  réunirons  dans  ce  paragraphe  ce 
qui  concerne  les  Sacramentaires  et  les  Missels 
envisagés  lu  point  de  vue  de  l'art,  ceux  qui  ont 
été  mentiojnés  précédemment  comme  ceux  qui 
feront  l'objtt  du  chapitre  suivant  ;  il  y  aurait  peu 
d'intérêt  à  -épartir  cette  matière  sur  différents 
chapitres. 

I.  Ecriture  —  On  trouvera  dans  Reusens  (i) 
des  explications  sur  les  écritures  dites  nationales, 
comme  la  imrovingienne ,  V irlandaise ,  Vanglo- 
saxon7ie,  la  vi^igothique,  la  lombarde  et  la  caro- 
lingienne. De  (es  écritures  diverses,  la  dernière 
surtout  nous  inéresse,  car  elle  domine  dans  les 
Sacramentaires  >x.  les  Missels  pendant  la  période 
brillante  des  maïuscrits  (ix^  à  Xlll®  siècles)  ;  aux 
xii^  et  XIII^  sièces  on  voit  paraître  l'écriture 
gotkiqîte,  une  dérénération  de  la  demi-onciale 
Caroline.  Si  l'on  accepte  quelques  recueils  litur- 
giques plus  ancien;,  écrits  en  caractères  mérovin- 
giens comme  le  maïuscrit  latin  9427  de  la  Biblio- 

les  explications  que  nou  venons  de  résumer.  Ses  dernières 
conclusions  l'inclinent  à  6andonner  les  vues  du  R.  P.  Thurston 
sur  les  origines  irlandaissàe.  la  fête  deTImmaculée  Conception 
(art.  de  la  revue  The  Moni^ ,  2LX\v\k:ç.  1904,  vol.  CIV pp.  459,568.) 

(i)  Reusens,  Eléments  cp  paléographie,  chdi^.  11,  pp.  37-92. 


72  LE   MISSEL    ROMAIN 

thèque  Nationale,  un  Lectionnaire  du  vil^  sièc?e 
provenant  de  l'abbaye  de  Luxeuil  (i),  ou  en 
caractères  lombards  comme  le  manuscrit  348  de 
Saint-Gall,  Sacramentaire  de  Rémédius,  évêque  de 
Coire  (800-820)  (2),  la  plupart  des  manuscrits 
subsistants  sont  en  écriture  carolingienne.  Ce 
genre  qui  comprend  la  capitale^  Voiiciale,  la  deini- 
onciale  et  la  imiiiiscule  fut,  à  partir  du  ix*^ siècle, 
cultivé  dans  les  abbayes  de  Metz,  Reims,  Saint- 
Denis  près  Paris,  Corbie,  Orléans  et  surtout 
Saint-Martin  de  Tours.  La  capitale  fut  enployée 
dans  les  vSacramentaires  pour  les  tïtjes,  puis 
Vonciale  et  la  demi-onciale  pour  le  texte. 
M.  Léopold  Delisle,  dans  son  Mémoire,  indique 
le  genre  d'écriture  de  chaque  manuscrit  (3). 

II.  Ornementation,  —  Ici,  les  Sacramentaires  et 
les  Missels  présentent  le  plus  grand  intérêt  ;  dans 
ces  livres  liturgiques  en  effet,  comme  d'ailleurs 
dans  les  Evangéliaires  et  les  Pontificmx,  l'art  de 
la  peinture  et  de  l'enluminure  se  développe  sur 
un  champ  bien  restreint,  il  est  vrai, mais  avec  un 
fini  de  détails,  un  éclat  et  une  richesse  que  nous 
parvenons  difficilement  à  reprodiire  avec  des 
moyens  plus  perfectionnés  (4)  La  iécoration  des 
manuscrits  peut  être   envisagée  soit   en  général 


(i)  Reusens,  ouvr,  cité,  pp.  37  et  43. 

(2)  L'écriture  lombarde,  importée  d'Itaîe  en  France  par  des 
moines,  fut  cultivée  au  viii°  siècle  à  Cortie  et  à  Soissons  ;  au 
IX*  siècle  elle  se  développa  dans  l'Italie  méridionale,  notam- 
ment à  l'abbaye  du  Mont-Cassin,  puis  fia  Cava.  —  Reusens, 
Ibid.,  p.  61.  Voir  aussi  Delisle,  Amiens  Sacramentaires, 
n-  X,  p.  84.  / 

(3)  Delisle,  ouvr.  cité,  passim. 

(4)  Uor  fut  employé  pour  les  lett)fes  ou  comme  fond  aux 
premières  pages  :  cette  magnifîcen^  atteint  son  plus  haut 
point  à  l'époque  carolingienne.  \pr  disparaît  du  xi*  au 
XIII*  siècle,  puis  revient  comme  encjdrement  au  xiv*.  Comme 
fond  on  emploie  aussi  le  pozir^re  ^r  vélin  soit  pour  le  fron- 
tispice, soit  pour  le  canon. 


LE    MISSEL    ROMATN  7.") 

dans  l'ensemble   du  recueil,  soit  en   particulier 
dans  ses  parties  principales. 

I.  En  général.  —  Aux  Vll'^  et  viir  siècles,  l'or- 
nementation des  initiales  commence  timidement 
dans  les  préfaces  des  recueils  gallicans,  le  Missale 
Francoriim,  le  Goihicuni  et  le  Gallïcanum,  On 
peut  donner  comme  type  de  la  décoration  aux 
temps  mérovingiens  le  n°  316  du  fonds  de  la  Reine 
au  Vatican,  ou  Sacramentaire  Gélasien  ;  il  y  a 
toute  une  page  ornée  au  commencement  de 
chacune  des  trois  parties, y^'/.  3,  i3i,  ij2.  Mura- 
tori  (i)  en  a  donné  des  fac-similés  très  insuffisants  ; 
les  spécimens  d'Ebner  (2)  sont  mieux  réussis  ;  dans 
l'arcade  est  dessinée  une  croix  et  aux  bras  de  la 
croix  pendent  \ alpha  et  \ oméga.  Au  VIII®  siècle, 
l'ornementation  prend  un  plus  grand  développe- 
ment dans  le  mamiscrit  latin  12048 ,  ou  Sacra- 
mentaire de  Gellone.  Les  dessins,  dit  Delisle,  en 
sont  très  remarquables  (3)  ;  l'œuvre  n'est  encore 
qu'un  essai ,  elle  mérite  néanmoins  d'attirer  l'atten- 
tion. Le  canon  de  la  messe  s'ouvre  par  l'image  du 
Sauveur  sur  la  croix  ;  du  corps  de  Notre  Seigneur 
s'échappent  des  gouttes  de  sang,  au-dessus  de  la 
tête  est  le  titre  :  IH I S  X P  S^  et  de  chaque  côté 
au-dessus  des  bras  planent  deux  anges.  Dans  tout 
le  cours  du  recueil,  les  initiales  sont  formées  de 
dessins  dont  les  oiseaux  et  les  poissons  four- 
nissent ordinairement  le  thème  ;  on  y  voit  aussi 
des  têtes  de  personnages.  L'enlumineur  s'essaie 
à  une  adaptation  de  son  sujet  aux  circonstances  : 
ainsi,  par  exemple,/^/.  77,  à  la  messe  de  l'Inven- 
tion de  la  sainte  Croix,  dans  la  première  lettre  de 
la  collecte  sont  inscrites  trois  croix,  puis  à  côté 

(i)  Muratori,  Lihiygia  roinana  vêtus,  I,  c.  63,  64. 

(2)  Ebner,  ouvr.  cité,  pp.  240  et  241. 

(3)  Delisle,  Anciens  Sacramentaires,  n°  vu,  p.  80,  avec 
indications  bibliog^raphiques,  voir  D.  Guéranger,  Instittitions 
liturgiqtics,  t.  IV,  pp.  33.S  et  349. 


74  L^    MISSEL    ROMAIN 

un  homme  est  occupé  à  équarrir  une  autre  croix  ; 
foL  23o,  à  la  messe  de  tentpore  belli,  la  première 
lettre  de  la  collecte  a  un  cavalier  armé  sur  le  pied 
de  guerre,  dans  la  troisième  lettre  initiale  est  une 
main  tenant  une  hache  élevée.  Au  IX^  siècle,  l'art 
caroling-ien,  sous  l'influence  g-ermanique  et  irlan- 
daise, développe  la  décoration  des  Sacramen- 
taires,  en  lui  donnant  plus  d'orig-inalité  ;  un  vaste 
champ  lui  est  ouvert  par  la  diffusion  du  Grégorien 
d'Adrien.  Les  miniaturistes  et  les  enlumineurs  ne 
se  contentent  plus  de  chercher  leurs  modèles  dans 
le  règne  végétal  et  animal,  ils  donnent  à  leurs 
personnages  de  plus  grandes  et  de  plus  exactes 
proportions,  tantôt  resserrant  la  scène  qu'ils 
représentent  dans  une  simple  initiale,  tantôt 
l'étendant  en  tableaux  merveilleux  qui  remplis- 
sent la  page  entière  du  manuscrit.  Et  l'œuvre  se 
perfectionne  durant  tout  le  moyen  âge  ;  la  préface 
et  le  canon  reportés  au  commencement  du  recueil, 
puis  placés  au  milieu,  reçoivent  les  décorations 
de  préférence  aux  autres  parties.  Aussi  les  Missels 
des  xiir  et  xiv*^  siècles  figurent-ils  dignement  à 
côté  des  Bibles  et  des  Evangéliaires  de  la  meil- 
leure époque  (i). 

2.  En  particulier.  —  Si  nous  entrons  un  peu 
dans  le  détail,  nous  verrons  que  l'originalité  de 
la  décoration  des  Sacramentaires  et  Missels  se 
produit  dans  le  début  de  la  préface,  dans  le  début 
du  canon,  puis  à  l'occasion  des  principales  fêtes. 

A.  Préface.  Les  premières  paroles  :  Vere 
dignuin,  toujours  les  mêmes,  donnent  naissance  à 
une  décoration  dont  on  peut  suivre  le  dévelop- 
pement à  travers  les  manuscrits.  Tout  d'abord, 
on  abrège  les  deux  mots  d'une  manière  uniforme  : 
V.  D.  deviennent  (2)  ;  bientôt  le  trait  d'abrévia- 

(i)  Voir  Les  Evangéliaires,  pp.  1 02-1 10. 
(2)  Les  deux  lettres  V  et  D  sont  accolées  l'une  à  l'autre  ;  il  y 
a  un  trait  dans  l'ouverture  du  V. 


LE    MISSEL    ROMAIN  75 

tion  placé  dans  l'ouverture  du  V  s'abaisse  pour 
couper  la  ligne  commune,  on  obtient  une  croix 
inscrite  en  (i)  ou  mieux  (2).  Sur  ce  motif  reposent 
les  décorations  enchevêtrées  et  parfois  fantas- 
tiques qui  remplissent  presque  une  page  entière 
du  manuscrit  :  ces  décorations  sont  placées  au 
début  de  la  préface  commune.  Ainsi,  pendant  que 
les  plus  anciens  Sacramentaires  gallicans  écrivent 
les  mots  :  Vere  digmtin  dans  leur  entier,  les  ma- 
nuscrits du  ix^  et  du  x^  siècle  ont  le  dessin  dont 
Ebner  donne  une  reproduction  d'après  le  Codex  8y 
(ancien  82)  de  la  Bibliothèque  capitulaire  de 
Vérone  (3).  Il  y  a  comme  une  gradation  dans  le 
dessin  :  tantôt  le  trait  transversal  est  représenté 
par  une  feuille  élancée,  tantôt  il  est  marqué  sim- 
plement par  deux  points  (4)  comme  dans  le 
Codex  A  2^dù  àQ  la  Bibliothèque  Ambrosienne  à 
Milan  (5)  ;  en  Italie,  au  x"^  siècle,  les  traits  de  la 
lettre  se  perdent  dans  un  tissu  de  vrilles  et  de 
branches,  puis  des  bandes  chargées  de  bourgeons 
et  de  fleurs  s'échappent  des  extrémités  de  la  lettre 
pour  l'entourer;  en  Toscane,  au  Xl^  siècle,  une 
réaction  se  produit  contre  cette  décoration 
exagérée.  Dans  la  basse-Italie,  à  la  même  époque, 
le  signe  se  développe  en  une  croix  avec  médail- 
lons aux  extrémités.  —  Aux  xir  et  Xlir  siècles, 
l'art  gothique  ramène  une  sorte  de  simplicité 
dans  la  représentation  du  signe,  mais  il  en  varie 
bientôt  les  couleurs  et  en  multiplie  les  lignes  ; 
puis  le  signe  est  lui-même  transformé  ;  on  a  (6)  ou 

(i)   Le    trait    primitivement    placé    dans   l'ouverture    du  V 
s'abaisse  et  croise  la  ligne  commune  aux  deux  lettres. 

(2)  Les  deux  lettres  s'arrondissent. 

(3)  Ebner,  Oîivr.  cité,  pp.  436  et  288. 

(4)  Le  trait  du  milieu  est  remplacé  par  deux  points. 

(5)  Ebner^  ouvr.  cité,  pp.  434  et  73. 

(6)  Les   deux   lettres   sont   fermées    par   un    trait   supérieur 
léorèrement  arrondi. 


76  LE    MISSEL    ROMAIN 

(i)  OU  un  cercle  fermé  avec  une  croix  inscrite, 
un   léger  trait   de   plume    laisse    apercevoir  les 
lettres    V.  D.  L'ornementation  très  chargée   est 
accompagnée    de    formes    animales    grotesques, 
elle    diminue    à    la    fin    du    moyen    âge.   Enfin, 
aux  XIV"^  et  xv^   siècles,   le  signe  disparaît   ou 
quelquefois  prend  la  forme  soit  du  D  soit  du  V 
avec  une  croix,  parfois  cette  dernière  entre  dans 
l'initiale  du    mot   jEterne,    (2).    —  En    d'autres 
manuscrits,  on  substitua  aux  deux  lettres  V.  D. 
une    représentation    de    Dieu    le    Père    dans    sa 
majesté  :  ce  qu'on  appela  la  Majesté  du  Seigneur 
Majestas  Doinini.  Cette  image  fut  ou  plus  compli- 
quée ou  plus  simple.  Le  plus  ancien  exemple  de 
cette  substitution  se  rencontre  dans  un  document 
du  IX""  siècle,  le  Codex  ii/f.i  de  la  Bibliothèque 
Nationale,  un  des  plus  précieux  monuments  de 
l'art  carolingien  (3).  L'image  est  assez  compliquée, 
le  Seigneur  est  assis  sur  son  trône,  cinq  ordres 
d'esprits  célestes  l'entourent.  D'autres  fois,  l'image 
est  plus  simple  :  le  Seigneur  à  figure  de  vieillard 
est  assis  sur  un  trône  ou  sur  l'arc-en-ciel,  il  lève  la 
main  droite  comme  pour  bénir  ou  pour  enseigner 
tandis  que  la  main  gauche  tient  un  livre  ouvert 
ou  fermé,  les  pieds  reposent  sur  un  escabeau,  la 
tête  est  ornée  d'un  nimbe  où  la  croix  est  inscrite, 
deux    ou    quatre    anges    sont    de    chaque    côté. 
Parfois  il  y  a  simplement  le  buste  du  Seigneur 
inscrit  dans  un  demi-cercle  au-dessus  du  signe  (4) 
ou  dans  un  médaillon  (5).  Plus  tard  on  confondit 
dans  une  même  représentation  Dieu  le  Père  qui 
est  invoqué  comme  souveraine  majesté  et  Dieu  le 

(i)  Le  trait  légèrement  arrondi  est  placé  en  dessous. 

(2)  Les  deux  lettres  majuscules  O,  E,  sont  accolées   l'une  à 
l'autre,  une  croix  est  inscrite  dans  O. 

(3)  Delisle,  Anciens  Sacramentaires ,  n°  xxxiii,  p.  146. 

(4)  Comme  à  la  page  75,  note  i. 

(5)  Codex  F.  18,  San  Pietro,  à  Rome.  Ebner,  Ibid.,  p.  191. 


LE    MISSEL    ROMAIN  77 

Fils  dont  on  célèbre  le  sacrifice  ;  on  ajouta  alors 
le  symbole  des  Evangélistes.  Le  Sauveur  Jésus 
représenté  ici  dans  sa  gloire  faisait  contraste  avec 
l'Homme-Dieu  humilié  sur  la  croix  tel  qu'il  appa- 
raissait au  début  du  canon.  Plus  rarement  on 
joignit  à  cette  représentation  de  la  majesté  divine 
d'autres  figures,  par  exemple  celle  de  la  Sainte 
Vierge  (i),  ou  des  personnages  bibliques  comme 
Abel  ou  Melchisedech  (2).  Ailleurs,  on  opposa 
l'église  et  la  synagogue  (3)  ;  enfin  certains  manus- 
crits étendent  la  décoration  2lM  P  Aç^  per  outnia, 
qui  remplit  toute  la  hauteur  de  la  page  (4). 

Remarquons,  en  terminant  cette  première 
revue,  que  les  liturgistes  du  moyen  âge  ont 
trouvé  à  ces  représentations  par  l'image  des 
explications  allégoriques.  Telles  sont,  entre  beau- 
coup d'autres,  celle  de  Jean  Beleth  (xil^  siècle,  et 
de  Sicard  de  Crémone  (xill^  siècle).  Par  le  delta 
fermé  en  cercle,  dit  le  premier,  est  représentée 
la  nature  divine  qui  n'a  ni  commencement  ni  fin, 
le  /^exprime  la  nature  humaine  du  Christ  quia 
eu  un  commencement  dans  le  sein  de  la  Vierge, 
mais  n'aura  pas  de  fin.  Le  trait  transversal  repré- 
sente la  croix  comme  une  sorte  de  trait  d'union 
entre  l'humanité  et  la  divinité  du  Sauveur  (5).  — 
Le  V,  dit  à  son  tour  Sicard  de  Crémone,  signifie 
l'humanité  du  Christ,  le  D  sa  divinité  ;  le  V  est 
ouvert  à  une  extrémité  et  fermé  par  l'autre,  pour 
nous  apprendre  que  l'humanité  du  Christ  émane 
visiblement  du  Saint-Esprit  ;  le  D  est  complète- 

(i)  Codex  s^4y  de  la  Bibliothèque  Vaticane.  Ebner,  Ibid.y 
p.  206. 

(2)  Codex  F.  18 ,  San  Pietro,  ut  supra. 

(3)  Sacramentaire  de  Drogonde  Met:::,  inanuscrit  lat,  9428, 
Bibliothèque  Nationale.  Delisle,  Ibid,,  n"  xvii,  p.  loo. 

(4)  Cod.  614  de  la  Bibliothèque  Casanat,  à  Rome.  Ebner, 
Ibid.,  p.  i55. 

(5)  J.  Beleth,  Rationale,  F,  L.,  t.  CCII,  c.  53. 


78  LE    MISSEL   ROMAIN 

ment  fermé  parce  que  la  divinité  est  éternelle, 
c'est-à-dire  sans  commencement  ni  fin  ;  le  trait  du 
milieu  formant  la  croix  symbolise  la  passion  de 
notre  Sauveur  (i). 

B.  Caîion.  —  C'est  seulement  à  l'époque  caro- 
lingienne que  commence  la  décoration  du  7^  ini- 
tial de  Te  igitur,  La  forme  la  plus  simple  fut  (2)  ; 
mais  aux  initiales  pures  on  ne  tarda  pas  à  joindre 
les  images  tirées  soit  du  règne  végétal,  soit  du 
règne  animal  ;  puis  les  deux  premiers  mots  furent 
attirés  dans  la  décoration  par  des  entrelace- 
ments artistiques,  comme  on  le  voit  surtout  dans 
le  groupe  des  manuscrits  de  l'Italie  centrale 
au  xr  siècle.  Le  dessin  y  est  plus  varié  que  pour  la 
préface.  L'idée  vint  vite  de  représenter  à  cette 
occasion  le  Sauveur  souffrant  sur  la  Croix,  la 
messe  étant  la  continuation  et  la  représentation 
du  Sacrifice  du  Calvaire  et  la  forme  du  T  ayant 
beaucoup  d'analogie  avec  la  forme  de  la  croix. 
Déjà  dans  le  Gellone  (viii^  siècle),  le  canon  de  la 
messe  s'ouvre  par  l'image  de  la  croix  ;  l'exemple  ne 
fut  guère  suivi  au  IX*^  siècle.  Puis  au  x^  siècle  (3) 
et  dans  les  siècles  suivants,  on  groupe  des  per- 
sonnages au  pied  du  crucifix.  D'autres  fois, 
comme  au  xil^  siècle,  on  substitue  la  majesté  du 
Seigneur  à  l'image  qui  rappelle  ses  souffrances, 
puis  le  7^  prend  la  forme  d'un  évêque  priant  les 
bras  en  croix.  Il  est  des  documents  où  règne  une 
plus  grande  simplicité  :  dans  un  cadre  avec  mé- 

(i)  Sicard,  Mitrale,  P.  L.,  t.  CCXIII,  c.  122. 

(2)  Un  T  dans  lequel  fut  inscrit  un  E  de  moindre  proportion. 

(3)  Ex.  le  Çod.  A,  24,  de  la  Bibliotheqtie  Ambrosienne,  à 
Milan,  x*  siècle.  Ebner,  ouvr,  cité,  p.  443.  Dans  un  manuscrit 
du  ix'-x*  siècle,  le  Codex  184  de  la  Bibliothèque  de  Tours, 
des  aisselles  du  grand  Z*  initial  tombent  deux  fleurs  de  lis  ;  à 
gauche  du  T  une  peinture  assez  grossière  représente  un  prêtre 
en  prière,  les  mains  élevées,  devant  un  autel  sur  lequel  sont 
le  calice  et  l'hostie.  Delisle,  ouvr.  cîféy  n°  xxviii,  p.  i35. 


LE   MISSEL    ROMAIX  ^9 

dallions  aux  quatre  coins  est  inscrit  un  crucifix, 
puis  de  chaque  côté  sous  les  bras  est  écrit  le  texte  : 
e  igititr  clenientissime  Pater,  en  lettres  capitales, 
une  guirlande  de  feuilles  d'acanthe  forme  l'enca- 
drement (i).  Un  manuscrit  du  xii^  siècle,  au  cou- 
vent d'Oberminster  à  Ratisbonne  représente  le 
sein  cV Abraham,  sinus  Abrahae^  on  croit  que 
ce  manuscrit  était  destiné  aux  messes  pour  les 
défunts.  Les  autres  parties  de  l'ordinaire  de  la 
messe  ont  aussi  quelques  dessins.  Par  exemple, 
à  V AgntLS  Deiy  on  voit  un  médaillon  portant 
l'Agneau  de  Dieu,  ou  encore  saint  Jean-Baptiste 
désignant  le  Sauveur  par  ce  symbole.  Un  Codex 
n^  23 1  actuellement  à  Gôttingen  et  originaire  de 
Fulda,  donne  à  cet  endroit  une  représentation 
symbolique  :  quatre  médaillons  portant  les  évan- 
gélistes  sont  réunis  par  des  diagonales  à  un 
médaillon  central  où  est  peint  l'Agneau  blessé, 
étendu  sur  une  barque  ;  près  des  eaux  où  plonge 
la  barque  et  sur  une  colline  verdoyante  se  tient 
une  femme  symbole  de  l'Eglise  ;  celle-ci  a  un 
calice  pour  recevoir  le  sang  de  l'Agneau.  Dans  le 
Sacramentaire  de  Mtmic/t,  dm  4^56,  écrit  pro- 
bablement à  Ratisbonne  au  début  du  xr  siècle, 
deux  pages  décorées  terminent  le  canon,  la 
première  représente  la  main  de  Dieu  dans  un 
médaillon,  la  deuxième  contient  un  Agnus  Dei, 
Quelquefois  l'image  du  Sauveur  lui-même  rem- 
place celle  de  l'Agneau  de  Dieu  (2).  Une  pieuse 
tradition  voulait  qu'on  baisât  le  livre  à  l'endroit 
de  ces  images  osculum  libri.  Plus  rares  sont  les 

(i)  Cod.  1084  de  la  Bibliothèque  Universitaire  de  Bologne, 
11*  siècle,  Ebner.  ouvr.  cité,  p.  9.  On  peut  rapprocher  de  ce 
document  le  7ns.  lat.  1800^  de  la  B.  N.,  Sacramentaire 
pour  une  église  de  la  province  de  Trêves.  Delisle,  ouvr.  cité, 
n*  xcviir,  p.  25o. 

(2)  Ex.  le  Missel  d'Eichstadt,  xv"  siècle,  à  la  Bibliothèque 
capitulaire  de  cette  ville  et  le  Missel  de  Volfenbuttel,  xv*  siècle, 
Cod.  Helmstad,  35. 


8o  LE   MISSEL   ROMAIN 

décorations  au  Pater  et  au  Libéra  nos,  et  elles  se 
bornent  à  des  initiales  richement  ornées. 

Comme  pour  la  préface,  les  liturgistes  du  Xll®- 
XIII^  siècle  n'ont  pas  manqué  d'exposer  le  sym- 
bolisme de  ces  images.  «  Le  canon,  ditj.  Beleth, 
commence  par  la  lettre  Tau,  cette  let'tre  a  la  forme 
d'une  croix  :  tout  ce  qui  s'accomplit  à  la  messe 
s'est  réalisé  sur  la  croix  par  la  passion  du  Sau- 
veur et  tire  de  la  croix  toute  son  efficacité.  Dès 
lors,  il  faut  peindre  en  cet  endroit  l'image  de  la 
croix  (i).  »  Innocent  III,  dit  dans  le  même  sens  : 
Dans  le  canon,  on  rappelle  le  souvenir  de  la 
passion...  Voilà  pourquoi,  entre  la  préface  et  le 
canon,  dans  la  plupart  des  Sacramentaires,  on 
peint  l'image  du  Christ,  pour  que  non  seulement 
l'intelligence  du  texte,  mais  aussi  la  vue  de 
l'image  réveille  la  mémoire  de  la  passion  du  Sau- 
veur. C'est  donc  sans  doute  par  un  effet  de  la 
divine  providence  que  le  canon  commence  par 
cette  lettre  T  (tau)  qui  par  sa  forme  rappelle  la 
croix  (2). 

C.  Principales  j êtes.  —  La  décoration  se  borne 
aux  initiales  ou  s'étend  sur  les  pages  entières.  — 
I.  Y^ç^  dessin  des  initiales  inauguré,  comme  on  l'a 
dit,  au  vil^  siècle  dans  les  manuscrits  gallicans,  se 
développe  timidement  au  viir  siècle  et  atteint  son 
plus  haut  degré  de  splendeur  au  ix^  siècle  (3). 
Aux  xiv^  et  XV^  siècles,  ces  initiales  servent  de 
cadre  à  des  tableaux  en  miniature  d'une  exécution 
merveilleuse,  telle  Missel  de  Clément  VII  2t.  Avi- 
gnon. Beaucoup  de  manuscrits  à  cette  époque  ont 
des  vignettes  en  tête  de  chaque  mois  dans  le 
calendrier.  D'autres  du  x^  et  xr  siècles  ont  deux 

{i)Expl.  divin,  offtciorum,  c.  46 ; Edit. Ltigd. ,  i562,p.i5i. 

(2)  Innocent  III,  de  Sacrificio  Missae,   P.   L.,  i.  CCXVII, 
c.  840. 

(3)  Le   Sacramentaire   de  Di^ogoii  déjà  mentionné  ;   ms . 
lat.  p428t  Bibliothèque  Nationale.  Delisle,  n°  xvii,  p.  100. 


LE    MISSEL    ROMAIN  8l 

sortes  d'initiales,    savoir  ;   des   lettres   capitales 
d'un  dessin  très  pur  en  rouge  ou  or  ;  des  lettres 
(or  ou  argent)  fleuronnées  sur  champ  bleu,  violet 
ou  vert  (i).  — 2.  Tableaicx S2tr  des  pages  entières. 
Indépendamment  du  début  du  canon,  beaucoup 
de  recueils  renferment  divers  sujets  représentés. 
Le  Sacramentaire  d'Aîitu7i,  n°  igàis  du  Séminaire, 
représente  les  ordres  sacrés  (2).  Souvent,  dans  les 
manuscrits  des  premiers  temps  du  moyen  âge,  on 
trouve  les  images   de  saint  Gélase,  et  de  saint 
Grégoire   le  Grand,   comme  auteurs  du  recueil. 
L'image  de  saint  Grégoire,  absente  des  manus- 
crits d'Italie  (3),  n'est  pas  rare  dans  les  manuscrits 
de  France  et  d'Allemagne   :  presque  toujours  le 
saint  Pape  y  est  représenté  assis,  comme  dans  le 
Sacra7nentaire  de  Drogon.   Puis  les  tableaux  sont 
plus  ou  moins  nombreux  pour  retracer  tel  mys- 
tère ou  telle  fête  de  Tannée  liturgique.  Les  ma- 
nuscrits de  Fulda  et  ceux  qui  se  rattachent  à  cette 
école  ont  un  cycle  typique  comprenant  les  plus 
grandes  fêtes  du  Seigneur  et  des  saints,  souvent 
les  images  se  présentent  deux  à  deux  ou  trois  à 
trois  dans  une  parfaite  unité  de  but  et  de  cadre. 
Le  Codex  î2yS  de  la  Bibliothèque  publique  de 
Lucques,   X"   siècle,    a  les    représentations    sui- 
vantes  :   entrée  de  Jésus  à  Jérusalem  le  jour  des 
Rameaux,  le  lavement  des  pieds,  la  résurrection, 
l'Ascension,  la   Pentecôte,    le   Martyre  de   saint 
Boniface,  saint  Jean-Baptiste,  saint  Laurent  (4). 
Le    Codex  3S^8   de  la    Bibliothèque    Vaticane, 
xr  siècle,  a  une   Nativité,    une   Epiphanie   (5)  ; 

(i)  Delisle,  ouvr.  cite,  n*  lxxxii,  p.  221  ;  n*  xcviii,  p.  aSo. 

(2)  DelislCj  Ibid.,  n°  xvi,  p.  g6  :  on  trouvera  une  reproduc- 
tion et  une  description  dans  le  Dictionnaire  (P Archéologie 
clirétienne  et  de  Liturgie,  t.  I,  c.  32 10. 

(3)  Il  faut  excepter  le  Codex  86  du  chapitre  d'Ivrée.  Voir 
Ebner,  ouvr.  cité,  p.  52  et  Delisle,  Ibid.,  n*  xc,  p.  2.33. 

(4)  Ebner,  ouvr,  cité,  p.  67. 

(5)  Ibid.,  p.  211 . 

LE  MISSEL   ROMAIN.    —   Tome   II.  6 


82  LE    MISSEL   ROMAIN 

le  Codex  y 6  V,  Bibliothèque  capitulaire  d'Udine, 
XI""  siècle,  a  de  plus  la  Purification,  la  Descente  de 
croix  et  la  mise  au  tombeau,  saint  Pierre  et  saint 
Paul,  saint  Michel,  la  Toussaint,  saint  Willehad, 
saint  Martin,  saint  André  (i).  Le  inanuscrit  86 
du  chapitre  d'Ivrée,  xi^  siècle,  a  des  images  du 
sacre  des  Rois,  de  la  consécration  des  évêques, 
de  l'adoration  des  Mages,  du  martyre  de  saint 
Etienne,  etc.,  les  représentations  des  Sacrements 
de  Baptême  et  d'Extrême-Onction  :  il  est  unique 
en  son  genre  pour  l'illustration  des  communs  et 
des  messes  votives  (2). 


CHAPITRE  III 

Prédominance  du  Missel  plénier 

et  son  histoire  aux  XII 1%  XI V«  et  XV«  siècles. 


Avant  l'époque  où  nous  nous  plaçons  dans  ce 
chapitre,  le  Sacramentaire  avait  été  allégé  des 
fonctions  réservées  aux  prélats  et  consignées  dans 
les  Pontificaux.  L'augmentation  qu'il  reçoit  par 
l'insertion  des  lectures  et  des  parties  chantées 
s'explique  pour  peu  que  l'on  tienne  compte  de  la 
pratique  déjà  signalée  et  en  vertu  de  laquelle  le 
célébrant  récita  à  l'autel  ces  lectures  et  ces  paroles 
chantées.  Ainsi  apparut  le  Missel  plénier. 

Toutefois,  et  il  est  bon  de  le  répéter,  la  trans- 
formation s'opéra  par  degrés  ;  même  au  XIV®  et 
au  XV®  siècle,  on  trouve  encore  des  Sacramentaires 
avec  des  additions  de  seconde  main.  Rien  d'éton- 

(i)  Ebner,  Ibid.,\>^.   259-267. 

(2)  Ibid.y  p.  452.  Delisle,  otivr.  cité,  n*  xc,  p.  233.  Dans 
son  édition  du  Missel  de  Rober t  de  Jumièges y  manuscrit  Y  G, 
Bibliothèque  de  Rouen^  xi*  siècle,  M.  A.  Wilson  a  donné  des 
reproductions  de  ce  manuscrit  :  Nativité  et  Adoration  des  Ber- 
gers, Voyage  et  Adoration  des  Mages,  Trahison  de  Judas  et 
Crucifiement,  Descente  de  la  Croix  et  Saintes  Femmes  au  tom- 
beau. Ascension  et  Pentecôte,  saint  Pierre  et  saint  André. 


LE   MISSEL   ROMAIN  <S3 

nant  à  cela,  car  pour  renouveler  ces  recueils  il 
fallait  recourir  à  l'écriture,  et  la  transcription 
d'un  Sacramentaire  ou  d'un  Missel  plénier  était 
une  œuvre  dispendieuse  et  de  longue  haleine  ; 
on  faisait  servir  autant  que  possible,  en  les  modi- 
fiant, les  anciens  manuscrits.  Ainsi  les  Xill®,  xiv®  et 
XV®  siècles  marquent  la  prédominance ,  mais  non 
encore  le  règne  absolu  des  Missels  plémers. 

Désormais,  il  n'y  a  rien  de  nouveau  à  enre- 
gistrer pour  le  canon  de  la  messe,  à  peine  se  ren- 
contre-t-il  des  variantes  de  détail  ;  des  particula- 
rités se  produisent  dans  l'ordinaire  de  la  messe, 
mais  ce  sont  des  vestiges  des  anciennes  litur- 
gies ou  la  prolongation  de  pratiques  introduites 
durant  l'âge  précédent  ;  telles  sont,  par  exemple, 
les  prières  du  bas  de  l'autel  ou  de  l'offrande,  les 
séquences,  les  prières  qui  suivent  la  communion. 
La  partie  vraiment  nouvelle  est  dans  V accroisse- 
ment diù  calendrier,  La  réalité  de  cette  assertion 
ressortira  du  développement  des  trois  articles 
qui  composent  ce  chapitre  :  i.  Substitution  pro- 
gressive du  Missel  plénier  aux  Sacramentaires  ; 
2.  Missel  de  la  curie  romaine  ;  3.  Missel  des  églises 
particulières  de  l'Occident  et  des  ordres  reli- 
gieux. 

Article  L  —  Substitution  progressive 
du  Missel  plénier  aux  Sacramentaires. 

Pour  donner  une  idée  de  cette  substitution,  il 
suffit  de  signaler  les  principaux  documents  du  xili® 
au  XV®  siècle,  conservés  dans  les  bibliothèques  de 
Rome  et  des  autres  pays  de  l'Occident. 

I.  Le  Codex  i6ç5  (Alt.  C.  V.  2)  de  la  Biblio- 
iheca  Casaitatensis ,  à  Rome  (xii®-xill®  siècle)  pré- 
sente la  division  de  notre  Missel  actuel  :  propre 
du  temps  jusqu'au  Samedi  saint,  ordinaire  de  la 
messe,  propre  du  temps  depuis  Pâques  jusqu'au 
24*  dimanche   après  la    Pentecôte,   propre    des 


84  LE   MISSEL    ROMAIN 

saints.  Les  litanies  du  Samedi  saint  renferment 
des  noms  appartenant  à  la  Gaule,  comme  ceux  de 
Magloire,  Eloi,  Médard,  Denys  :  on  en  a  conclu 
que  le  document  fut  à  l'usage  d'une  église  de 
Paris  (i). 

2.  Le  Codex  T.  8 .  ii  de  la  Bibliotheca  Ange- 
lî'ca,  à  Rome,  (xilf  siècle),  est  plutôt  un  Missel  plé- 
nier  improprement  dit.  Dans  les  parties  chantées 
se  trouvent  plusieurs  messes  cisterciennes  ;  dans  le 
propre  des  saints,  on  remarque  les  noms  deMaur, 
Benoit,  Scolastique,  Vast  et  Amand,  Albin, 
Médard,  Germain,  Evurcius  d'Orléans,  Léger, 
Aignan,  Columban,  Agricole  et  Vital.  Puis  dans 
un  supplément  du  XIV®  siècle  ceux  de  Guillaume 
de  Bourges,  Dominique,  Julien,  Thomas  d'Aquin, 
Guthbert,  Robert,  Huges  de  Cluny,  la  fête  de  la 
Sainte  Couronne  d'épines,  saint  Louis  roi,  saint 
Wenceslas,  saint  François,  Malachie,  Elisabeth, 
Edmond  (17  novembre  canonisé  en  1247),  Eloi, 
Barbe,  Jean  et  Paul,  puis  la  fête  du  Corptis  Christi, 
—  Suivent  les  communs,  les  messes  diverses  (2). 

3.  Le  Codex  XI,  îjp  (N.  a.  iSSpJde  la  Biblio- 
thèque Barberini^  à  Rome,  Xill*^  siècle,  est  un  peu 
comme  le  précédent,  un  Sacrainentaire- Missel , 
avec  division  normale,  comme  n°  i.  Quelques 
mots  de  la  consécration  du  vin,  sanguinis  mei,  et 
pro  nobis  ^/manquaient  primitivement  ;  une  main 
du  XV®  au  XVI®  siècle  les  a  ajoutés  (3). 

4.  Le  Codex  XII,  4  (N.  a,  326),  même  Biblio- 
thèque que  le  précédent,  lui  ressemble  quant  à  la 
distribution  des  parties.  L'ordinaire  de  la  messe  a 

(i)  Ebner,  ozcvr.  cité,  pp.  1 59-161. 

(2)  Ebner,  Ibid.,  pp.  138-144.  La  fête  du  Cornus  Chrîstt 
ou  Fête-Dieu,  se  rencontre  très  fréquemment  dans  les  recueils 
du  XIV*  et  du  xv*  siècle.  Un  Missel  plénier  ambrosien  du  xiv% 
le  Codex  ^06  de  la  Bibliothèque  Vaticane,  fonds  Palatin, 
contient  le  décret  d'Institution  de  cette  fête.  Ebner,  Ibid.^ 
p.  25 1.  Ehrensberger^  Libri  Liturgici,  p.  440. 

(3)  Ebner,  ouvr.  cité^  p.  141. 


LE   MISSEL    ROMAIN  <S5 

quelques  formules  particulières  pour  l'oblation, 
comme  :  Tibi  Domine  creatori  meo,  hostiafn 
offero..,  Orate  pro  me peccatore  ut  ineuin  ac  ves- 
trum  sacrïficïum.  (  i  ) . .  . 

5.  Le  Codex  6o3  (B,  IV,  25)  de  la  Bibliotheca 
Casanatensis ,  à  Rome,  Xlir  siècle,  a  été  écrit  à 
Saint-Denys  de  Paris.  Tout  le  propre  du  temps 
se  suit  sans  interruption  depuis  le  i®''  dimanche  de 
l'Avent  jusqu'au  26^  dimanche  après  la  Pentecôte  ; 
viennent  les  préfaces  et  le  canon,  puis  le  propre 
des  saints  et  les  communs.  On  y  trouve  la  fête  du 
Saint  Sacremeiit  avec  octave;  messe  Cibavit ; 
puis  une  messe  en  l'honneur  de  saint  Louis,  roi 
de  France  :  Gaitdeamtcs  omnes  ;  ce  qui  place  le 
recueil  après  1297,  ^^^^  ^^  13.  canonisation  du 
Saint  par  Boniface  VIII  (2). 

6.  Le  Codex  Fol.  /^de  la  Bibliothèque  archié- 
piscopale d'Udine,  xm*  siècle,  est  un  Sacramen- 
taire  relié  avec  un  Graduel  et  à  Tusage  de  l'ordre 
Bénédictin.  Le  canon  est  au  début  ;  il  y  a  treize 
préfaces,  Noël,  Epiphanie,  Carême,  Jeudi  Saint, 
Pâques,  la  Croix,  Ascension,  Pentecôte,  Apôtres 
(deux),  Trinité,  Sainte  Vierge  et  préface  com- 
mune. On  retrouve  là  l'ancienne  distribution  du 
Sacramentaire.  Le  Graduel  est  relié  au  commence- 
ment :  il  est  précédé  d'un  Calendrier  où  les  noms 
suivants  doivent  être  comptés  parmi  les  plus 
récents,  saint  Adalbert,  saint  Thomas  de  Can- 
torbéry  (canonisé  en  1173),  saint  Henri,  empe- 
reur (canonisé  en  1146),  saint  Bernard  (canonisé 
en  II 74),  sainte  Cunégonde.  Un  supplément 
contient  la  messe  de  la  Conception  de  Marie  (3). 

7.  Le  Codex  Fol.  ij ,  même  Bibliothèque^  entre 
le  xii«  et  le  XIV«  siècle,  est  un  des  Missels  pléniers 
d'une  église  du  diocèse  d'Aquilée  ;  il  a  un  peu 

(i)  Ebner,  Ibid.,   pp.  144-326. 

(2)  Ebner,  Ibid. y  p.  i55. 

(3)  Ebner,  Ibid.,   p.  268. 


86  LE   MISSEL    ROMAIN 

la  distribution  des  Sacramentaires  où  pour  la 
partie  d'hiver  le  propre  des  saints  est  intercalé 
dans  le  propre  du  temps.  Il  comprend  plusieurs 
additions  (i). 

Ce  coup  d'oeil  sur  les  documents  conservés 
dans  les  bibliothèques  de  Rome  ou  de  l'Italie 
vient  de  faire  passer  sous  nos  yeux  des  manus- 
crits de  l'Ordre  Bénédictin  usités  à  Rome  ou  en 
Gaule.  Les  documents  qui  suivent  fourniront  une 
idée  de  la  pratique  de  la  Gaule,  d'Angleterre  ou 
d'AUemag-ne. 

8.  Le  Codex  lat.  iioS  à^  \2i  Bibliothèque  Natio- 
nale, Paris,  un  Missel  de  l'abbaye  du  Bec,  au 
XIII®  siècle,  présente  dans  son  calendrier  un  assez 
grand  nombre  de  saints  normands,  anglais  et 
français  dont  le  culte  était  particulièrement  en 
honneur  à  l'abbaye.  Février  et  mars  n'ont 
presque  pas  de  saints,  sans  doute  à  cause  du 
Carême.  Voici  quelques  particularités  :  on  trouve 
la  conversion  de  saint  Paul  au  25  janvier,  une 
translation  de  sainte  Marie-Madeleine  le  19  mars, 
saint  Cuthbert  le  20,  saint  Ambroise  le  4  avril, 
saint  Dunstan  le  19  mai,  saint  Augustin  de  Can- 
torbéry  le  26,  saint  Eloi  le  25  juin,  une  translation 
de  saint  Thomas  de  Cantorbéry  le  7  juillet,  saint 
Taurin,  évêque  d'Evreux,  le  1 1  août  (l'abbaye  était 
située  dans  le  diocèse  d'Evreux),  saint  Philibert 
le  20,  saint  Antonin^  martyr,  le  2  septembre,  saint 
Lambert,  évêque,  le  17,  saint  Léger,  le  2  octobre, 
les  saintes  reliques  du  Bec,  le  5,  saints  Chrysanthe 
et  Darie,  le  i*'^  décembre,  la  Conception  de  Marie, 
le  8,  saint  Thomas  de  Cantorbéry,  le  29  (2). 

9.  Le  Codex  18 ,  S,  îp  de  V Advocates' Library 
d  Edinburg,  désigné  sous  le  nom  de  Rosslyn 
Missal,  qui  fut  écrit  au  xiir-XW*"  siècle,  en  Irlande, 

(i)  Ebner,  Ibid.,  p.  269. 

(2)  Chan.  Porée,  Histoire  de  l'Abbaye  du  Bec,  t.  II,  p.  149 
et  Appendice  pp.  579-591. 


LE    MISSEL    ROMAIN  87 

pour  l'église  cathédrale  de  Saint-Patrice  fDozuu 
Patn'kJ.  Le  texte  est  de  provenance  anglaise  et 
peut  se  rattacher  à  un  document  du  Xir  siècle  qui 
marque  les  débuts  du  plénier.  Il  comprend  quatre 
parties  :  temporal,  sanctoral,  canon,  messes 
votives.  Le  temporal  s'arrête  au  dimanche  de  la 
Pentecôte,  est  suivi  de  la  fête  de  l'Invention  de 
la  Sainte  Croix  et  des  préfaces  ;  le  sanctoral  n'a 
qu'un  petit  nombre  de  saints,  on  y  remarque  les 
noms  de  Brigitte  au  i'^'"  février,  Patrice  au  17  mars, 
puis  les  fêtes  de  l'Exaltation  de  la  Sainte  Croix 
au  14  septembre,  saint  Michel  au  29,  la  Toussaint 
au  i*^'^  novembre.  Les  messes  votives  sont  plus 
abondamment  fournies  (i). 

10.  Les  usages  d'Angleterre,  comme  ceux  des 
autres  régions,  varient  un  peu  suivant  les  églises 
et  il  est  difficile  de  les  signaler  ici  en  détail  ;  on 
les  trouvera  dans  les  divers  documents  édités 
au  cours  des  dernières  années,  comme  sont 
le  Driunmoiid  Missal,  le  Aiissel  de  réglise  de 
Westminster,  etc.  D'autres  documents  restés  ma- 
nuscrits pourraient  nous  renseignersur  les  usages 
des  églises  de  Hereford,  York,  Salisbitry  (ou 
Sariùnt)^  etc.  L'usage  de  Sarttm  qui  devait  acqué- 
rir dans  la  suite  une  certaine  importance  est  bien 
reproduit  dans  un  document  du  xv°  siècle,  X Hain- 
bledon  Missal  :  le  calendrier  de  ce  Missel  donne 
une  mention  spéciale  à  saint  Hugues  de  Lincoln  : 
fête,  translation  de  ses  reliques,  dédicace  d'une 
église  en  son  honneur.  Une  seconde  main  a 
inscrit  les  fêtes  de  la  Visitation,  de  la  Transfigu- 
ration, du  Saint  Nom  de  Jésus.  Le  document  est 
divisé  comme  nos  Missels,  il  renferme  avant  le 
propre  des  saints  un  recueil  de  séquences  ;  comme 
en  beaucoup   de  manuscrits  de  la  même  époque, 


(i)    Le    document   a   été   édité   pour   la    Henry   Bradshazv 
Society  par  llugh  Jackson.  London,  iScjy. 


88  LE   MISSEL   ROMAIN 

il    y    a  la    notation    des   parties   chantées,    plus 
qu'aucun  autre  il  a  des  indicationsde  rubriques(i). 

11.  De  fait,  chaque  ég'lise  particulière  a  ses 
observances  ;  un  Missel  de  l'église  cathédrale  de 
Brescia(xiir-xiV''s.),le  Codex  2246 (S.  Salvat.  66p) 
à  la  Bibliothèque  de  l'Université  de  Bologne, 
contient  des  messes  pour  obtenir  la  préservation 
d'une  mort  subite  et  mentionne  les  indulgences 
accordées  par  Clément  V  (1342- 1352).  Conditions 
à  remplir  :  apporter  un  cierge  allumé  pendant 
cinq  jours  consécutifs.  La  messe  :  Recordare,  dite 
à  cette  occasion,  ne  figure  plus  aux  messes 
diverses  dans  le  Missel  romain  (2). 

12.  Dans  le  Codex  D.  y,  3  de  la  Biblîotheca 
Angelica,  à  Rome,  un  Sacramentaire  de  la  fin 
du  xif  siècle  à  l'usage  de  l'église  de  Jérusalem, 
on  trouve  beaucoup  de  détails  intéressants, 
notamment  les  noms  des  saints  patriarches, 
Abraham,  Isaac,  Jacob  pour  lesquels  il  y  a  des 
messes  votives,  les  noms  de  personnages  évan- 
géliques  comme  Cléophas  et  Zachée  ;  puis,  à  côté, 
des  saints  de  Gaule  comme  Albin  et  Maurille 
d'Angers,  Léger  d'Autun.  Au  8  décembre  est  la 
fête  delà  Conception  de  Marie.  Au  15  juillet  se 
trouve  une  fête  pour  célébrer  la  prise  de  Jérusa- 
lem par  les  chrétiens  (1099).  Un  supplément 
ajouté  au  XIV^  siècle  contient  le  Dies  irae  (3). 

13.  Le  Codex  110 y  Urbm,  de  la  Bibliothèque 
Vaticane,  manuscrit  du  XV^  siècle  provenant  de 
la  Bibliothèque  du  roi  de  Hongrie,  Mathias 
Corvin,    ressemble    beaucoup    à    notre    Missel. 

(1)  Woodsworth  et  Littlehales  :  The  old  service  books  of 
the  Eitglish  Chtirch,  pp.  lyS  et  seq.  L'usag-e  de  Saruin  est 
encore  donné  par  un  manuscrit  du  xv*  siècle  le  Codex  ^oi  de 
la  Bibliothèque  Vaticane  fonds  palatin.  Voir  Ehrensberger, 
ouvr.  cité,  p.  483. 

(2)  Ebner,  Ibid.,  p.  12. 

(3)  Ebner,  Ibid.,  p.  i35. 


LE    MISSKL    ROMAIN  89 

Cependant  il  indique  des  introïts  que  nous 
n'avons  plus  aux  mêmes  fêtes  :  Gaudeaimis  omnes 
pour  la  fête  de  la  Visitation  de  Marie  et  pour 
celle  de  saint  Louis,  roi  de  France  (i). 

14.  Le  Codex  N.  N.  654(583)  du  Mont-Cassin, 
Missel  plénier  du  XV^  siècle,  a  comme  messes 
votives  celles  en  l'honneur  de  la  Sainte  Vierge, 
de  saint  Antoine  de  Padoue,  de  la  Croix,  de  la 
Sainte  Trinité,  du  Saint-Esprit,  de  saint  Fran- 
çois, etc.  (2). 

Article  II.  —  Le  Missel  de  la  curie  romaine. 

Les  documents  de  cette  époque,  qui  renseignent 
sur  la  pratique  de  l'église  de  Rome,  portent  géné- 
ralement cette  indication  :  Ordo  mïssalïs  secuii- 
duin  consitetudinem  curiae  romanae.  La  plupart 
ont  aussi  les  mots  \  fratricut  minoriuit.  On  a  vu 
dans  V Histoire  du  Bréviaire  l'influence  exercée 
aux  xiir  et  XIV*  siècles  par  les  Franciscains  ou 
Frères  mineurs  pour  la  transformation  de  l'office 
divin  :  cette  influence  devait  avoir  un  contre- 
coup sur  le  Missel.  Néanmoins  en  ce  qui  con- 
cerne la  messe,  il  faut  atténuer  les  reproches 
adressés  à  ces  religieux  par  Raoul  de  Tongres. 
Saint  Grégoire  VII  (1073-1085)  dans  sa  réforme 
de  l'office  romain,  avait  en  vue,  avant  tout,  la 
chapelle  papale.  Les  Franciscains  adoptèrent  cet 
office  abrégé  après  une  révision  opérée  par  Hay- 
mon,  leur  général,  avec  l'approbation  des  souve- 
rains pontifes  (1277-1280).  Le  Missel  se  ressentit 
des  accroissements  donnés  au  calendrier,  au  pré- 
judice des  messes  de  férié,  mais  le  Grégorien 
d'Adrien  ne  fut  pas  autrement  atteint  :  on  peut 
s'en  rendre  compte  par  les  manuscrits  de  cette 
époque  (3).  Ce  qui  fut  modernisé  et  adapté  aux 

(i)  Ebner,  Ibid.,  p.  246  ;  oiivr.  cité,  p.  478. 

(2J  Ebner,  Ibid.,  p.  104. 

(3)  D.  Guéranger,  Institutions  liturgiques,  1. 1,  pp.  ozo-lil. 


QO  LE    MISSEL    ROMAIN 

circonstances  nouvelles  (éloignement  de  Rome, 
séjour  à  Avignon),  ce  fut  l'ancien  cérémonial  :  il 
y  eut  un  nouvel  tts âge  de  la  curie  romaine  comme 
on  peut  le  voir  en  parcourant  les  Ordines  Romani 
XIII  et  XIV.  Les  Franciscains  contribuèrent  à 
opérer  ce  changement  ;  de  plus,  ils  firent  entrer 
dans  le  calendrier  du  Missel  comme  dans  celui  du 
Bréviaire  un  grand  nombre  de  saints,  donnèrent 
aux  saints  de  leur  ordre  un  degré  qui  les  assimi- 
lait presque  aux  grands  mystères  de  la  vie  de 
Notre-Seigneur.  Ainsi,  non  seulement  la  fête  de 
saint  François  d'Assise  obtint  une  octave  privi- 
légiée, mais  aussi  la  translation  de  ses  reliques  ; 
également  les  fêtes  de  sainte  Claire,  de  saint  Ber- 
nardin et  de  plusieurs  autres  (i).  Les  Missels  de 
la  curie  romaine  comportent  une  augmentation 
du  nombre  des  séquences  (moins  pourtant  que 
les  Missels  de  l'Ordre  dominicain)  ;  on  y  constate 
aussi  l'augmentation  du  nombre  des  rubriques 
insérées  dans  l'ordinaire  delà  messe,  elles  passent 
ainsi  des  Ordines  Romani  A'diWs  le  Missel  ;  la  cou- 
leur des  ornements  y  est  indiquée  pour  les  divers 
temps  de  l'année  liturgique.  Notons  à  ce  sujet 
qu'au  XIII®  siècle  le  noir  était  employé  pour  les 
jours  où  nous  nous  servons  maintenant  d'orne- 
ments violets  ;  un  peu  plus  tard  le  noir  fut  affecté 
exclusivement  aux  offices  et  aux  messes  pour  les 
défunts  (2). 

11  faut  renoncer  à  donner  la  nomenclature  des 
Missels  manuscrits  durant  les  deux  ou  trois  siècles 
qui  précèdent  immédiatement  l'invention  de 
l'imprimerie  ;  ces  documents  deviennent  par  trop 
nombreux    et    il    n'est    point    de    bibliothèque 

(i)  D.  Baumer,  Histoire  du  Bréviaire  (trad.  Biron),  t.  II, 
p.  71. 

(2)  Voir  VOrdo  Romanus  XIII  et  XIV ;  puis  un  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  Nationale  de  Naples,  le  Codex  VI.  G.  ;^8, 
Ebner,  ouvr.,  cité,^.  120. 


LE    MISSEL    ROMAIN  9I 

publique  qui  n'en  ait  conservé  au  moins  quel- 
ques-uns. Nous  nous  bornerons  à  signaler,  siècle 
par  siècle,  ceux  où  l'on  peut  relever  quelque  par- 
ticularité. 

i.xiir  SIÈCLE.  —  Le  Codex  3j6  de  la  Biblio- 
theca  Corsimaua,  à  Rome,  porte,  dans  les  litanies 
du  Samedi  saint,  les  noms  de  saint  François  d'As- 
sise et  de  saint  Antoine  de  Padoue.  Ce  dernier  a 
une  messe  spéciale  ;  quant  à  saint  François,  on  lit 
au  4  octobre  une  messe  qui  doit  servir  pour 
toutes  ses  fêtes.  Après  les  Messes  votives,  une 
main  plus  récente  a  écrit  le  Stabat  Mater  (i). 

Dans  le  Codex  20-f()  de  la  Bibliothèque  Vati- 
cane  figure  la  messe  du  roi  saint  Louis,  canonisé 
en  1297  ;  après  le  calendrier,  viennent  les  prières 
pour  l'eau  bénite  et  l'aspersion  qui  se  fait  chaque 
dimanche  :  Asperges  me,  ou  Vidi  aquain.  Des 
additions  du  XIV®  et  XV®  siècle  concernent  saint 
Pierre,  martyr,  de  l'Ordre  des  Frères  prêcheurs 
(29  avril),  sainte  Eugénie  (5  mai),  invention  (ou 
plutôt  apparition)  de  saint  Michel  (8  mai),  saint 
Paulin  (22  juin),  dédicace  de  Sainte-Marie-Majeure 
et  saint  Dominique  (5  août),  saint  François  d'As- 
sise (4  octobre),  Conception  de  Marie  (8  dé- 
cembre). Et  encore,  au  19  mai,  un  saint  Pierre, 
confesseur,  canonisé  en  1313;  au  20  mai,  saint 
Bernardin,  canonisé  en  1450;  au  2  juillet,  la  Visita- 
tion de  Marie  ;  au  26  juillet,  sainte  Anne,  mère  de 
la  Sainte  Vierge  ;  au  12  août,  sainte  Claire;  au 
19  août,  saint  Louis,  évêque,  canonisé  en  1317  ; 
au  16  octobre,  sainte  Justine  ;  au  19  novembre, 
sainte  Elisabeth  et  saint  Pontien  (2). 

Le  Codex  VI,  G.  38,  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale de  Naples  a,  dans  son  calendrier,  pour 
le  7  mars,  saint  Thomas  d'Aquin  ;  pour  le  9  mai, 

(i)  Ebner,  Ibid.,  p.    167. 

(2)  Ebner,  oiror.,  cité,  p.  244. 


92  LE   MISSEL    ROMAIN 

une  translation  de  saint  Nicolas  ;  pour  le  13  juin, 
saint  Antoine  de  Padoue.  Une  seconde  main  a 
ajouté,  à  la  fin  du  recueil,  la  messe,  alors  récente, 
pour  la  solennité  du  Corpus  Christi,  telle  que 
l'a  prescrite  le  pape  Urbain  IV.  L'ordinaire  de 
la  messe  y  renferme  bon  nombre  de  rubriques  ; 
elles  sont  en  substance  celles  de  notre  Missel, 
mais  un  peu  plus  détaillées  et  avec  quelques  par- 
ticularités. Ainsi  après  :  Orainus  te,  etc.,  le  prêtre 
monte  à  l'autel,  le  baise,  puis  donne  la  paix  au 
diacre  et  au  sous-diacre  avant  de  faire  l'encense- 
ment ;  il  dit  V Bitroït  avec  ses  ministres,  donne  la 
bénédiction  au  diacre  avant  que  celui-ci  ait 
récité  :  Mtnida  cor  meum,  se  lave  les  mains  avant 
de  faire  l'offrande  des  dons,  dit  l'oraison  :  Placeat 
après  avoir  donné  la  bénédiction  et  répète  encore 
cette  même  oraison  après  l'antienne  :  Trium 
ptterorum  (i). 

2.  Entre  le  xiii^  et  le  xiv''  siècle.  —  Il  faut 
noter  encore  des  indications  nouvelles  dans  les 
calendriers  placés  en  tête  des  recueils.  Celui  du 
Codex  E.  î ,  de  la  bibliothèque  de  Saint-Pierre^  à 
Rome,  porte^  en  seconde  main,  les  fêtes  de  saint 
François  d'Assise,  sainte  Claire,  sainte  Elisabeth 
(en  rouge),  saint  Dominique  ;  puis,  en  supplé- 
ment, sainte  Eulalie,  martyre  de  Barcelone 
(12  février),  saint  Pierre,  martyr  de  l'Ordre  des 
Frères  Prêcheurs  (29  avril)  ;  un  saint  Pierre, 
confesseur,  de  l'ordre  des  Frères  mineurs  (17  mai  : 
peut-être  est-ce  Pierre  de  Sienne,  mort  le  4  décem- 
bre 1289)  5  ^3.  fête  de  Notre-Dame  des  Neiges 
(5  août)  ;  la  dédicace  des  basiliques  de  Saint- 
Pierre  et  de  Saint-Paul  (18  sept.);  il  faut  noter 
l'absence  de  saint  Thomas  d'Aquin.  Dans  l'ordi- 
naire de  la  messe,  il  n'y  a  pas  de  Lavabo  après 
l'offertoire  (2). 

(i)  Ebner,  Ibid.,  pp.   120  et  3 1 3-3 17. 
(2)  Ebner,  Ibid.,  p.  176. 


LE    MISSEL    ROMAIN  çS 

vSaint  Thomas  d'Aquin  manque  encore  dans  le 
Codex  E  (),  de  la  même  bibliothèque  ;  mais  un 
supplément  y  fait  mention  de  saint  Médard  et  de 
la  Conception  de  Marie  (i). 

Dans  le  Codex  5o8  de  la  Bibliothèque  Vaticane, 
fonds  palatin,  on  trouve  des  messes  de  férié  pour 
l'Avent  et  le  Carême  ;  celles  de  la  Semaine  sainte 
sont  mises  à  part  (2). 

Sont  à  signaler  dans  le  calendrier  du  Codex  2048 
de  la  Bibliothèque  Vaticane,  fonds  de  la  Reine, 
les  saints  dont  les  noms  suivent  :  27  janvier,  saint 
Chrysostome  et  saint  Julien  du  Mans  ;  au  9  février, 
saint  Savin  évêque  ;  au  16  février,  sainte  Julienne  ; 
au  23  février,  sainte  Romaine,  vierge  et  martyre 
(de  Todi)  ;  au  15  mai,  saint  Valentin  (n'est  pas 
autrement  spécifié)  ;  au  16  mai,  saint  Ubald  ;  au 
19  mai,  saint  Pierre  Célestin  (pape  de  1292  à  1294); 
au  3  juin,  saints  Laurentin  et  Pergentin  ;  au 
15  juin,  saints  Vite,  Modeste  et  Crescence  ;  au 
30  juin,  saint  Fortunat;  au  3  juillet,  saint  Mustiole; 
au  15  juillet,  la  division  des  douze  Apôtres  ;  au 
2  août,  l'indulgence  de  laPortioncule  ;  au  5  août, 
saint  Dominique  (au  Xlll^  siècle  puis  au  XIV^  Notre- 
Dame  des  Neiges)  ;  au  9  août,  vigile  de  saint  Lau- 
rent et  saint  Romain  (de  Lucques)  ;  au  19  août, 
saint  Louis,  évêque  et  confesseur  (de  Toulouse, 
de  l'Ordre  des  Frères  Mineurs,  canonisé  en  1317)  ; 
au  i^'"  septembre,  les  Douze  frères  et  saint  Gilles, 
abbé;  au  7  septembre,  vigile  de  sainte  Marie, 
au  16  octobre,  saint  Gall  ;  au  21  octobre,  les  onze 
mille  vierges  ;  au  30  octobre,  saint  Germain, 
évêque  de  Capoue  ;  au  7  novembre,  décollation 
de  saint  Erculaniis  ;  au  9  et  au  18  novembre, 
deux  fêtes  de  Dédicace.  De  plus,  dans  ce  docu- 


(i)  Ebner,  Ibid.,  p.  181. 
(2)  Ebner,  Ibid.,  p.  252, 


94  LE   MISSEL    ROMAIN 

ment,  l'ordinaire  de  la  messe  renferme  d'abon- 
dantes rubriques  (i). 

3.  xiV  SIÈCLE.  —  Nous  nous  contentons  d'un 
simple  renvoi  aux  documents  que  mentionne 
Ebner  (2)  ;  il  y  a,  d'ailleurs,  peu  de  particularités 
nouvelles  à  signaler,  comme  la  présence  de  saint 
Romuald  au  19  juin,  l'indication  de  séquences 
pour  les  grandes  fêtes  et  le  commun  des  saints  : 
celle  de  la  Visitation  de  la  Sainte  Vierge  com- 
mence par  ces  mots  :  Vent,  praecelsa  Domina  (3). 

4.  XV^  SIÈCLE.  —  Au  Codex  E,  6  de  la  Biblio- 
thèque de  Saint-Pierre  à  Rome,  figurent  des  fêtes 
romaines,  comme  celle  de  saint  Léon  IX  (f  ^054) 
au  19  avril;  puis  la  dédicace  de  la  basilique  de 
Jérusalem,  au  20  mars  (4). 

Le  Codex  iço6  B,  II,  <5'de  la  Bibliotheca  Casa- 
natensis,  à  Rome,  mentionne  une  translation  de 
saint  Augustin  au  28  février  et  au  11  octobre, 
puis  la  fête  de  sainte  Monique  (5). 

Le  Codex  B.  68  de  la  Bibliothèque  de  Saint- 
Pierre  de  Rome,  dit  de  saint  Bernardin  de  Sienne, 
au  20  mai,  qu'il  fut  canonisé  sous  le  pontificat 
de  Nicolas  V,  en  1450;  —  le  Codex  lat,  Ç243 
de  la  Bibliothèque  Vaticane  donne  au  10  septem- 
bre saint  Nicolas  de  Tolentin  (f  1308),  canonisé 
en  1448. 

Le  Codex  Soo  de  la  Bibliothèque  Vaticane, 
fonds  palatin,  écrit  pour  les  Ermites  de  Saint- 
Augustin,    vers    13 14,    avec    des    additions   du 


(i)  Ebner,  oîtvr.  cité,  pp.  242  et  349. 

(2)  Ebner,  Ibid.,  pour  Rome,  voir   pp.  168,  172,  173,  174, 
180,  193,  2o3  ;  et  pour  l'Ialie,  pp.  6,  117,  276,  278. 

(3)  Ebner,  Ibid.,  p.  172. 

(4)  Ebner,  Ibid.,  p.  179. 

(5)  Ebner,  Ibid.,  p.  175   et    229.  Ehrensberger,  07rjr.   cité, 
p.  442. 


LE   MISSEL    ROMAIN  9S 

XV^  siècle,  renferme  comme  nouveaux  détails  : 
un  bon  nombre  de  séquences  dont  celle  de  Noël  : 
Grates  niuic  n'a  pas  encore  été  mentionnée  ;  le 
fréquent  emploi  de  V Introït  :  Gatcdeainus  ;  une 
messe  votive  du  Saint-Esprit  avec  V Introït  :  Dum 
Sanctijîcatîcs  fnero  ;  une  autre  en  l'honneur  de  la 
croix  :  Nos  auteut  gloriari  ;  une  messe  des  cinq 
plaies  avec  séquence  :  Laus  sit  tïbi [i). 

Le  Codex  221  de  la  Bibliothèque  Vaticane, 
aussi  à  l'usage  des  Ermites  de  Saint- Atigicstm  (2) , 
renferme  :  <2^  à  la  suite  du  calendrier,  une  table 
des  messes  et  un  exposé  des  rubriques  à  obser- 
ver suivant  le  degré  des  fêtes,  puis  la  formule 
pour  la  bénédiction  des  maisons  le  Jeudi  saint 
et  les  prières  avant  et  après  la  messe  ;  —  ^^  le 
propre  du  temps  qui  commence  au  i""^  dimanche 
de  l'Avent  et  se  termine  au  24^  dimanche  après  la 
Pentecôte  ;  il  contient  un  certain  nombre  de 
séquences  ;  —  c)  les  rubriques  g-énérales  et  l'or- 
dinaire de  la  messe  ;  après  le  Sanctus  sont  mar- 
qués les  divers  tons,  pour  Gloria  in  excelsis,  Ite 
inissa  esi^  Benedicamus  Domino,  Credo,  Requies- 
cant  in  pace,  Hnmiliate  capita,  Flect amies  genua. 
Suit  le  canon  de  la  messe.  Ces  divers  points  sont 
intercalés  dans  le  propre  du  temps,  après  le 
samedi  saint  ;  —  djX"^  suite  du  propre  du  temps  : 
à  leur  place  actuelle  sont  les  deux  fêtes  de  la 
Très  Sainte  Trinité  et  du  Corptcs  Christi ;  —  e)  le 
propre  des  saints  depuis  la  vigile  de  saint  André 
jusqu'à  sainte  Catherine  :  là  aussi  beaucoup  de 
séquences  ;  une  messe  en  l'honneur  de  la  sainte 
Couronne  ;  — f)  les  divers  communs,  les  messes 
votives  pour  intentions  spéciales,  enfin  les  messes 
des  défunts. 

(i)  Ebner,  Ibid.,  p.  25i  ;  Ehrensberger,  Ibid.,  p.  442. 

(2)  Le  titre  de  ce  document  l'indique  comme  Missel  con- 
forme à  la  pratiqtie  de  la  curie  romaine.  Voir  Ebner, 
Ibid.,  p.  23o  ;  Ehrensberger,  Ibid.,  p.  444. 


9^  LE   MISSEL    ROMAIN 

Un  supplément  de  la  même  époque  donne  les 
messes  pour  la  Présentation  de  Marie,  les  saints 
Festus  et  Didier,  le  saint  Nom  de  Jésus,  la  sainte 
Face  du  Sauveur,  une  messe  de  la  Passion,  une 
autre  en  l'honneur  des  Joies  de  Marie,  une  autre 
de  saint  Raphaël. 

Article  III.  —  Le  Missel  de  quelques 

églises  particulières 

et  des  Ordres  religieux. 

On  a  remarqué  que  des  particularités  sub- 
sistent dans  les  documents  du  xir  et  du  xiil'^  siècle 
pour  l'ordinaire  de  la  messe  et  spécialement  pour 
les  prières  du  début,  quelques  formules  de  l'offer- 
toire et  les  prières  qui  suivent  le  Pater,  Cependant 
le  canon  reste  définitivement  fixé  pour  toutes  les 
liturgies  de  l'Occident.  Les  particularités  vont  se 
maintenir  dans  la  pratique  de  quelques  églises  et 
des  ordres  religieux  fondés  à  cette  époque  (à 
l'exception  des  Franciscains)  ;  elles  survivront  à 
l'œuvre  d'unité  liturgique  demandée  par  le  saint 
concile  de  Trente  et  accomplie  sous  le  Pontificat 
de  saint  Pie  V.  Au  fond,  elles  ne  forment  qu'une 
variété  de  la  liturgie  romaine  et  ne  constituent  pas 
des  liturgies  à  part,  comme  furent  la  liturgie  am- 
brosienne  et  la  liturgie  mozarabe  :  on  a  pu  les 
appelei  des  liturgies  roinano- françaises ,  nées  de 
la  fusion  de  l'élément  gallican  dans  l'élément 
romain  ;  la  liturgie  romaine  actuelle  en  est  là, 
mais  dans  une  moindre  proportion,  on  sait  qu'elle 
aussi  a  reçu  des  additions  venues  de  Gaule  (i). 

Par  un  certain  côté,  les  particularités  en  ques- 
tion appartiennent  à  l'histoire  générale  du  Missel 
et  il  convient  d'en  dire  ici  quelques  mots.  On  les 
trouve  dans  les  églises  de  Milan,  de  Paris  et  de 

(  I  )  Du  Lac,  La  liturgie  romaine  et  les  liturgies  françaises  ^   \ 

p.  2i5.  I 


LE   MISSEL    ROMALN^  97 

Lyon,  puis  dans  les  ordres  relig-ieux  des  Carmes, 
des  Chartreux,  des  Prémontrés  et  des  Dominicains. 
Quant  aux  Franciscains,  on  a  vu  comment  ils  se 
rallièrent  à  la  pratique  romaine  et  contribuèrent 
à  la  formation  du  Missel  de  la  curie. 

I.  Egijshs  particulières.  —  I.  J///<^;/ ;  plus 
d'une  fois  déjà  il  a  été  question  de  la  liturgie  am- 
brosienne  ;  on  a  vu  que  sur  plus  d'un  point  elle  est 
en  conformité  avec  la  romaine,  notamment  pour 
le  canon  et  pour  un  grand  nombre  d'introïts, 
d'oraisons,  d'épîtres  et  d'évangiles.  Les  Milanais 
ont  toujours  montré  un  grand  zèle  pour  la  conser- 
vation de  leur  rite,  et  sauf  l'addition  de  fêtes  nou- 
velles, ils  l'ont  fidèlement  gardé  dans  son  inté- 
grité ;  on  les  a  vus  lutter  au  Vlir  siècle  contre 
Adrien  P"*  soutenu  par  Charlemagne,  au  XI®  siècle 
contre  Nicolas  II  soutenu  par  saint  Pierre  Damien, 
enfin  au  xv^  siècle  contre  Eugène  IV.  Les  papes 
ayant  ensuite  expressément  approuvé  la  liturgie 
ambrosienne,  saint  Charles  Borromée  pouvait 
dire  au  XVI®  siècle  :  «  Cette  liturgie  est  moins  mila- 
naise que  romaine  5>  (i).  Si  nous  revenons  dans  cet 
article  sur  la  liturgie  de  Milan,  c'est  à  cause  des 
points  de  contact  qu'ont  avec  elles  les  liturgies  de 
Paris,  Lyon,  etc.  —  A.  Début  de  la  messe,  A  Milan, 
comme  ailleurs,  l'antienne  Introibo  a  amené  la 
récitation  de  tout  le  psaumey//(^/<f^  ///^auquel  elle 
est  empruntée  :  suit  le  verset  Confitentiiii Domino 
quoniam  bonus,  puis  le  Confiteor,  Après  la  Confes- 
sion du  servant,  le  Prêtre  dit  :  Adjutorium  nos- 
truin..,  Sït  nomen  Domini  benedicfum...  puis 
en  montant  à  l'autel,  il  récite  une  première  orai- 
son :  Rogo  te  Aliissiine  ...  et  O ranius  te  {2) .  Toutes 

(i)  Du  Lac,  ouvr.  cilé^  p.  107  et  li.)na  :  Reruni  liùurgica- 
rum  libyi  duo  (cdition  Sala),  t.    1,  p.    iS.L 

^2)  O.i  reiuir(|uera  ici  une  viriante  de  certains  manuscrits  : 
ainsi  le  Codex  //.  2^^  de  la  liiljliotlièque  Ambrosienne,  déjà 
mentionnée,  donne  :  Aufer  a  nobis  au  lieu  de  :  Rogo  le  altis- 

M:   MISSE!-   U'OM.MN-,    —  Toino   II.  7 


98  LE    MISSEL    ROMAIN 

les  fois  qu'il  baise  l'autel,  le  célébrant  commence 
par  faire  sur  l'autel  même  un  signe  de  croix  avec 
le  pouce  droit.  —  B.  Après  le  Pater,  au  moment  où 
se  dit  l'Oraison  dominicale,  l'ordre  des  cérémo- 
nies est  modifié  de  la  façon  suivante  :  a)  fraction; 
—  b)  Coimnixtion  des  saintes  espèces  ;  —  cj  Pater 
nos  ter  ;  —  dj  baiser  de  paix  (i). 

2.  Paris.  D'après  Bona  (2),  les  rites  spéciaux 
de  la  messe,  dans  cette  église,  ne  paraissent  pas 
avoir  été  bien  nombreux.  Les  prières  pour  revêtir 
les  ornements  ne  sont  pas  celles  qui  sont  entrées 
dans  l'usage  commun  ;  au  bas  de  l'autel,  après 
avoir  récité  ;  Introibo  Q.tjudica  7ne,  le  prêtre  dit  : 
Kyrie. . .  Pater  noster. . .  Cofifitemiiii Domino . . .  puis 
le  Confiteor  dont  la  formule  diffère  un  peu  de  la 
nôtre,  comme  d'ailleurs  au  Milanais.  —  Avant  de 
donner  la  paix,  le  célébrant  baise  l'hostie  même 
et  non  l'autel,  la  première  des  oraisons  qui  pré- 
cèdent la  communion  est  spéciale  à  cette  église, 
on  n'y  dit  pas  la  formule  Perceptio.  La  bénédiction 
finale  se  donne  en  la  forme  dont  usent  maintenant 
les  prélats;  enfin  le  prêtre  récite  le  commencement 
de  l'Evangile  selon  saint  Jean  en  quittant  les  orne- 
ments sacerdotaux.  Aux  trois  messes  de  Noël,  on 
a  deux  Epîtres,  l'une  de  l'Ancien,  l'autre  du  Nou- 
veau Testament  ;  il  y  a  des  proses  pour  toutes  les  i 
fêtes,  pour  chaque  jour  des  octaves  de  Pâques  et 
de  la  Pentecôte  ;  même  aux  dimanches  après  ' 
Pâques,  on  dit  une  partie  du  Victiinae pasckali^n  | 
commençant  à  ces  mots  :  Agnus  redemit  oves. 

3.  Lyon.  Plus  nombreux  sont  les  usages  spé- 
ciaux de  cette  église  ;  tandis  que  ceux  de  Paris, 

sime.  Ebner,   otivr.  cité,  p.    3o6.  On   trouve   dans   ce   même 
document  les  particularités  de  l'ofFertoire. 

(i)  Bona,    ouvr.   cité,  t.  I,  p.    i85.  Cuthbert  Atchley  :   Tke 
Ambrosian  liturgy,  pp.  i-85. 

(2)  Bona,  Jbid.y  t.  I,  p.  259. 


LE   MISSEL   ROMAIN  99 

ont  disparu,  ceux  de  Lyon  se  sont  maintenus  jus- 
qu'à nos  jours,  grràce  au  privilèg"e  d'exception 
concédé  par  la  Bulle  de  promulgation  du  Missel 
romain  sous  saint  Pie  V.  Pourtant  Lyon  ne  peut 
produire  de  livres  liturgiques  antérieurs  au 
XI^  siècle  (i).  Un  des  plus  anciens  paraît  être  le 
manuscrit  ^Sj  de  la  Bibliothèque  de  cette  ville, 
un  Missel  plénier  d'origine  lyonnaise,  comme  en 
fait  foi  le  texte  de  ses  litanies  au  Samedi  saint  (2). 
Dans  le  Codex  XII  2  (N,  a.  i863)  de  la  Biblio- 
ihèque  Barbermi,  à  Rome,  Ebner  (3)  a  cru  recon- 
naître un  Missel  plénier  de  l'église  de  Saint-Michel 
de  Lyon.  Le  calendrier  porte  le  nom  de  plusieurs 
évêques  de  cette  ville  (notamment  saint  Irénée), 
de  divers  saints  dont  l'église  en  question  possède 
des  reliques  ;  les  noms  des  saints  Bernard,  Claude, 
Anne,  Dominique,  Andéol,  ont  été  ajoutés  au 
XIV^  siècle.  La  Conception  de  Marie  figure  au 
8  décembre. 

Ce  qui  intéresse  ici  davantage,  c'est  l'ordinaire 
de  la  messe  :  le  voici  d'après  D.  Martène.  — 
A.  Début  de  la  messe  :  Introïbo,  sans  le  psaume 
Jîidîca  me  ;  puis  les  deux  versets  :  Pone,  Domaine, 
custodïafn...  Confitemïnï  Domino,  le  Coitfiteor 
avec  cette  introduction  :  Ego  reus  et  indignus. 
Après  Misereatur  et  htdulgentiam,,  le  prêtre  dit 
les  versets  :  Adjutorium  nostrum.,,  Sit  nomen 
Dom^ini benedictMin..,  un  autre  verset  :  Pœniten- 
tiam,  pro  peccatis  mets  auquel  on  répond  par  le 

(i)  D.  Guéranger,  Institutions  liturgiques,  t.  III,  p.  3io. 
Il  est  vrai  qu'au  ix*  siècle  Agobard  contribua  à  conserver  dans 
l'église  de  Lyon  le  rite  romain,  tel  qu'il  avait  été  adopté  à  la 
fin  du  vin*  siècle  ;  mais  son  influence  se  fit  particulièrement 
sentir  pour  empêcher  l'introduction  des  textes,  autres  que  ceux 
tirés  de  l'Ecriture,  dans  les  formules  de  la  liturgie.  Voir  D.  Bau- 
mer,  Histoire  du  Bréviaire  (trad.  Biron),  t.  II,  p.  36. 

(2)  Delisle,  Anciens  Sacramentaires,  n*  cxiii,   p.  278. 

(3)  Ebner,  ouvr.  cité,  pp.  141  et  324. 


lOO  LE   MISSEL   ROMAIN 

Paternoster  ^X.  Deo  gratias.  Le  prêtre  ajoute  :  Et 
vobis,  récite  Ave  Maria.  Rf  Deo  gratias.  Puis  il 
monte  à  l'autel,  le  baise,  ouvre  le  missel  à  l'endroit 
où  se  trouve  le  Crucifix,  dit  Adoramuste^..,  baise 
les  pieds  du  Crucifix,  dit  :  Adjîitorium  nostrum, 
et  récite  V Intro'ït.  Pour  le  Doimnus  vobiscuiUy 
l'usage  de  Lyon  veut  que  le  célébrant  reste  tourné 
vers  l'autel  pour  dire  :  Doimnus  et  se  tourne  seu- 
lement vers  les  fidèles  quand  il  dit  :  vobiscuut.  La 
bénédiction,  avant  la  lecture  ou  le  chant  de  l'évan- 
gile, a  une  formule  différente  de  la  nôtre  :  ainsi, 
à  la  messe  basse,  le  prêtre  dit  :  Corroboret  Doini- 
nits  sensîiui  inemit  et  labîa  i7tea  ut  proiiîintiein 
verba  Ev  ange  lit.  —  B.  Offertoire.  Le  prêtre  récite 
d'abord  l'antienne,  puis  prononce  la  formule 
Quid  retribiiain  Domino,  etc.  Prenant  alors  le 
calice,  dans  lequel  on  a  mis  préalablement  le  vin 
et  l'eau  (i),  et  sur  lequel  se  trouvent  la  patène  et 
l'hostie,  il  fait  l'offrande  des  dons  avec  la  formule  : 
Hanc  oblationent.  Il  pose  le  calice  et  tenant  la 
patène,  il  ajoute  :  In  spiritu  kuinih'tatis .  Il  place 
ensuite  l'hostie  en  avant  du  calice,  recouvre  celui- 
ci  avec  le  corporal  et  se  lave  les  mains  au  coin  de 
l'Epître  en  disant  le  Psaume  :  Lavabo.  En  revenant 
vers  le  milieu  de  l'autel  le  prêtre  dit  :  Venisancte 
spirituSy  reple  iiLoriint...  s'incline  au  milieu  pour 
réciter  Suscipe  sancta  Trinitas  (dans  cette  prière 
on  fait  mention  de  la  Sainte  Vierge,  de  tous  les 

(i)  Les  documents  que  nous  avons  sous  les  yeux  ne  pré-l 
cisent  pas  le  moment  où  le  prêtre  met  le  vin  et  l'eau  dans  le 
calice  :  nous  sommes  incliné  à  croire  que  la  cérémonie  s'ac- 
complissait dès  le  début,  comme  on  le  voit  encore  de  nos  jours. 
Ce  qui  nous  rend  hésitant,  c'est  que  le  Codex  XII,  2  de  la 
Bibl.  Barberini  donne  la  formule  du  mélange  :  De  latei'e, 
D.  N.  J.  C.  entre  la  formule  pour  la  lecture  de  l'Evangile  et 
Hanc  oblationem.  Peut-être  le  vin  avait-il  été  versé  dans  lé 
calice  au  commencement,  et  attendait-on  le  moment  de  l'offer-j 
toire  pour  y  mêler  un  peu  d'eau  en  disant  :  De  latere  D.N.  J,  C. 
exivit,  etc.  Voir  plus  bas,  le  rite  des  Chartreux,  p.  io3. 


^7      ■• 


LE    MISSEL    ROMAIX  10 1 

saints,  du  saint  dont  on  fait  la  fête,  de  ceux  dont 
les  reliques  sont  dans  la  pierre  sacrée).  Puis  le 
prêtre  se  relève,  fait  un  signe  de  croix  sur  l'hostie 
en  disant  :  In  nomine  Patris,  etc.,  se  retourne,  dit  : 
Orate  pro  me  fraires,  ut  vestricm  sacrificniift 
acceptabilejîat  a)ite  conspecittin  Dornùii.  PerChris- 
tum...  Actuellement,  aux  fériés  de  Carême,  dans 
l'église  primatiale  de  Lyon,  on  conserve  un  sou- 
venir de  l'ancienne  offrande,  les  deux  premiers 
prêtres  de  chaque  côté  du  chœur,  offrent  à  l'autel 
du  pain  et  du  vin.  —  C.  Après  le  Pater  :  le  prêtre 
ayant  dit  :  Pax  Dojmni,  conserve,  entre  les  doigts, 
la  parcelle  sacrée  pour  dire  trois  fois  :  AgiiMS  Dei ; 
il  la  laisse  ensuite  tomber  dans  le  calice  en  disant  : 
Haec  sacrosancta  coutinixtio  ;  puis  il  récite  trois 
oraisons  avant  la  communion,  mais  la  troisième 
diffère  de  la  nôtre  et  commence  ainsi  :  Domine 
sancte  Pater  omnipotens ,  da  mihi  corpîis . . .  Immé- 
diatement avant  la  Communion,  au  lieu  de  P^;/^;/^ 
cœlestem  et  Domine  non  sum  digmcs,  le  prêtre 
récite,  en  se  frappant  la  poitrine,  les  versets  : 
Averte  faciem  tuam  apeccatis  fneis. . .  Cor  mundttm 
créa  in  me  Deics...  Ne  projicias  me.,,  puis  il  fait 
une  génuflexion  en  disant  :  Redde  mihi  lœtitiam 
salutaris  tui,  prend  la  patène  et  l'hostie,  et  dit  : 
Corpus  Domini. . .  Quand  il  a  pris  le  précieux  sang, 
il  récite  :  Perceptio  corporis  tui...  Quod ore su7np- 
simus...  Qui m^anducat  meam  carnem...  Verbum 
caro  factumest...  enfin  le  cantique  :  Nunc dintittis 
le  tout  pendant  les  dernières  ablutions...  Après 
les  dernières  oraisons,  et  le  congé  donné  aux 
fidèles,  le  prêtre  s'incline  au  milieu  de  l'autel,  dit  : 
Placeat,  baise  l'autel,  quitte  la  chasuble,  récite 
l'évangile  :  In  principio,  l'oraison  :  Protector  in 
te  sperantium^  enfin  le  cantique  Benedicite  (i). 

(i)  D.  Martène  :  De  Antlqtiis  Ecclesiae  ritibus,  t.  I, 
p.  238.  Pour  les  autres  détails  de  la  grand'messe,  voir  le 
Cérémonial.  Aujourd'hui,  l'usage  lyonnais  est  un  peu  différent 
de  celui  que  nous  expose  D.  Martène. 


I02  LE   MISSEL    ROMAIN 

II.  Ordres  religieux. —  L'exposé  détaillé  de  la 
messe  lyonnaise  était  nécessaire  pourTintelligence 
de  ce  que  l'on  va  dire  des  religieux.  De  fait,  c'est 
la  liturgie  romano-française  et  plus  spécialement 
la  liturgie  de  Lyon  qui  fournit  aux  Carmes,  Char- 
treux, Prémontrés  et  Dominicains  leurs  particula- 
rités dans  la  célébration  de  la  messe.  —  i .  Cannes, 
Il  n'entre  pas  dans  notre  plan  d'examiner  l'anti- 
quité de  ces  religieux  :  nous  les  prenons  au  moment 
où  ils  vont  s'établir  en  Europe.  Après  la  prise 
de  la  Ville  Sainte  par  les  Croisés,  ils  adoptèrent 
la  liturgie  que  suivait  l'église  latine  de  Jérusalem, 
puis  apportèrent  avec  eux  cette  liturgie  en  Occi- 
dent. Comparaison  faite  avec  les  livres  liturgiques 
français  du  XII^  siècle,  on  trouve  que  la  liturgie  des 
Carmes  leur  doit  bon  nombre  de  pratiques  (i). 

2.  Chartreux.  Les  Coutumes  de  Chartreuse, 
rédigées  au  Xir  siècle  par  Dom  Guigues, 
permettent  de  constater  une  grande  conformité  du 
Missel  carthusien  avec  les  Missels  de  Grenoble  et 
de  Lyon.  —  A.  Les  prières  du  début  de  la  tnesse 
sont  celles  de  Lyon  ;  le  prêtre  les  récite  au  côté 
septentrional  entre  le  chœur  et  l'autel,  puis  il  lit 
au  côté  de  l'Epître,  non  seulement  V Introït,  les 
oraisons  et  les  lectures,  mais  aussi  le  Kyrie  et  le 
Gloria  in  excelsis,  il  porte  lui-même  le  Missel 
fermé  du  coin  de  l'Epître  à  celui  de  l'Evangile. 
Les  Chartreux  n'admettent  dans  leur  liturgie 
aucune  prose  ni  séquence,  ils  chantent  tous 
ensemble  le  Credo.  Pendant  le  Credo,  après  Et 
incarnatus  est,  le  prêtre  se  lave  les  mains  en  réci- 
tant deux  ou  trois  versets  du  Psaume  Lavabo, 
reçoit  la  bourse  des  mains  du  Diacre  et  va  lui- 
même  étendre  le  corporal  sur  l'autel  (2). 

(i)  Du  Lac,  ouvr.  cité,  p.  i36.  Sur  la  question  de  l'antiquité 
de  l'Ordre  des  Carmes,  voir  Zimmerman  dans  le  Dictionnaire 
de  Théologie  catholique,  t.  II,  c.  1779  et  suiv. 

(2)  Voir  pour  plus  de  détails  :  Lebrun  et  De  Vert,  Explica' 
iion  des  cérémonies ,  passim. 


LE   MISSEL    ROMAIN  lOJ 

B.  \J offertoire  étant  dit,  le  prêtre  découvre  le 
calice,  vient  au  coin  de  Tépître,  prend  la  petite 
cuiller  dans  laquelle  il  dépose  deux  ou  trois 
gouttes  d'eau,  les  verse  dans  le  calice  en  disant  : 
De  laiere  D.  N'.J.  C.  exivit,..,  fait  l'oblation  du 
calice  comme  au  rite  lyonnais,  revient  au  coin  de 
l'épitre  pour  se  laver  les  doigts  en  disant  deux  ou 
trois  versets  du  psaume  :  Lavabo,  Le  canon  de  la 
messe  ressemble  à  celui  de  la  messe  romaine  sauf 
quelques  cérémonies,  par  exemple  l'extension  des 
bras,  une  seule  élévation  de  l'hostie  sans  élévation 
du  calice,  etc.  (i). —  C.  A  la  Communion,  après 
avoirprisleprécieuxsang,  le  prêtre  reçoit  aussitôt 
la  première  ablution  ;  on  ne  récite  pas  de  Confiteor 
pour  la  communion  des  religieux,  le  Confiteor  Am 
début  ayant  été  récité  en  commun  ;  on  chante 
^^/^^^sS"  Z^é-^' au  choeur  seulement  au  moment  où  le 
prêtre  se  lave  les  doigts  puis  le  diacre  ayant  reçu 
le  calice  y  verse  un  peu  de  vin  pour  le  purifier, 
prend  ce  vin  s'il  a  lui-même  communié,  sinon,  le 
vin  est  jeté  dans  la  piscine.  Les  Chartreux  n'ont 
pas  encore  admis  à  leur  messe  la  Bénédiction  et 
l'Evangile  de  saint  Jean,  mais  quand  les  oraisons 
sont  terminées,  le  prêtre  s'incline  au  milieu  de 
l'autel  pour  dire  :  Placeat  (ou  commence  l'heure  de 
sexte).  Puis  il  se  retire,  et,  ayant  quitté  les  orne- 
ments  sacerdotaux,   il  récite   :   Pater  noster  (2). 

3.  Les  Prémontrés  institués  par  saint  Norbert 
dans  les  premières  années  du  xir  siècle,  reçurent 
eux  aussi  de  leur  fondateur  la  liturgie  alors  en 
usage  dans  l'église  de  France  (3). 


(1)  D.  Martène,  loc.  citât.,  t.  I,  p.  227.  Voir  aussi  les 
CoîUutnes  de  Chartreuse  dans  P.  L.,  t.  Cl!.IIl,  c.  989  et  suiv. 
—  Lebrun,  ozivr.  cité^  t.  I,  pp.  403,  438,  485-7,  53 1,    574. 

(2)  D.  Martène,  Ibid.y  t.  I,  p.  228.  —  Lebrun,  Ibid.,  t.  I, 
pp.  65i,  657. 

(3)  Du  Lac,  ouvr.  cité,  p.  i36. 


3  04  LE   MISSEL    ROMALNf 

4.  Dominicains  (i).  Ces  religieux  ont  le  romain 
pur  dans  le  texte  de  leur  Missel,  sauf  pourtant  de 
légères  différences  :  ainsi  ils  ont  adopté  plusieurs 
rites  et  prières  tirés  des  Missels  français  du  XIII®  au 
XV""  siècle.  Il  y  a  dans  leur  liturgie  un  accent  de 
triomphe  qui  contraste  avec  la  naïveté  des  offices 
franciscains  (2).  —  Quant  à  leur  ordinaire  de  la 
fjtesse^  A.  le  début  a  beaucoup  d'analogie  avec  le 
rite  lyonnais.  Cependant,  au  lieu  de  baiser  l'autel, 
ilsse  contentent  d'y  tracer  une  croix  avec  le  pouce; 
ils  disent  In  nomine  Patris,  etc.,  avant  de  réciter 
\ Introït,  et  font  alors  le  signe  de  la  croix  (3),  ils 
récitent  le  Kyrie  au  coin  de  l'épître.  A  la  grand'- 
messe  la  lecture  de  l'Epître  par  le  célébrant  est 
facultative  (ordinaire  de  1.254)  ;  on  n'admet  pas 
d'accompagnement  d'orgue  pour  le  Credo  chanté 
par  tout   le  chœur  (chapitre  général  de   1582).  — 

B.  Pour  r(9^^r/<?2>^,  voir  encore  le  rite  lyonnais. 
Toutefois  le  prêtre  place  le  calice  sur  le  corporal, 
à  droite  de  l'hostie  (statuts  de  1254)  ;  on  ne 
répond  rien  à  Orate  ficaires  ;  la  secrète  est  pré- 
cédée de  :  Domine  exaudi orationem  et  O remous.  — 

C.  Quant  au  canon,  il  ressemble  au  canon  romain 
sauf  les  détails  suivants  :  il  n'y  a  pas  de  baiser 
d'autel  à  Te  igitur ;  primitivement  (c'est-à-dire 
avant  1576),  il  n'y  avait  pas  d'élévation  du  calice. 
Le  prêtre  a  les  bras  étendus  en  croix  quand  il  dit  : 
Unde  et  inemores.  Le  baiser  de  paix  était  donné 


(i)  Les  liturgistes,  comme  Lebrun,  De  Vert,  etc.,  désignent 
ces  religieux  sous  le  nom  de  Jacobins,  parce  qu'ils  furent 
établis  à  Paris  par  saint  Louis  dans  un  couvent  de  la  rue 
Saint- Jacques . 

(2)  D.  Guéranger,  Institutions  liturgiques,  t.  I,  p.  325  ;  — 
Du  Lac,  ouvr.  cité,  p.  137. 

(3)  Les  signes  de  croix  que  nous  faisons  a.  Adjutorium, 
Iitdulgentiam,  à  V Introït,  etc.,  paraissent  venir  de  ce  que 
primitivement  on  disait  In  nomine  Patris,  etc.,  avant  ces 
formules.  De  Vert  :  Explication  des  Cérémonies,  t.  III,  p.  i3o. 


LE    MISSEL    ROMAIN  lOD 

d'abord  comme  au  rite  romain,  mais  au  XV!""  siècle, 
on  régla  que  le  prêtre  baiserait  la  patène  et  qu'il 
y  aurait  un  instrument  pour  porter  la  paix  aux 
assistants  (i).  —  D.  Comimcmon.  La  récitation  du 
Conjiteor  'àX2in\.  la  communion  des  assistants  fut 
autorisée  au  xiir  siècle.  Tous  reçoivent  un  peu  de 
vin  pour  purifier  la  bouche  après  avoir  communié 
(statuts  de  1254).  La  communion  se  chante  après 
que  tous  ont  communié.  Entre  la  communion  et 
la  postcommunion,  il  est  d'usage  de  dire  Latides 
(c'est-à-dire  un  cantique  d'actions  de  grâces). 
D'après  le  Missel  de  1254  on  donnera  la  bénédic- 
tion finale  si  c'est  la  coutume  du  pays  ;  la  lecture 
de  l'Evangile  selon  saint  Jean  est  laissée  à  la  dévo- 
tion de  chacun.  —  A  l'encontre  des  Chartreux, 
les  Dominicains  ont  admis  les  séquences  à  la 
messe  :  on  trouve  beaucoup  de  ces  compositions 
dans  deux  ou  trois  manuscrits  du  XVl^  siècle  à 
l'usage  de  ces  religieux  {2).  On  a  sans  doute 
remarqué  que  pour  les  Chartreux  et  les  Domini- 
cains, il  s'agit  de  la  messe  chantée  plutôt  que  de 
la  messe  basse  :  chez  ces  religieux  comme  dans 
l'Ordre  bénédictin,  la  messe  conventuelle  est 
partie  intégrante  et  non  la  moindre  de  l'office 
liturgique. 

(i)  Lebrun,  ouv^.  cilé,  t.  I,  pp.  144,  200,  247,  3 14,  SyS, 
376,  403,   484-  7,  593. 

(2)  Lebrun,  Ibid.^  t.  I,  pp.  628,  634,  641,  648,  6bZ.  — Les 
manuscrits  sont  les  numéros  38o5,  5590  et  5591  de  la  Biblio- 
thèque Vaticane  :  Ehrensberger,  Libri  liturgiciy  pp.  47  i 
et  472. 


DEUXIEME  ÉPOQUE 

Le  Missel  Romain  depuis  Saint  Pie  V 
jusqu'à  la  fin  du  XIX^  siècle. 


CHAPITRE  PREMIER 

Acheminement  vers  une  réforme 
pour  l'unification  du  Missel. 


I.  Les  premiers  missels  imprimés.  —  Avec  le 
XV  siècle,  l'ère  des  manuscrits  liturgiques  est 
moralement  close  ;  dès  1477  l'imprimerie  donne 
ses  premiers  missels,  et  jusqu'en  l'année  1500,  des 
éditions  se  succèdent  à  Naples,  Milan,  Venise 
pour  l'Italie;  à  Nuremberg,  Mayence  pour  l'Alle- 
magne. Paris,  Lyon,  Rouen  sont,  pour  la  France, 
les  principaux  centres  où  s'exécutent  les  impres- 
sions liturgiques  des  diocèses  du  royaume  et  aussi 
de  l'étranger.  Ainsi  Paris  édite  les  Missels  de 
Chartres  (1482),  de  Chàlons-sur-Marne  (1489),  de 
Saintes  (1491),  de  Rennes  (1492),  d'Autun  (1493), 
de  Cambrai  (1495);  Rouen  imprime  ceux  de 
Séez  (1488),  du  Mans  (1489),  d'Évreux  (1497),  de 
Salisbury  (1492)  ;  Lyon  donne  non  seulement  sa 
propre  liturgie  mais  encore  les  Missels  de  la  région 
méridionale,  comme  Viviers,  Narbonne,  Mar- 
seille, etc.  —  Le  Missel  romain  eut,  à  lui  seul,  de 
nombreuses  éditions,  même  avant  l'apparition  du 
protestantisme  :  un  fait  le  prouve,  c'est  la  rapide 
diffusion  de  l'Ordre  franciscain  ;  à  la  fm  du 
XV^  siècle,  grâce  à  ces  religieux,  laliturgie  romaine 
réformée  par  saint  Grégoire  VII  était  en  usage 
dans  presque  toutes  les  églises  de  l'Europe.  La 
liturgie  de  Sarum  (Salisbury),  à  peu  près  uni  ver- 


LE    MISSEL   ROMAIN  IO7 

sellement  suivie  en  Angleterre,  pouvait  seule  riva- 
liser avec  elle  (i). 

Le  nombre  des  éditions  s'accroît  encore  au 
XVI^  siècle  jusqu'à  l'heure  ou  saint  Pie  V  publie 
le  Missel  romain  corrigé  par  ses  soins. 

Ces  éditions  sont  dignes  des  manuscrits  qu'elles 
remplacent.  Par  la  noblesse  du  format,  la  beauté 
de  l'exécution,  les  livres  liturgiques  l'emportent 
sur  tous  les  autres  imprimés  et  conservent  le  pre- 
mier rang.  Le  format  in-folio  est  ordinairement 
assigné  au  Missel,  beaucoup  des  exemplaires  pri- 
mitifs sont  sur  vélin,  et,  quand  le  vélin  commence 
à  disparaître,  on  le  conserve  encore  pour  le  canon 
de  la  messe,  la  partie  la  plus  vénérable  du  livre. 
Pendant  un  certain  temps,  les  missels  imprimés 
sont  en  caractères  gothiques;  dès  1470,  il  est  vrai, 
on  trouve  en  Italie  des  caractères  romains,  mais 
une  réaction  s'opère  en  faveur  des  gothiques. 
Puis,  après  1574,  la  lettre  romaine  est  exclusive- 
ment employée  dans  l'impression  des  livres 
liturgiques  ;  elle  s'y  développe  avec  gravité  et 
magnificence,  et  plus  particulièrement  au  canon 
de  la  messe  ;  ce  développement  est  dû  en  grande 
partie  au  format.  —  Le  vermillon  est  employé 
pour  les  rubriques  :  la  double  couleur  des  lettres 
sera  bientôt  l'apanage  exclusif  des  livres  de  la 
liturgie,  ils  en  revêtent  une  physionomie  spéciale 
qui  convient  à  merveille  à  leur  destination  mys- 
térieuse (2). 

Pour    rattacher    plus     étroitement     le    Missel 

(i)D.  Guéranger,  Instîhitions  littirg.,  t.  III,  pp.  3i9-323. 
—  Du  Lac,  La  liturs^ie  romaine  et  les  liturgies  françaises, 
p.  199.  —  J.  Weale,  Catalogits  inissaliuTn  ritus  latiniab  afino 
i4y$  impressorum^  London,  1886.  On  trouvera,  dans  ce 
dernier  ouvrage,  une  Bibliographie  complète  des  éditions  dont 
nous  ne  pouvons  donner  qu'une  idée  insuffisante.  —  Zaccaria  : 
Bibliotheca  ritualis,  t.  I,  pp.  52-53. 

(2)  D.  Guéranger f  Institutions  littirgiqzies,  t.  III,  p.  325-329. 


ÎOS  LE    MISSEL    ROMAIN 

imprimé  aux  vénérables  manuscrits  dont  il  pro- 
cède, il  fallait  que  les  miniatures  y  fussent  repré- 
sentées. La  gravure  sur  bois  et  sur  cuivre  ne  tarda 
pas  à  en  fournir  les  moyens  ;  en  attendant,  les 
imprimeurs  laissèrent  en  blanc  la  place  des  larges 
initiales,  des  demi-pages  et  quelquefois  des  pages 
entières  pour  recevoir  la  peinture  des  sujets  his- 
toriques et  allégoriques.  De  la  sorte,  les  premiers 
livres  liturgiques  imprimés  continuèrent  de  rap- 
peler les  beaux  manuscrits  de  l'âge  précédent. 
On  peut  citer  comme  exemples  les  missels  des 
Chartres  (1482)  et  de  Lyon  (1487)  avec  leurs  nom- 
breuses initiales  peintes  en  couleur,  et  surtout 
le  magnifique  Missel  de  Paris  (1522),  conservé  à 
la  Bibliothèque  de  l'Arsenal  ;  il  y  a  dans  ce  der- 
nier au  moins  154  miniatures  coloriées,  puis  des 
bordures,  des  initiales  peintes  avec  un  soin 
-extrême.  —  Au  XVII^  siècle  la  gravure  sur  bois 
remplace  la  peinture,  elle  est  remplacée  elle-même 
au  XVII^  siècle  par  la  gravure  sur  cuivre.  Notons 
en  passant  que  la  liturgie  fut  l'occasion  de  la 
découverte  de  la  gravure  sur  cuivre  faite  par 
Thomas  Finiguerra,  orfèvre  florentin  (1452)  (i). 
IL  —  Nouvelles  particularités  introduites 
DANS  le  missel.  —  Le  Missel  imprimé  à  Naples 
en  1477  poi'te  pour  titre,  à  la  suite  du  calendrier  : 
Incipii  ordo  uiissalis  secundîim  consuetudinein 
citriae  romanae  :  c'est  aussi  la  qualification  que  se 
donnent  beaucoup  de  Missels  imprimés  par  les 
diocèses  et  les  monastères.  Toutefois  cette  confor- 
mité avec  la  cour  romaine  n'excluait  pas  la  pré- 
sence de  certaines  particularités  et  de  développe- 
ments spéciaux.  Ainsi,  pour  n'être  pas  atteinte 
substantiellement,  la  liturgie  romaine  avait  eu  au 
XV®  siècle  ses  variantes,  ici,  la  forme  purement  gré- 
gorienne, ailleurs,  la  réforme  de  saint  Grégoire  VII, 

(i)  D.  Guéranger,  Iiistihùt.  liturg.y  t.  III,  p.  388-393. 


LE    MISSEL    ROMAIN  lOÇ 

ailleurs  encore,  la  réforme  des  Franciscains.  Dans 
chaque  nation,  des  usag^es  locaux  avaient  cours, 
une  dévotion  ardente  charofeait  sans  cesse  le 
calendrier  de  nouveaux  saints,  avec  des  offices 
plus  ou  moins  corrects  (i).  On  a  vu  dans  l'histoire 
du  Bréviaire  (2),  que  le  grand  schisme  contribua 
pour  une  part  considérable  à  l'altération  de  la 
liturg"ie  ;  le  cérémonial  forcément  modifié  à  la 
cour  d'Avignon  donna  une  entrée  plus  libre  aux 
usages  locaux.  Le  Missel,  en  raison  même  de  son 
étroite  connexion  avec  le  Bréviaire,  devait  se 
ressentir  du  particularisme  introduit  dans  l'office 
divin.  Pour  n'en  donner  qu'un  exemple,  on  vit 
pendant  le  séjour  des  papes  à  Avignon,  des 
messes  votives,  avec  circonstances  superstitieuses 
dans  le  nombre  et  le  rite  à  garder,  prendre  la 
place  des  messes  ordinaires  (3). 

D'autre  part,  l'influence  des  humanistes  sur 
les  formules  de  l'office  canonial  ne  devait-elle 
pas  s'étendre  aux  formules  du  Missel,  sinon  aux 
anciennes  collectes,  du  moins  auxpartieschantées? 
Pour  n'être  pas  exposée  à  un  remaniement  aussi 
complet  que  celui  du  Bréviaire  de  Quignonez,  la 
structure  de  la  messe  pouvait  subir  quelques 
atteintes  de  ce  côté.  On  devait  bientôt  s'en  aper- 
cevoir ;  car  les  chefs  de  la  Réforme  protestante 
s'en  prirent  au  Missel  plus  encore  qu'au  Bré- 
viaire. 

III.  Influence  du  Protestantisme  sur  l'al- 
tération DU  Missel.  —  Luther,  il  est  vrai,  y 
mit  quelques  ménagements  :  lorsqu'en  1523,  il 
réforma  la  messe  et  en  dressa  la  formule,  il  ne 
changea  presque  rien  de  ce  qui  frappait  les  yeux 

(  i)  Du  r,ac,  La  lUiwgie  romaine  et  les  lihirgies  françaises^ 

p.    199.  ! 

(2)  Le  Bréviaire  rojnain,  ses  origines,  son  histoire,  p.   84.- 

(3)  D.  Guéranger,  oiivr.  cité,  t.  I,  p.  345. 


I  10  LE   MISSEL   ROMAIN 

du  peuple.  Ainsi,  il  garda  V Introït,  le  Kyrie,  la 
collecte,  l'épître,  l'évangile  (avec  les  cierges  et 
l'encens,  si  l'on  voulait),  le  Credo,  la  prédication, 
les  prières,  la  préface,  le  Sanctus,  les  paroles  de 
la  consécration,  l'élévation,  l'Oraison  dominicale, 
V Agnus  Dei,  la  communion,  l'action  de  grâces... 

II  conserva  le  chant,  et  même  le  chant  en  latin,  il 
y  mêla  seulement  des  prières  en  langue  allemande 
pour  l'instruction  du  peuple  (i). 

Mélanchton  ne  se  montra  pas  moins  conserva- 
teur ;  mais  Calvin  fut  inexorable  à  l'égard  des 
cérémonies,  et  bientôt,  sous  prétexte  de  rendre 
la  liturgie  plus  parfaite,  le  protestantisme  changea 
ses  formules,  la  débarrassa  de  tout  ce  qui  rap- 
pelait la  foi  catholique...  Pour  rompre  ainsi  avec 
la  Tradition,  on  allégua  de  nouveaux  principes, 
par  exemple  :  la  parole  de  Dieu  est  seule  digne 
d'être  prononcée  dans  l'office  divin  (2)  ;  le  latin 
de  l'Eglise  n'est  qu'un  latin  barbare,  étranger 
au  pur  classique,  il  faut  lui  substituer  le  latin  de 
la  Renaissance  ou  mieux  encore  la  langue  vulgaire 
que  le  peuple  entend;  enfin  il  faut  anéantir  le  culte 
de  la  Sainte  Vierge  et  des  Saints,  et  toute  trace 
de  religion  envers  le  Siège  Apostolique.  —  On 
comprend  sans  peine  ce  que  devient  le  Missel  sous 
la  main  de  ces  Novateurs;  les  livres  des  églises 
luthériennes,  calvinistes,  anglicanes,  montrent 
l'application  du  système  dans  son  étendue.  Tou- 
tefois, l'audacieuse  réforme  n'opéra  pas  partout 
de  la  même  façon  ;  tandis  que  les  plus  avan- 
cés, sans  craindre  de  se  mettre  en  opposition  avec 
leurs  propres  principes,  éliminèrent  les  formules 
de  style  ecclésiastique,  réprouvèrent  même  les 
lectures  et  prières  empruntées  à  l'Ecriture  Sainte, 

(i)  Bossuet,  Histoire  des  Variations^  liv,  III,  c.  5i. 

(2  Dom  Gasquet  et  Ed.  Bishop,  Edward  VI and the  Book  of 
Common  Prayer,  pp.  84,  217. 


LE   xMISSEL    ROMAIN  I  I  I 

les  autres  y  apportèrent  plus  de  ménag-ements  et 
affectèrent  même  un  certain  conservatisme  :  tels 
le  luthéranisme  des  premiers  temps  et  l'anglica- 
nisme. On  vient  de  voir  ce  que  pensait  Luther 
avant  de  formuler  ses  diatribes  contre  le  canon  de 
la  messe  ;  l'église  anglicane,  de  son  côté,  voulut 
avoir  son  recueil  liturgique  où  serait  rég-lé  tout  le 
service   divin  (matin  et  soir).    C'est  le   Book  of 
Contnton  Frayer,  dont  la  première  rédaction  défi- 
nitive est  de  1549  :  la  partie  substituée  à  l'ancien 
Missel  a  pour  titre  :  The  Stipper  of  the  Lord,  La 
Chie  du  Seigneur,  elle  concorde  avec  le  Missel  de 
^'^^r//;/^  jusqu'au  Credo  inclusivement,  on  a  inséré 
en  cet  endroit  une  formule  qui  tient  de  l'homélie. 
Alors  se  rencontre  une  lacune  (on  a  omis  l'ancien 
rituel  de  l'oblation).  La  reprise  de  la  concordance 
se  fait  à  la  préface,  mais  une  nouvelle  formule  a 
été  insérée  pour  remplacer  notre  canon  de  la  messe. 
Cranmer  rédigea  une  suite  de  prières  à  peu  près 
de  même  longueur  que  la  partie  supprimée,  il  en 
fit  disparaître  tout  ce  qui  pouvait  éveiller  l'idée 
d'oblation  et  de  sacrifice.  A  la  fin  de  l'action,  on 
n'a  laissé    subsister   que  les  parties  suivantes  : 
Pater  noster,  Fax  Domini  et  Agmis  Dei ;  le  reste 
est  entièrement  nouveau.  —  Comme  dans  la  messe 
latine  de  Luther,  on  retrouve  ici  les  anciennes  for- 
mules (oraisons,  lectures,  etc.,)  spécialement  pour 
les  dimanches,  mais  le  calendrier  des  fêtes  a  été 
singulièrement  allégé  :  en  plus  des  fêtes  deNotre- 
Seigneur,  on  y  a  maintenu  celles  des  Apôtres,  de 
la  Purification  et  de  l'Annonciation,  de  saint  Jean- 
Baptiste,    de    sainte    Marie-Madeleine,    de    saint 
Etienne,    des  saints  Innocents,    de  saint   Michel 
comme  commémoraison  des  Anges,  puis  la  fête 
générale  de  tous  les  Saints  (i).  Mieux  conservée 


(i)  Dom  Gasquet  et  Ed.  Bishop,  Edward  VI and  the  Book 
of  Common  Prayer,  pp.  217,  34. 


112  LE    MISSEL    ROMAIN 

que  ses  rivales  protestantes,  la  liturgie  anglicane 
a  pourtant  connu  plus  d'un  changement  pendant 
ses  trois  siècles  d'existence  :  ainsi  V Ordinal 
cÛ Edouard  F/fut  modifié  sous  Elisabeth,  corrigé 
et  augmenté  sous  Jacques  P^,  remplacé  par  une 
composition  de  Cromwell,  etc. 

Ce  seul  exemple  peut  suffire  à  montrer  le  danger 
qui  menaçait  la  liturgie  romaine  au  moment  où 
l'autorité  suprême  intervint  pour  la  protéger  et  la 
fixer  dans  l'unité.  Cette  intervention  était  jugée 
nécessaire  par  les  catholiques.  Un  concile  tenu 
à  Cologne  en  1536,  émet  le  vœu  d'une  réforme 
liturgique  :  dans  le  Missel  on  constate,  pour  les 
réprouver,  plusieurs  innovations  récemment  intro- 
duites, car  elles  sont  une  atteinte  au  respect  dû  à 
nos  saints  mystères  ;  on  s'en  prend  d'une  façon 
spéciale  aux  nouvelles  proses  (3).  —  Même  après 
l'ouverture  du  saint  Concile  de  Trente  en  1545, 
des  projets  de  réforme  liturgique  se  font  jour, 
en  Allemagne  notamment  au  Synode  de  Salz— 
bourg  {1562),  en  France  aux  conciles  provinciaux 
de  Reims  (1564),  de  Cambrai  (1565)  (2).  A  la 
reprise  du  concile  sous  Pie  IV,  un  mémoire 
donné  au  Cardinal  de  Lorraine  lui  enjoint,  au 
nom  du  roi  et  des  Etats  Généraux  de  France, 
d'insister  fortement  sur  la  nécessité  d'épurer  le 
service  divin,  de  retrancher  les  superstitions,  de 
revoir  les  prières  et  les  cérémonies  (3). 

Ainsi  fut  introduite,  dans  les  dernières  sessions 
du  Concile  de  Trente,  la  question  de  la  réforme 
du  Missel. 


(i)  Mansi,    Conciliorziiu    Collecta   amplissima,   t.  XXXIT, 
p.  1227. 

(2)  Dom  Baumer,  Histoire  du  Bréviaire,  t.  II,  p.  i52,  note. 

(3)  Dom  Guéranger,  Institutions  litîirgiques,   t.  I,  p.  412. 


LE    MISSEL    ROMAL>J  I  K) 


CHAPITRE  II 
Le  Missel  romain  de  Saint  Pie  V  (1570) 


Articlp:  I.  —  Travaux  préparatoires 
et  Bulle  de  promulgation. 

I.  Travaux  préparatoires.  —  La  réforme  du 
Bréviaire  et  celle  du  Missel  devaient  marcher  de 
pair  ;  Jean  Pierre  Carafîfa,  théatin,  plus  tard  pape 
sous  le  nom  de  Paul  IV  (1555- 1559)  avait  préparé 
lui-même  une  réforme  du  Bréviaire,  mais  il  mourut 
avant  d'avoir  pu  achever  son  travail.  Pie  IV,  son 
successeur  (1559- 1565)  envoya  l'œuvre  au  Concile 
de  Trente,  demandant  qu'on  l'examinât  conjoin- 
tement avec  les  soins  donnés  à  l'affaire  du  Missel. 
Au  Concile,  on  nomma  dans  ce  but  une  commis- 
sion, mais  l'entente  ne  put  se  faire  sur  l'objet  de 
la  réforme  liturgique,  et  l'on  décida  de  s'en 
remettre  au  Pontife  Romain  :  aussi  bien,  l'œuvre 
de  simple  correction,  et  non  pas  de  reconstitution, 
ne  pouvait  s'accomplir  qu'à  Rome  même;  il  s'agis- 
sait non  pas  de  donner  à  l'Eglise  une  nouvelle 
liturgie,  mais  de  réviser  et  de  corriger  les  livres 
de  l'ancienne  liturgie  occidentale.  Saint  Pie  V 
put,  après  quelques  années,  donner  au  monde 
catholique  une  nouvelle  édition  du  Bréviaire 
romain  (1568)  et  un  Missel  conforme  à  ce  Bré- 
viaire réformé  (1570)  (i). 

IL  Bulle  de  promulgation.  —  Depuis  le 
14  juillet  1570,  date  de  sa  publication,  le  Missel 
Romain  porte  en  tête  la  Bulle  Quo  priinmn  tein- 
pore.  Cette  Bulle  expose  :  1°  le  BiU  poursuivi 
conformément  au  vœu  du  Saint  Concile  de  Trente; 

(  I  )  Pour  éviter  des  redites,  nous  renvoyons  le  lecteur  à  l'opus- 
cule sur  le  Bréviaire  romain  notamment  aux  pages  96-104. 
Il  y  a  bien  des  points  communs  entre  le  projet  de  la  réforme 
du  Bréviaire  et  celui  de  la  réforme  du  Missel. 

LE   MISSEL   ROMAIN.    —   Tome   IL  8 


114  LE    MISSEL    ROMAIN 

donner  un  Missel  qui  réponde  au  Bréviaire,  pour 
que  dans  l'Eglise  de  Dieu  on  voie  régner  un  seul 
mode  de  psalmodie  et  un  seul  rite  pour  la  célébra- 
tion de  la  messe  ;  2*^  les  précautions  prises  et  la 
utéthode  employée  ;  des  hommes  érudits  ont  con- 
fronté les  plus  anciens  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque Vaticane  et  d'autres  encore,  puis  ils  ont 
consulté  les  ouvrages  des  auteurs  anciens  et 
approuvés  ;  3°  le  caractère  obligatoire  de  la  nou- 
velle publication  ;  les  prêtres  connaissant  par  ce 
document  quelles  prières,  quels  rites  et  quelles 
cérémonies  ils  doivent  désormais  retenir  dans  la 
célébration  des  messes,  seront  obligés  de  procéder 
suivant  la  forme  du  présent  Missel  dans  toutes  les 
églises  ou  chapelles  du  monde  chrétien,  à  moins 
qu'on  ne  puisse,  comme  en  certaines  églises, 
exciper  d'un  usage  particulier  assidûment  observé 
en  vertu  d'une  première  institution  ou  d'une  cou- 
tume antérieure  l'une  et  l'autre  à  deux  cents  ans. 
Encore  est-il  permis  à  ces  dernières  églises  de 
célébrer  la  messe  selon  le  présent  Missel,  pourvu 
que  l'évêque  et  le  chapitre  tout  entier  y  consen- 
tent ;  4°  les  garanties  contre  les  altérations  de 
l'avenir  :  «  on  ne  pourra  rien  ajouter,  retrancher 
ou  changer  au  Missel  que  nous  publions,  »  dit  le 
pape  auteur  de  la  Bulle. 

Comme  pour  le  Bréviaire,  un  délai  plus  ou 
moins  considérable  (un  mois,  trois  ou  six  mois) 
est  accordé  aux  localités,  suivant  qu'elles  sont 
plus  ou  moins  éloignées  de  Rome,  pour  se  pro- 
curer le  présent  document  :  passé  ce  délai,  le  nou- 
veau Missel  devra  être  mis  en  usage. 

Article  IL  —  Contenu  du  Missale  Pianum. 

Dans  la  pensée  de  ceux  qui  en  ont  suggéré, 
préparé  et  ordonné  la  publication,  ce  Missel  n'est 
pas  un  livre  liturgique  nouveau  ;  à  part  quelques 
additions,  comme  celle  des  documents  pontificaux 


LE    MISSEL   ROMAIN  II 5 

et  des    rubriques    g-énérales,    on  y    retrouve  les 
éléments  et  même  la  distribution  des  matières  du 
Missel  plénier.  Le  tout  peut  se  ramènera  quelques 
préliminaires,  à  quatre  parties  principales   et  à 
un  appendice  :  les  quatre  parties  sont  :  i°  l'Ordi- 
naire de  la  messe,  que  l'on  a  intercalé  pour  plus 
de  commodité  dans  le  propre  du  temps  entre  le 
samedi  saint  et  la  fête  de  Pâques  ;  2°  le  Propre  du 
Temps  ;  3°  le  Propre  des  Saints  ;  4°  le  Commun 
des  Saints  avec  les  messes  votives.  En  appendice 
se  trouvent  des  formules  de  bénédictions  ayant 
quelque  rapport  avec  la  célébration  de  la  messe. 
I.  Préliminaires  du  Missel.  —  i^  Le  document 
pontifical,    placé   au   début,   a  été   analysé   dans 
l'article  précédent.  Comme  on  le  voit,  c'est  une 
garantiedel'authenticité  du  recueil,  une  attestation 
portée  par  l'autorité  suprême  du  Chef  de  l'Eglise. 
Plus  tard  on  y  joindra  les  bulles  des  Pontifes  qui 
travailleront  à  améliorer  l'œuvre  de  saint  Pie  V  ; 
désormais  la  réglementation  liturgique  devra  être 
faite  ou  sanctionnée  par  le  Pontife  romain.    — 
2°  Comme  dans  le  Bréviaire,  on  a  inséré  dans  le 
Missel,  les  règles  à  observer  pour  déterminer  la 
fête  de  Pâques,  puis  le  détail  du  calendrier,  ce 
dernier  est  entièrement  conforme  à  celui  du  Bré- 
viaire, là  réside  l'harmonie   demandée   entre  la 
célébration  de  l'office  divin  et  la  célébration  de 
la  messe.  —  3^  Les  rubriques  générales  du  missel 
et  les   rites  à  observer  dans  l'offrande  du  saint 
sacrifice  font  maintenant  suite  au  calendrier.  Cet 
ensemble  de  lois  ou  d'observances  sacrées  avait 
été  rédigé,  dans  la  forme  qu'il  a  conservée  depuis 
par  Jean  Burchard  au  début  du  xvr  siècle.  Au 
témoignage  deGavantus,  une  rédaction  sommaire 
des  rubriques  avait  été  placée  dans  les  Missels 
manuscrits  de  la  Bibliothèque   Vaticane  ;    on   la 
trouve  un  peu  amplifiée  dans  les  premiers  Missels 
imprimés,  particulièrement  dans  les  éditions  de 


Il6  LE   MISSEL   ROMAIN 

Venise.  A  partir  de  1534,  dit  Bona,  la  rédaction 
de  Burchard  fut  imprimée  en  tête  des  Missels  et 
la  commission  de  saint  Pie  V  n'eut  qu'à  les  y 
maintenir  (i).  Comme  les  rubriques  du  Bréviaire, 
celles  du  Missel,  sauf  quelques  corrections,  sont 
demeurées  ce  qu'elles  étaient  en  1570. — 4°  Les 
prières  à  réciter,  pour  revêtir  les  ornements  sacer- 
dotaux ont  été  fixées  d'une  façon  définitive  dans 
le  Missel  de  saint  Pie  V  ;  ce  Pontife  a  voulu  mettre 
un  terme  aux  variations  qui  s'étaient  perpétuées 
jusqu'à  lui.  On  trouve  des  prières  pour  les  orne- 
ments dans  une  foule  de  manuscrits  à  partir 
du  IX®  siècle  (2).  Il  faut  en  dire  autant  des  psaumes 
de  préparation  et  d'action  de  grâces  :  ils  paraissent 
ici  dans  le  document  officiel  du  XVI®  siècle  comme 
les  vestiges  des  anciennes  Apologies  du  début  ou 
de  l'offertoire  et  des  prièresrécitéesaprès  la  messe. 
Désormais  l'uniformité  régnera  dans  la  pratique 
pour  ces  accessoires  de  la  célébration. 

II.  —  Les  quatre  parties  du  Missel.  — 
Nous  parlons  en  premier  lieu  de  V  Ordinaire  de  la 
Messe  à  cause  de  son  importance  et  de  son  anti- 
quité :  on  sait  que  la  seule  raison  d'une  plus 
grande  commodité  l'a  fait  reporter  vers  le  milieu 
du  recueil,  même  pendant  la  période  des  manus- 
crits. —  Tout  y  est  désormais  prévu  et  réglé 
depuis  le  commencement  jusqu'à  la  fin  du  Saint 
Sacrifice,  pour  que  l'harmonie  parfaite  règne 
dans  le  mode  de  célébration  et  l'emploi  des  for- 
mules. Les  particularités  qui  s'étaient  maintenues 
jusqu'aux  Xlir  et  XIV®  siècles,  au  début  et  à  la  fin 
du  Saint  Sacrifice,  disparaissent  ;  le  nombre  des 
préfaces  est  considérablement  réduit  (onze  seule- 

(i)  Zaccaria,  Bibliotheca  ritualis,  t.  I,  p.  58. 

(2)  Voir  Doni  Martène,  De  Aiitiquis  Ëcclesiae  ritibus,  t.  I, 
p.  343.  —  Lebrun,  Explication  des  prières  et  cérémonies 
de  la  messe,  t.  I,  p.  40-41. 


LE    MISSEL    ROMAIN  I  I7 

ment  subsistent)  comme  aussi  le  nombre  des 
variantes  aux  formules  Communicantes  et  Hanc 
igitny  ;  il  n'est  plus  fait  mention  de  la  bénédiction 
épiscopale  du  rite  gallican  ou  mozarabe  ;  la  béné- 
diction finale  avant  le  dernier  Evangile  se  donne 
(sauf  aux  messes  des  morts)  d'une  façon  uniforme 
par  tous  les  prêtres  ;  les  prélats  ont  une  formule 
spéciale. 

2.  Propre  du  temps.  —  Le  Missel  de  saint  Pie  V 
a  les  trois  grands  cycles  des  anciens  documents  : 
Noël [y^'^  dimanche  de  l'Àvent  au  dimanche  de  la 
Septuagésime)  ;  Pâques  (dimanche  de  la  Septua- 
gésime  à  la  Pentecôte  ;  Peittecôte  (les  dimanches  qui 
suivent  jusqu'à  l'Avent  :  pratiquement,  toute 
l'octave  de  la  Pentecôte  rentre  dans  le  temps 
pascal  bien  qu'on  y  ait  placé  les  Quatre-Temps). 
Il  y  a  des  parties  variables  pour  la  messe  tous  les 
dimanches,  pendant  le  Carême  à  toutes  les  fériés, 
puis  aux  mercredis,  vendredis  et  samedis  des 
Quatre-Temps.  Nous  allons  donner  un  rapide  coup 
d'œil  sur  ces  parties  variables  pour  établir  leur 
relation  avec  les  anciens  documents  :  renvoyant 
pour  les  lectures  aux  Lectionnaires  et  aux 
Evangéliaires,  nous  nous  bornerons  à  parler  des 
parties  chantées  et  des  oraisons. 

A.  parties  chantées.  —  La  publication  officielle 
de  1570  est  une  réponse  à  Luther  et  à  ses  adeptes  ; 
elle  montre  toute  l'injustice  de  leurs  griefs  et 
l'inexactitude  de  leurs  assertions  contre  l'ancienne 
liturgie.  Il  n'était  guère  besoin,  en  effet,  de  rem- 
placer les  formules  de  style  ecclésiastique  par  des 
lectures  d'Ecriture  vSainte  dans  un  recueil  qui 
remettait  chaque  jour  sous  les  yeux  le  texte  sacré 
grâce  aux  chants  et  aux  passages  des  Epîtres  et 
des  Evangiles.  Pour  le  rappeler  d'une  façon  sen- 
sible aux  fidèles  et  aux  prêtres  tentés  de  l'oublier, 
on  a  pris  soin  de  marquer  les  références  dans  le 
nouveau  Missel  ;  par  là  on  constate  sans  peine  que 


Il8  LE   MISSEL   ROMAIN 

les  Introïts,  Gradîiels,  versets  alléluïatïques,  traits, 
offertoires  et  cojnmunionssontj  à  quelques  excep- 
tions près,  tirés  de  la  Sainte  Ecriture  (i).  Le 
psautier  y  figure  pour  une  large  part,  et  c'est  jus- 
tice, car  le  Psalmiste  a  dans  ses  hymnes  des  accents 
suaves  et  variés  pour  apaiser  le  ciel  (2)  :  ainsi  les 
chants  du  Missel  sont, comme  ceux  l'office  divin, 
par  excellence  les  chants  du  psautier,  le  propre  du 
temps  y  reproduit  l'Antiphonaire  grégorien  (3). 
Le  texte  y  diffère  plus  ou  moins  de  celui  de  la 
Vulgate  et  c'est  à  dessein  que  V Itala  Vêtus  a 
été  conservée.  Sur  cette  version  qui  remonte  au 
ir  siècle  et  se  maintint  dans  l'Eglise  jusqu'au 
VU"  siècle  à  côté  de  la  traduction  de  saint  Jérôme, 
ont  été  adaptées  les  mélodies  primitives;  la  modi- 
fication du  texte  eût  amené  la  modification  des 
mélodies  et  l'on  ne  vit  pas  la  nécessité  de  ce  double 
travail.  D'ailleurs,  le  texte  de  V Itala  Vêtus  avait 
ses  avantages,  il  était  suffisamment  orthodoxe, 
aimé  du  peuple  à  cause  de  sa  ressemblance 
avec  l'idiome  populaire,  apprécié  en  même 
temps  des  hommes  instruits  parce  qu'il  reprodui- 
sait fidèlement  la  version  des  Septante.  Aussi, 
quand  sur  la  fin  du  xvr  siècle,  des  éditeurs  ten- 
tèrent de  substituer,  dans  les  livres  d'offices,  la 
Vulgate  à  l'ancienne  Italique,  Clément  VIII  ré- 
prima sévèrement  ces  libertés  dans  la  Bulle  : 
Ctiin  Sanctissiinu7ft  de   1604;   de   nos   jours,   le 

(i)  C.  Marbach,  Carmina  Scripttirarum,  i  in- 8*  Argent- 
torati  1907,  Introduction,  p.  20  note,  2.  —  L'auteur  de  cet 
ouvrage  a  rendu  un  réel  service  aux  liturgistes  et  aux  prédi- 
cateurs en  leur  indiquant  à  quels  jours,  à  quelles  fêtes  et  dans 
quelles  occasions  les  divers  textes  des  saints  Livres  sont  chan- 
tés dans  les  oflîces  de  l'Eglise.  —  Nous  renvoyons  à  l'ouvrage 
les  lecteurs  qui  veulent  avoir  de  plus  amples  détails  sur  cet 
article. 

(2)  Bona,  De  divina  Psatmodia,  cap.  16,  §  11. 

(3)  Voir  cet  Antipîtonaire  Grégorien  dans  P.  L.,  t.  LXXVIII, 
c.  641  et  seq. 


LE    MISSEL    ROMAIN 


119 


Saint-Siège  a  paru  accentuer  encore  la  pensée  de 
Clément  VIII  à  ce  sujet  (i).  Le  tableau  des  réfé- 
rences du  Propre  du  temps  au  psautier  présente 
une  mosaïque,  assez  bizarre  à  première  vue, 
comme  on  peut  en  juger  par  ce  spécimen  des 
dimanches  de  l'Avent. 


Introït 

Graduel 

Verset 
Allèluiatique 

Offertoire 

Communion 

i*'dim.de  l'Avent 

Ps.  24 

Ps.42 

Ps.  84 

Ps.  24 

Ps.  84 

3-       —          — 

4*        —          — 

3o 

84 

18 

49 

79 

144 

121 

84 
84 

—  a 

a)  N.   B.  —  Le  trait  —  indique  les  emprunts  faits  aux  livres  diffé- 
rents du  psautier. 

Voici  les  conséquences  à  tirer  de  cette  consta- 
tation :  I .  En  général,  entre  les  divers  chants  d'une 
même  messe,  il  n'y  a  pas  de  connexion  étroite  et 
logique;  il  y  a  pourtant  un  air  de  famille;  de  l'in- 
troït à  la  communion  on  reste  sous  l'impression 
des  mêmes  sentiments  ;  —  2.  Quand  le  temps  de 
l'année  a  un  caractère  bien  déterminé  comme 
l'Avent,  le  temps  de  la  Passion,  le  temps  pascal, 
les  chants  de  la  messe  s'inspirent  de  ce  caractère  ; 
le  caractère  n'est  pas  aussi  bien  marqué  pour  le 
carême  où  chaque  férié  a  sa  messe  spéciale,  ni 
pour  le  temps  qui  suit  la  Pentecôte,  aussi  un  rap- 
prochement s'est-il  établi  entre  ces  deux  époques 
de  l'année,  un  assez  grand  nombre  de  supplica- 
tions des  messes  du  carême  se  trouve  dans  les 
dimanches  après  la  Pentecôte  (2).  Notons  pourtant 
le  cachet  spécial  de  certaines  fériés  de  Carême, 

(i)  C.  Marbach,  ouvr.  cité,  pp.  37-38. 

(2)  Pour  tous  les  jours  de  fêtes,  il  y  a  relation  entre  les  chants 
de  la  messe  et  l'objet  de  la  fête  ;  de  même  pour  certaines  fêtes 
qui  présentent  un  caractère  bien  tranché,  par  exemple  les  Roga- 
tions. 


I20  LE   MISSEL   ROMAIN 

par  exemple  le  mercredi  après  le  4^  dimanche  a 
une  messe  composée  dans  toutes  ses  parties  en 
vue  des  Catéchumènes  ;  en  ce  jour  appelé  feria 
traditiomi'm,  avait  lieu,  après  un  dernier  examen 
(scriitiniuin)^  la  remise  du  Symbole  et  de  l'Oraison 
dominicale  ;  —  3-  La  connexion  entre  les  chants 
et  les  autres  parties  de  la  messe  est  plutôt  excep- 
tionnelle ;  ainsi  le  graduel  n'a  de  connexion  avec 
répître  que  dans  des  cas  isolés  :  Omîtes  de  Saba 
venient  de  l'Epiphanie  ;  Ecce  Sacerdos  inagnus 
d'un  confesseur  pontife.  Deux  fois  seulement, 
dans  les  cas  peu  fréquents  où  le  trait  suit  immédia- 
tement une  leçon,  il  y  a  adaptation  parfaite  :  la4'' 
et  la  11^  prophétie  du  Samedi  saint  annoncent  par 
leurs  derniers  mots  les  deux  cantiques  de  Moïse  : 
Cantemus  Domino,  et  Attende  cœlum, 

B.  Oraisons,  — Sous  ce  nom.  sont  comprises  les 
formules  de  style  ecclésiastique  pour  lesquelles  les 
protestants  ont  affecté  un  profond  dédain.  Chose 
étrange,  ils  n'osèrent  pas  les  supprimer  ;  non  seu- 
lement ces  formules  reposaient  sur  une  tradition 
solidement  établie,  mais  le  peuple  y  était  habitué 
etn'enauraitpasaccepté  volontiers  la  suppression. 
Dans  le  propre  du  temps  toutes  les  formules  du 
Missale  Pianum  sont  empruntées  aux  plus  anciens 
Sacramentaires  :  déjà  nous  avons  signalé,  à  propos 
du  Sacramentaire  Léonien,  dans  quelle  mesure  ce 
document  est  reproduit  au  Missel  romain  ;  les 
autres  formules  de  celui-ci  sont  tirées  du  Gélasien 
et  du  Grégorien,  quelques-unes  même,  émanent 
des  trois  documents  à  la  fois.  L'ordre  et  l'assigna- 
tion du  jour,  donnés  par  le  Grégorien,  ont  natu- 
rellement prévalu  ;  avec  l'édition  de  Muratori,  le 
rapprochement  s'établit  facilement.  Ce  travail  de 
comparaison  nous  entraînerait  trop  loin.  — • 
L'Église  ne  craint  pas  de  répéter  en  diverses 
circonstances  les  mêmes  formules  pourvu  que 
celles-ci  s'adaptent  aux  lectures  ou  à  l'objet  du 


I 


LE    MISSEL    ROMAIN^  121 

mystère  :  ainsi  l'oraison  :  Deits  qui  Mbus  pueris 
récitée  chaque  jour  après  la  messe  dans  les  prières 
d'actions  de  grâces,  revient  à  chaque  samedi  des 
Quatre-Temps  après  la  cinquième  lecture  et  le  can- 
tique, Beiiedictits  es  de  Daniel  ;  la  secrète  :  Obla- 
tîiiit  tïbi  sacrificiunt  vivijîcei  nos,  reparaît  au 
dimanche  dans  l'octave  de  l'Epiphanie,  au 
dimanche  de  la  Septuagésime,  au  lundi  après  le 
quatrième  dimanche  de  Carême.  On  trouvera  aisé- 
ment d'autres  exemples  pour  peu  que  l'on  fasse 
rentrer  le  propre  et  le  commun  des  saints  dans  le 
champ  d'exploration.  Les  messes  des  dimanches 
après  l'Epiphanie  sont  d'origine  plus  récente  que 
les  autres  ;  elles  ont  cette  particularité  que  quand 
les  derniers  de  ces  dimanches  sont  reportés  immé- 
diatement avant  le  temps  de  l'Avent,  on  leur 
attribue  les  parties  chantées  du  vingt-troisième 
dimanche  après  la  Pentecôte,  mais  on  leur  con- 
serve les  oraisons  et  les  lectures  comme  avant  la 
vSeptuagésime.  En  Carême,  on  a  maintenu  pour 
chaque  férié  la  prière  qui  se  disait  après  les 
postcommunions  sur  les  fidèles  inclinés  et  cette 
prière  sert  d'oraison  pour  les  vêpres  :  d'ordinaire 
la  collecte  de  la  messe  se  dit  comme  oraison  à 
toutes  les  heures  de  l'office  divin.  —  La  liturgie 
de  saint  Pie  V  a  maintenu  certaines  pratiques  des 
premiers  siècles,  particulièrement  les  pratiques 
annexées  à  la  préparation  des  catéchumènes  pour 
le  baptême  solennel  administré  le  samedi  saint. 
Ainsi  le  mercredi  qui  suit  le  quatrième  dimanche 
de  Carême  et  le  mercredi  saint  ont  deux  oraisons 
et  deux  lectures  ;  les  offices  du  vendredi  saint, 
ceux  des  samedis,  vigiles  de  Pâques  et  de  la 
Pentecôte  ont  une  structure  à  part.  Les  mercredis 
des  Quatre-Temps  ont  aussi  double  oraison  et 
double  lecture  ;  quant  aux  samedis  des  Quatre- 
Temps,  ils  ont  six  oraisons  et  six  lectures  avant 
l'évangile,  la  cinquième  tirée  de  Daniel  est  suivie 


122  LE    MISSEL    ROMAIN 

du  cantique  :  Bejtedictus  es  emprunté  au  même 
prophète.  —  Vers  le  xr  siècle,  un  changement 
des  lectures  évangéliques  à  partir  du  dixième 
dimanche  après  la  Pentecôte  a  brisé  l'harmonie 
entre  collectes,  leçons  et  chants  ;  l'Eglise  n'a  pas 
cru  devoir  rétablir  la  disposition  antérieure  à  cette 
époque. 

3.  Propre  des  Saints.  —  On  a  soigneusement 
conservé  dans  le  Missel  de  saint  Pie  V  les  messes 
des  saints  honorés  primitivement,  quoique  à  la 
même  date  du  calendrier  d'autres  saints  aient  été 
substitués  :  par  exemple  :  au  19  janvier,  les  saints 
Marins,  Marthe,  Audifax  et  Abacum,  à  côté  de 
saint  Canut,  au  12  juin,  les  saints  Basilide,  Cyrin, 
Nabor  et  Nazaire  à  côté  de  saint  Jean  de  saint 
Facond,  etc.,  ces  messes  en  effet  sont  les  plus 
anciennes  et  ont  été  dans  la  suite  utilisées  parfois 
pour  les  communs.  Le  calendrier  du  Missel, 
comme  celui  du  Bréviaire,  reçut  après  saint  Pie  V 
des  accroissements  dont  il  est  parlé  dans  l'opus- 
cule sur  le  Bréviaire. 

4.  CoiPifPiun  des  Saints,  —  Cette  partie  du  Missel 
est  amplement  fournie  :  on  y  recourt  pour  tous  les 
saints  qui  n'ont  pas  de  messe  propre  ou  pour 
lesquels  on  ne  trouve  que  des  oraisons  dans  la 
partie  précédente,  i.  Sauf  le  commun  des  saintes 
femmes  ajouté  sous  Clément  VIll,  la  série  des 
communs  dans  le  Missale  Piamtin  est  celle  de  nos 
missels  actuels.  Elle  comprend  :  la  vigile  des 
Apôtres  (une  messe)  (i),  un  martyr  pontife 
(deux  messes),  un  martyr  non  pontife  (deux 
messes),  un  ou  plusieurs  martyrs  au  temps  pascal 
(trois  messes),  plusieurs  martyrs  en  dehors  du 
temps  pascal  (trois  messes),  un  confesseur  pontife 


(i)  Il  n'y  a  pas  de  Commun  pour  les  Apôtres,  parce  que 
chaque  apôtre  ou  groupe  d'apôtres  figure  dans  le  propre  des 
saints  avec  une  messe  spéciale. 


LE    MISSEL    ROMAIN  12^ 

(deux  messes),  un  docteur  pontife  ou  non  pontife 
(une  messe),  un  confesseur  non  pontife  (deux 
messes),  un  abbé  (une  messe),  les  vierges  martyres 
(deux  messes),  les  simples  vierg-es  (deux  messes), 
les  saintes  femmes  martyres  ou  non  (une  messe). 
Cette  série  se  termine  avec  la  messe  pour  l'Anni- 
versaire de  la  Dédicace.  —  2.  On  peut  ranger 
dans  cette  partie  du  Missel  les  anciennes  messes 
votives.  Ce  sont  les  messes  en  l'honneur  de  la 
Sainte  Trinité  (i),  des  saints  Anges,  des  saints 
Apôtres  Pierre  et  Paul,  du  Saint-Esprit,  du 
Saint-Sacrement,  de  la  Croix,  de  la  Passion,  de 
la  Sainte  Vierge  (il  y  a  des  messes  de  Beata  Vir- 
gine  pour  les  diverses  époques  de  l'année). 
Viennent  des  messes  votives  pour  circonstances 
particulières  :  élection  du  vSouverain  Pontife, 
élection  et  consécration  d'un  évêque,  extinction 
d'un  schisme,  une  nécessité  quelconque,  rémission 
des  péchés,  grâce  d'une  bonne  mort,  contre  les 
païens,  pourletemps  deguerre,  pourlapaix,  contre 
la  mortalité  et  la  peste,  pour  les  malades,  pour  les 
pèlerins  et  les  voyageurs,  pour  un  mariage  ;  une 
série  d'oraisons  diverses  fait  suite  à  ces  messes, 
et  la  liste  se  clôt  par  les  messes  des  défunts  (com- 
mémoraison  du  2  novembre,  jour  de  la  mort  ou  de 
la  sépulture,  anniversaire,  quotidienne)  avec  des 
oraisons  diverses  pour  les  défunts. 

III.  Appendice  au  Missel  —  i.  Ce  sont  les 
bénédictions  diverses  qui  peuvent  être  données 
avant,  pendant  ou  après  la  messe  :  la  liste  s'ouvre 
par  la  bénédiction  et  l'aspersion  de  l'eau,  et 
comprend  des  bénédictions  d'aliments  (agneau 
pascal,  œufs,  pain,  fruits  nouveaux),  des  bénédic- 
tions   d'objets   ou     de  lieux    (cierges,   nouvelle 

(i)  Nous  devons  à  Alcuin  cette  messe  de  la  Sainte  Trinité  ; 
sauf  pour  les  lectures,  elle  a  été  utilisée  pour  la  fête  de  ce 
mystère. 


124  LE    MISSEL    ROMAIN 

habitation ,  etc.),  bénédictîonsdes  vêtements  sacer- 
dotaux et  ling-es  sacrés  (réservées  aux  Evêques). 
2.  Enfin  le  recueil  se  termine  parla  série  des 
nouvelles  jnesse s  votives  concédées  en  1883  par 
Léon  XIII  pour  chaque  jour  de  la  semaine  et  mises 
en  harmonie  avec  les  offices  votifs  du  Bréviaire. 

Article  III.  —  Accueil  fait  au  Missale  Pianum 
et  sa  prompte  diffusion. 

I.  —  Comme  l'apparition  du  Bréviaire,  celle 
du  Missel  fut  accueillie  dans  toute  l'Eglise  avec 
une  véritable  joie.  Ce  Missel,  dit  Dom  Guéran- 
ger,  était  puisé  aux  sources  les  plus  pures  de 
l'antiquité,  restitué  conformément  à  l'antique 
règle  des  saints  Pères  ;  il  mettait  fin  aux  désordres 
et  à  l'anarchie  dans  le  culte  divin  et  unissait  toute 
les  églises  de  la  chrétienté  dans  une  même  sup- 
plication (i).  Toutefois  il  admettait  certains  tem- 
péraments pour  les  traditions  locales  et  les  cou- 
tumes que  recommandait  une  pratique  déjà 
ancienne  ;  les  églises  en  possession  d'un  Missel 
particulier  depuis  deux  cents  ans  pouvaient  ou 
garder  leur  Missel  ou  adopter  le  Romain. 

Partout,  en  Occident,  on  se  conforma  à  la  bulle 
de  saint  Pie  V.  Parmi  les  églises  admises  à  béné- 
ficier d'une  exception,  les  unes  renoncèrent  pure- 
ment et  simplement  à  leurs  privilèges  et  prirent  le 
Missel  Romain  ;  telles  furent,  en  Italie,  l'église 
d'Aquilée,  toutes  les  églises  de  Sicile  ;  en  Es- 
pagne, les  églises  de  Tolède  et  de  Séville.  A 
quelques  exceptions  près,  cet  exemple  fut  suivi 
en  Portugal,  dans  les  vastes  possessions  espa- 
gnoles et  portugaises,  puis  en  Belgique,  Autriche 
Hongrie,  Pologne.  En  France,  les  huit  conciles 
provinciaux  de  Rouen,   de  Reims,  de  Bordeaux, 

(i)  Institutions  liturgiques,  t.  I,  p.  427. 


LE   MISSEL    ROMAL\  125 

de  Tours,  de  Bourg-es,  d'Aix,  de  Toulouse  et  de 
Narbonne  procurèrent  l'exécution  de  la  bulle  de 
saint  Pie  V  ;  des  mesures  analogues  furent  prises 
dans  les  autres  provinces  où  Ton  ne  tint  pas  de 
Concile.  L'Ang"leterre  passée  tout  entière  au  pro- 
testantisme resta  en  dehors  de  ce  mouvement, 
mais  les  missionnaires  catholiques  y  firent  entrer 
insensiblement  et  à  la  longue  la  réforme  de  saint 
Pie  V. 

Plus  rares,  comme  on  le  voit,  furent  les  églises 
qui  profitèrent  de  l'exception  ;  on  cite  en  Italie 
l'église  de  Milan.  Saint  Charles  Borromée  qui  la 
gouvernait  alors  maintint  avec  un  grand  zèle  la 
vénérable  liturgie  ambrosienne  ;  mais  en  même 
temps,  il  procura  l'introduction  du  Missel  de 
saint  Pie  V  dans  toutes  les  églises  de  sa  ville,  de 
son  diocèse  et  de  sa  métropole,  obligées  par  le 
droit  ou  la  coutume  à  suivre  le  rite  romain. 
L'église  de  Brague  en  Portugal  conserva  sa  litur- 
gie propre,  conforme  d'ailleurs  au  romain  à  part 
quelques  particularités.  On  fit  aussi  d'abord 
quelques  réserves  dans  les  villes  des  bords  du 
Rhin,  comme  Cologne,  Trêves,  Mayence,  Cons- 
tance, Wurtzbourg,  Worms  et  Spire;  ces  réserves 
durèrent  peu  de  temps.  Il  en  fut  de  même  dans  la 
Suisse  et  la  Franche-Comté.  En  France,  la  métro- 
pole de  Vienne  ne  fit  qu'épurer  ses  anciens  livres; 
Sens  et  les  églises  qui  en  dépendaient  comme 
Paris,  Meaux,  Chartres  suivirent  cet  exemple. 

Rome  d'ailleurs  se  prêta  volontiers  à  la  conces- 
sion de  propres  diocésains  où  les  usages  locaux 
s'unissaient  aux  pures  traditions  romaines.  On  eut 
ainsi  les  Missalia  ad  Romani  formant,  ou  Juxta 
mentem  Concilii  Tridentini {i). 

(i)  Dora  Guéranger  Institutions  liturgiques,  t.  I,  p.  427. 
Du  Lac,  La  Liturs^ie  romaine  et  les  liturgies  françaises ^ 
p.  2o3.  Voir  aussi  dans  le  Bréviaire  Romain,  ses  origines, 
9on  histoire,  les  pages  116  à  122. 


126  LE   MISSEL    ROMAIN 

L'acceptation  du  Missel  de  saint  Pie  V  revêtit 
les  mêmes  caractères  chez  les  Ordres  religieux. 
Les  moines  bénédictins,  dont  le  Missel  n'était 
autre  que  le  Missel  romain,  adoptèrent  le  Missale 
Piamtin.  Les  Carmes  et  les  Carmélites  de  l'an- 
cienne observance  g-ardèrent  leur  liturgie,  comme 
aussi  les  Chartreux.  Parmi  les  Ordres  mendiants, 
les  Dominicains  conservèrent  certains  rites  et 
certaines  prières  de  l'ordinaire  de  la  messe,  tout 
en  ayant  le  Romain  pur  dans  le  texte  de  leur 
Missel.  Les  Franciscains  avaient  déjà  le  Missel  de 
la  curie  romaine,  ils  prirent  le  Missel  de  saint 
Pie  V  en  y  fondant  leur  propre.  Les  Ordres  des 
Clercs  réguliers  suivirent  sans  exception  les 
nouveaux  livres  ;  les  Théatins  avaient  pris  une 
part  active  à  cette  réforme  ;  les  Jésuites,  par  la 
volonté  de  leur  saint  fondateur  devaient  suivre  la 
forme  d'office  observée  parTEglise  romaine  ;  les 
autres  familles  religieuses  du  même  genre  mar- 
chèrent sur  ces  nobles  traces.  Les  Prémontrés 
exceptés,  tous  les  Ordres  de  chanoines  réguliers 
embrassèrent  partout  la  liturgie  réformée.  Quant 
aux  religieuses,  celles  qui  se  rattachaient  aux 
divers  Ordres  d'hommes  les  imitèrent  ;  celles  dont 
l'institut  était  isolé  adoptèrent  sans  plus  varier 
jamais  les  livres  de  la  liturgie  romaine. 


IL  —  En  conséquence,  on  vit  se  multiplier 
partout  les  éditions  du  Missale  Piaintm  avec  la 
Constitution  du  Souverain  Pontife.  Il  est  impos- 
sible de  les  mentionner  toutes  :  la  première  en 
date,  imprimée  à  Rome  en  1570,  contient  une 
correction  au  texte  évangélique  du  mardi  après 
le  troisième  dimanche  de  Carême.  Aux  mots  du 
début  : 

In  illo  teinpore  respiciens  Jésus  in  discipttlos 
suos,  dixit  Sifnoni  PeU^o  :  Si  peccaverit...  on  a 


LE   MISSEL    ROMAIN  I27 

substitué  :  In  illo  tempore^  dixit  Jésus  discipulis 
suis  :  Si peccaverit...  (i). 

L'édition  de  Venise  de  1596  fut  siornalée  bien- 
tôt comme  inexacte  ;  on  y  avait  fait  au  Missale 
Piaiitwt  des  additions,  des  retranchements  et  des 
changements.  Elle  fut  prohibée  par  décret  de  la 
Sacrée  Congrégation  de  l'Index  (i'^^ février  1601). 
On  le  voit,  Rome  veillait  à  ce  que  son  œuvre  fut 
intégralement  conservée  et  transmise. 


CHAPITRE  ni 
Le  Missel  romain  aux  XVII^  et  XVIIF  siècles 


Article  L  —  Corrections  et  additions  émanant 
de  Pautorité  légitime. 

L  Corrections.  —  i.  Sotts  Clément  VIII. 
(1592-1605). — Vingt-cinq  ans  s'étaient  à  peine 
écoulés  et  le  Missel  publié  par  ordre  de  saint 
Pie  V  avait  déjà  subi  des  altérations  plus  nom- 
breuses que  celles  du  Bréviaire.  On  avait  indis- 
crètement corrigé,  d'après  la  version  de  la  Bible  de 
saint  Jérôme,  des  introïts,  graduels  et  offertoires 
dont  le  texte,  vénérable  par  son  antiquité,  était 
tiré  de  l'ancienne  Vulgate;  on  avait  bouleversé 
plusieurs  épîtres  et  évangiles  qui  se  lisaient  dans 
les  messes  solennelles  ;  on  avait  donné  aux  évan- 
giles des  préludes  tout  à  fait  insolites,  modifié 
plusieurs  autres  points  d'une  façon  arbitraire. 
Une  commission  fut  donc  établie  ;  parmi  ses 
membres  on  comptait  Baronius,  Bellarmin,  Ghis- 

(i)  Zaccaria,  Bibliotheca  rihmlis,  t.  I,  p.  54.  Pour  des  ren- 
seignements plus  complets  sur  ces  éditions  du  Missel  Romain, 
voir  J.  Weale  :  Catalogus  Missaliu^n  ritus  laiini  ab  anno 
1S75  impressorum,  Londmiy  1886. 


128  LE   MISSEL   ROMAIN 

leri,  Gavanti,  etc.  ;  elle  eut  pour  tâche  de  ramener 
à  son  intégrité  primitive  le  Missel  Romain.  Elle 
s'en  acquitta  sans  retard,  rétablit  l'ancienne  leçon 
sur  la  foi  des  plus  graves  exemplaires,  fit  aussi 
plusieurs  améliorations,  en  particulier  pour  le 
développement  et  l'éclaircissement  des  rubriques  ; 
puis  elle  créa  un  commun  des  saintes  femmes. 
Certaines  fêtes  dont  le  rite  avait  été  abaissé  par 
saint  Pie  V  furent  relevées,  d'autres  furent  intro- 
duites dans  le  calendrier.  Cette  augmentation 
amena  une  quatrième  catégorie  de  fêtes,  celle  des 
doubles  majeures  qui  prit  rang  entre  les  doubles 
de  seconde  classe  et  les  doubles  (i).  Clément  VIII, 
après  Sixte-Quint  (1589),  avait  soumis  la  Vulgate 
à  une  nouvelle  revision,  mais  il  défendit  de  rem- 
placer dans  le  Missel  les  textes  provenant  de 
l'ancienne  version  italique  ;  on  vient  de  voir  que 
des  éditeurs  s'étaient  montrés  trop  entreprenants 
à  ce  sujet  après  l'œuvre  de  Sixte-Quint. 

Enfin  Clément  VIII  prit  les  précautions  pour 
conserver  dans  son  intégrité  l'édition  du  Missel 
publiée  sur  son  ordre;  des  peines  furent  édictées 
contre  les  infracteurs  et  le  tout  fut  consigné  dans 
le  Bref  Cuin  sanciissimum  placé  en  tête  des  édi- 
tions après  la  Bulle  de  saint  Pie  V. 

2.  Sous  Urbain  F/// (162 3- 1644).  —  Il  paraît 
que  les  précautions  de  Clément  VIII  ne  produi- 
sirent pas  tout  l'effet  désirable,  car,  en  1634, 
Urbain  VIII  publiait  un  nouveau  Bref  :  Si  quid 
est  in  rébus  hufnanis,  ajouté  aux  deux  autres  dans 
les  éditions  ultérieures  du  Missel.  C'était  la  sanc- 
tion de  l'œuvre  accomplie  par  une  nouvelle  com- 
mission instituée  pour  corriger  et  expliquer  les 
rubriques  du  Missel,  rétablir  dans  ce  livre  litur- 


(i)  Pour  les  nouvelles  fêtes  introduites  sous  Clément  VIII 
et  ses  successeurs  immédiats,  A'oir  le  Bréviaire  Romain, 
pp.  128-129. 


LE    MISSEL    ROMAIN  1 29 

gique  le  texte  de  l'Ecriture  altéré  en    quelques 
endroits. 

Ces  deux  actes  officiels  prouvent  la  vigilance  et 
le  soin  des  pontifes  de  Rome  pour  conserver 
l'œuvre  de  saint  Pie  V,  en  même  temps  le  zèle 
actif,  intelligent  et  discret  pour  y  apporter  les 
améliorations  jugées  nécessaires. 

IL  Additions.  —  Cependant  les  mêmes  Pontifes 
autorisèrent  de  nouvelles  entrées  au  Missel  Romain 
en  harmonie  avec  celles  du  Bréviaire.  Il  nous 
suffirait  de  renvoyer  à  notre  opuscule  sur  le  Bré- 
viaire Romain  pour  les  renseignements  à  ce  sujet 
si  nous  ne  devions  signaler  les  fêtes  auxquelles 
une  messe  propre  fut  concédée  :  c'est  ce  que  nous 
ferons  le  plus  brièvement  possible. 

vSoiis  Grégoire  XIII  (157 2- 15 85),  fut  instituée 
une  fête  particulière  du  Saint  Rosaire  :  elle  ne 
paraît  pas  avoir  eu  primitivement  une  messe 
spéciale. 

Sous  Sixte- Qinnt  [i^'è^-i^go) y  l'impression  des 
stigmates  de  saint  François,  étendue  à  toute 
l'Eglise,  reçut  un  introït  approprié  :  Milii  autent 
absit gloriari...  mais  les  autres  parties  chantées 
furent  tirées  du  commun  (i). 

Sous  6^r^^<9?r^  X/^(  162 1- 1623), les  saintsjésuites 
Ignace  de  Loyola,  François  Xavier,  Louis  de 
Gonzague,  inscrits  au  propre,  eurent  chacun  leur 
messe  ;  de  même  aussi  saint  Philippe  de  Néri. 

Parmi  les  fêtes  introduites  au  calendrier  sous 
Urbain  VIII  (1623- 1644)  ^^  ^^^  successeurs  jus- 
cju'à  Clément  XI  (1670- 1676),  seule  celle  des 
vSaints  Anges  Gardiens  a  une  messe  propre  ; 
encore  les  parties  en  sont-elles  empruntées  à  la 
fête  du  29  septembre. 

(i)  Pour  les  nouvelles  fêtes  introduites  sous  Clément  VIII 
et  ses  successeurs  immédiats,  voir  le  Bréviaire  Romain, 
pp.  128-129. 

LE  MISSEL  ROMAIN.  —  Tome   \\.  o 


K^O  Lli    MISSEL    ROMAIN 

Pendant  le  xvur  siècle,  les  messes  propres  à 
mentionner  sont  celles  du  Sacré  Cœur  de  Jésus, 
concédée  par  Clément  XIII  en  1765  (i)  ;  celles 
des  saints  Jérôme  Emilien,  Joseph  Calasanz  et 
Joseph  de  Cupertino  établies  sous  Clément  XIV 
(1769- 1774),  de  saint  Jean  de  Kenty  établie  sous 

Pïe  VI{iT^s-^199)' 

Signalons,  pour  n'y  plus  revenir,  les  nouvelles 

messes    instituées    pendant   la  première    moitié 

du  XIX®  siècle  :  la  messe  propre  de  saint  Alphonse 

de  Lig-ori  canonisé  sous  Grégoire XVI { 1 83 1  - 1 846) . 

Auparavant  P/(?   VII  (1800-1823)  avait  établi  au 

24  mai  la  fête  de  Notre-Dame  Auxiliatrice  (la 

messe  est  empruntée  au  commun  des  messes  de 

la  Sainte  Vierge)  et  la  fête  des  Sept  Douleurs  au 

troisième  dimanche  de  septembre  (même  messe 

que  pour  la  fête  de  la  Compassion  précédemment 

fixée  au  vendredi  de  la  Passion). 

Article  IL  —  Atteintes  portées  au  Missel 
Romain  dans  les  diocèses  de  France  et 
les  autres  régions  de  l'Europe. 

I .  Le  Parlement  de  Paris  ne  paraît  pas  avoir 
eu  confiance  dans  l'amélioration  des  livres  litur- 
giques opérée  à  Rome  :  offusqué  de  ne  pas  trou- 
ver le  nom  du  roi  dans  le  Missel  Romain,  il  statua 
de  son  autorité  laïque,  matérielle,  de  tous  points 
incompétente,  que  les  imprimeurs  du  royaume 
devraient  ajouter  au  canon  de  la  messe  les  mots  : 
Pro  rege  Nostro  N,  (1580).  L'Espagne  catho- 
lique, par  respect  pour  l'autorité  religieuse  en 
pareille  matière,  avait  au  moins  consulté  Rome 

(i)  La  fête  du  Saint  Cœur  de  Marie  était,  dès  le  xvii'  siècle J 
célébrée  avec  une  messe  propre  dans  la  Congrégation  du  bien-l 
heureux  Jean  Eudes,  en  Normandie  ;  mais  elle  ne  fut  intronj 
duite  dans  quelques  églises  de  Rome  qu'au  début  du  xix'  siècle] 
sous  Pie  VII. 


LE    MISSEL    ROMALM  1  .^  I 

avant  d'agir  (i).  Les  magistrats  parisiens  sen- 
taient qu'une  opposition  sourde  contre  les  anti- 
ques principes  de  la  liturgie  allait  bientôt  se 
produire  dans  les  rangs  du  clergé  :  leurs  prévi- 
sions n'étaient  que  trop  fondées. 

Dès  1483,  le  chapitre  de  Notre-Dame  de  Paris 
refusait  de  recevoir  la  liturgie  romaine  ;  il  fallut 
toute  l'habileté  del'évèque  Pierre  de  Gondy  et  de 
la  commission  établie  par  lui  pour  introduire  à 
peu  près  tous  les  usages  romains  dans  la  liturgie 
parisienne. 

Au  commencement  du  xyil*^  siècle,  comme 
on  l'a  vu  dans  le  chapitre  précédent,  l'église  de 
France  possédait  l'unité  liturgique  ;  l'assemblée 
du  clergé  de  1605  alla  jusqu'à  voter  un  subside 
pour  l'impression  des  livres  de  la  liturgie  romaine. 
Bientôt  cette  entente  disparaît.  L'évêque  d'An- 
gers, Charles  Miron,  ordonne  l'introduction  de  la 
liturgie  romaine  dans  l'église  de  la  Trinité  de  sa 
ville  épiscopale  ;  le  chapitre  résiste,  puis  de 
concert  avec  l'abbesse  et  les  religieuses  de  Ron- 
ceray  interjette  appel  au  parlement  de  Paris. 
Celui-ci  casse  les  ordonnances  épiscopales  par 
arrêt  de  1603.  L'assemblée  du  clergé  de  1605  pro- 
teste contre  cet  arrêt,  mais,  par  une  singulière 
anomalie,  concède  au  roi  un  droit  spécial  sur  le 
culte  divin,  ordonne  l'insertion  des  mots  :  Pro 
rege  Nostro  N.  dans  le  canon  de  la  messe,  confor- 
mément aux  prescriptions  du  parlement.  Cin- 
quante ans  s'écoulent  à  peine,  et  l'on  voit  la  secte 
janséniste  renouveler  contre  le  Missel  romain  les 
attaques  du  protestantisme,  au  nom  des  mêmes 
principes  erronés.  Le  coup  d'essai  de  la  secte  est 
donné  en  1660  par  la  traduction  complète  du 
Missel  du  docteur  Joseph  de  Voisin  (2).  En  1684, 

(i)Dom  Guéranger,  Institutions  liturgiques,  t.  1  451. 
(2)  Ibid.,  t.  II,  p.  II -12. 


l32  LE   MISSEL   ROMAIN 

l'archevêque  François  de  Harlay  fait  à  l'ég-lise  de 
de  Paris  le  don  d'un  nouveau  Missel  ;  non  seule- 
ment il  y  change  les  rubriques,  mais  rappelant 
la  maxime  protestante  au  sujet  de  l'Ecriture,  il 
supprime  dans  les  parties  chantées  toutes  les  for- 
mules de  style  ecclésiastique  sans  égard  pour  le 
dogme  qu'elles  expriment,  pour  le  cachet  mer- 
veilleux et  poétique  qui  les  recommande.  Tels  le 
Salve  Sancta parens ,  le  Gaudeamus  omîtes. 

Par  une  étrange  contradiction,  F.  de  Harlay 
conserve  les  séquences,  se  permet  d'en  mutiler  et 
modifier  quelques-unes,  supprime  les  épîtres  em- 
pruntéesaux  Livres  vSapientiaux  pour  louer  Marie. 
Comme  ces  mutilations  n'atteignent  pas  la  ving- 
tième  partie   de   l'Antiphonaire   Grégorien,    on 
croit  pouvoir  dire  encore  que  la  liturgie  de  Paris 
demeure  la  liturgie  romaine  (i).  Bientôt  la  secte 
janséniste  pousse  plus  loin  ses  audacieuses  nou- 
veautés   et    tente    d'introduire    la    récitation   du 
canon  de  la  messe  à  haute  voix.  A  Meaux,  par 
les  soins  de  l'abbé  Ledieu,  on  voit  dans  le  Misse' 
de   1709  des  rj"  Amen  introduits  à  la  suite   des 
formules  de  la  consécration  et  de  la  communion. 
Une  polémique  s'engage  à  ce  sujet,  et,  malgré 
la  dissertation  du  P.   Lebrun    (1725)    les    nova 
teurs  poursuivent  leur  œuvre  (2).  Ainsi  le  Misse 
de  Troyes  de  1736,    publié   par  mandement  d( 
l'évêque,  neveu  du  grand  Bossuet,  porte  entr« 
autres  rubriques  que  le  canon  de  la  messe  doi 
être  récité,  non  secrètement  secreto submissavoce 
comme  on  lisait  dans  les  Missels  antérieurs,  mai 
sitbmissiori  voce^  c'est-à-dire  à  voix  plus  basse  qu 
les  autres  parties  de  la  messe  :  on  n'ose  pas  raainm 
tenir  les  Rf  Amen^  mais  on  tend  au  même  but  pa^ 

il 
(i)    Dom     Guéranger,    Institutions     liturgiques,    t.    il 
pp.  5i-58. 

(2)  Ibid.,  t.  II,  p.  i38. 


LE   MISSEL   ROMAIN  l33 

une  voie  détournée.  Le  même  Missel  supprime 
aussi,  pour  la  communion  des  fidèles,  l'usag-e 
ancien  de  réciter  :  Conjîteor...,  Misereatur...  et 
même  les  paroles  :  Ecce  Agiius  Dei  (\).  Contre  le 
Missel  de  Troyes,  Lang-uet,  archevêque  de  Sens, 
se  fait  le  défenseur  de  la  tradition  au  nom  des 
principes  de  la  sainte  liturgie  ;  malheureusement 
il  avait  lui-même  battu  en  brèche  sa  protestation 
par  la  réforme  du  Bréviaire  de  son  diocèse  (2). 

Les  novateurs  ne  se  laissent  pas  arrêter  pour 
si  peu  dans  ce  qu'ils  appellent  la  régénération  du 
culte  entier.  A  Paris,  sous  le  patronage  de 
l'archevêque,  M.  de  Vintimille,  paraît,  en  1738, 
un  Missel  bien  supérieur,  dit-on,  à  celui  des 
de  Harlay  et  de  Noailles  (il  est  vrai  qu'on  en  a 
confié  la  rédaction  à  l'acolyte  Mésenguy).  On  y 
maintient  d'ordinaire  les  épîtres  et  évangiles  du 
propre  du  temps,  mais  on  en  change  presque  tous 
les  introïts,  sans  égard  pour  les  pratiques  de  la 
diplomatique  ancienne  qui  se  servait  des  premiers 
mots  pour  distinguer  les  dimanches  de  l'année  ; 
quelques  introïts  conservés  sont  déplacés  sans 
raison,  ainsi  le  Vocein  jtLCitnditatis  passe  du 
5^  au  3^  dimanche  après  Pâques.  On  veut  bien 
encore  conserver  les  anciennes  collectes  tirées 
des  Sacramentaires,  mais  on  ajoute  de  nouvelles 
préfaces  composées  par  le  janséniste  Boursier  ; 
des  proses  nouvelles  sont  également  ajoutées  et 
l'on  corrige  les  anciennes,  etc.  — La  discordance 
entre  les  oraisons  de  l'office  et  celles  de  la  messe 
dénote  une  certaine  précipitation  de  la  part  des 
rédacteurs.  Le  Missel  parisien  de  Vintimille  est 
en  soi  moins  répréhensible  que  son  Bréviaire,  il 
n'en  contribue  pas  moins  efficacement  à  éliminer 
la  liturgie  romaine,  soit  à  Paris,   soit  dans  les 

(i)  Dom  Guéranger, /3/û?.,  t.  II,  p.  141. 
(2)  Ibid.,  t.  II,  pp.  143-181. 


104  LE   MISSEL   ROMAIN 

divers  diocèses  qui  avoisinent  la  capitale,  comme 
Blois,  Evreux,  Séez,  etc.  (i) 

Le  Missel  d'Amiens  de  1746  affiche  la  préten- 
tion d'être  plus  catholique  que  le  pape  ;  beaucoup 
des  collectes  des  dimanches  après  la  Pentecôte, 
où  se  trouve  préconisée  la  doctrine  de  la  grâce, 
sont  supprimées,  l'évangile  de  chaque  dimanche 
devient  la  base  de  la  messe  entière.  Sous  ces 
rapports,  le  document  se  montre  plus  révolution- 
naire que  les  autres  Missels  de  l'église  galli- 
cane (2). 

Le  Missel  de  Poitiers  (1766),  rédigé  par  le 
lazariste  Jacob,  enchérit  sur  les  nouveautés  précé- 
dentes ;  on  y  supprime  tous  les  anciens  introïts, 
y  compris  le  Quasiinodo  qui  est  remplacé  par 
Beata  Gens.  Pendant  que  Jacob  avait,  au  Bré- 
viaire, supprimé  toutes  les  antiennes  tirées  des 
psaumes,  il  entend  ici  prendre  tous  les  introïts  de 
la  messe  dans  le  psautier,  mais  il  écarte  systémati- 
quement ceux  qu'avait  choisis  saint  Grégoire  (3). 

Désormais,  pendant  tout  le  cours  du  XYIIl"^ siècle, 
on  ne  comptera  plus  les  innovations  liturgiques 
dans  les  divers  diocèses  de  France.  Lyon  garde 
ses  cérémonies,  mais  adopte  les  livres  de  Paris 
sous  l'archevêque  janséniste  Montazet,  Vienne 
reçoit  de  l'archevêque  Lefranc  de  Pompignan  une 
liturgie  également  éloignée  du  romain  et  de 
l'antique  viennois,  etc.  Bref,  en  ce  temps  de 
défiances  à  l'égard  de  ce  qui  vient  de  Rome, 
chacun  fait  une  liturgie  selon  ses  idées  parti ctilièr es , 
tout  le  monde  oublie,  délaisse,  rejette  la  liturgie 
universelle.  On  a  la  liturgie  des  jansénistes,  la 
liturgie  des  catholiques  ;  mais  catholiques  et 
jansénistes  se  piquent  d'émulation,  fabriquent  des 

(i)  Dom  Guéranger,  Ibîd.,  t.  II,  pp.  314  et  seq. 

(2)  Ihid.,  t.  II,  p.  345. 

(3)  Ibid.,  t.  Il,  p.  5o8. 


LE   MISSEL   ROMAIN  l35 

Bréviaires  et  des  Missels,  les  uns  comme  les  autres 
semblent  ne  pas  même  supposer  possible  un 
retour  aux  livres  traditionnels.  Ainsi,  prêtres 
et  évêques,  profondément  dévoués  à  Tég-lise, 
subissent  l'influence  du  gallicanisme,  du  jansé- 
nisme et  du  classicisme  (i).  —  Il  devait  en  être 
ainsi  jusque  dans  la  première  partie  du  XIX^  siècle, 
malgré  les  protestations  des  pontifes  romains, 
comme  Clément  XII  (1730- 1740),  Benoît  XIV 
(1740-1758),  etc. 

Dans  les  autres  pays  d'Europe  les  audacieuses 
entreprises  du  Jansénisme  contre  la  liturgie 
romaine  trouvèrent  un  certain  écho.  Joseph  II, 
surnommé  par  Frédéric  II  mon  frère  le  sacristain, 
ne  pouvait  manquer  de  réglementer  la  liturgie  à 
sa  façon.  Dans  les  provinces  ecclésiastiques  d'Al- 
lemagne, on  se  laissa  pénétrer  par  les  maximes 
antiliturgiques  prônées  en  France  :  ainsi  en  1748 
l'archevêque  de  Trêves  voulut  avoir  une  édition 
de  livres  liturgiques,  revue  et  corrigée  d'après  les 
types  français.  A  Cologne,  à  partir  de  1780,  on 
connut  des  innovations  analogues  ;  Munster  sui- 
vit cet  exemple  ;  l'électeur  et  archevêque  de 
Mayence  (1775-1802)  voulut  créer  un  nouveau 
Bréviaire  en  se  basant  sur  les  réformes  faites  à 
Cologne,  Munster  et  Trêves.  Les  innovations 
commençaient  par  le  Bréviaire  mais  s'étendaient 
bien  vite  au  Missel  pour  qu'il  y  eut  harmonie  entre 
l'un  et  l'autre. 

L'Italie  elle-même  fut  atteinte  :  au  Concile  ou 
Synode  de  Pistoie  (1786),  présidé  par  l'évêque  Sci- 
pion  Ricci,  on  s'inspira  tout  à  la  fois  de  l'esprit 
français  plus  subtil  et  de  l'esprit  allemand  plus 
hardi  pour  réformer  Bréviaire  et  Missel,  en  variant, 
corrigeant  et  mettant  dans  un  meilleur  ordre  les 
offices    divins.  Les  actes    de   ce   Synode   furent 

(i)  Du  Lac,  La  liturgie  romaine  et  les  littirgies  françaises, 
pp    242-243. 


l36  LE   MISSEL   ROMAIN 

condamnés  par  la  Bulle  Aîictoreni fidei  Am  pape 
Pie  VI  (28  août  1794  (i). 


CHAPITRE  IV 
Le  Missel  romain  au  XIX^  siècle. 


I.  Retozùr  de  la  France  et  des  pays  allemaitds  à 
la  liturgie  romaine.  —  Le  mouvement  de  réaction 
naquit  de  la  lassitude  occasionnée  par  tant  de  nou- 
veautés suspectes  ;  le  clerg-é  français  comprit  enfin 
la  nécessité  d'appuyer  la  doctrine  de  la  foi  sur  une 
liturgie  immuable,  universelle,  émanant  d'une  au- 
torité infaillible.  Je  n'ai  pas  à  redire  ici  la  grande 
part  prise  par  Dom  Guéranger,  abbé  de  Solesmes, 
dans  le  retour  des  diocèses  de  France  à  la  liturgie 
romaine.  L'unité  liturgique,  résultat  de  cette 
détermination,  était  un  fait  accompli  à  l'ouverture 
du  Concile  du  Vatican  (1869)  ;  trente  ans  avaient 
suffi  pour  réparer  un  égarement  de  cent  cinquante 
ans  (2). 

J'ai  résumé  en  quelques  lignes  le  retour 
définitif  des  diocèses  d'Allemagne  à  la  liturgie 
romaine  durant  le  XIX^  siècle  dans  l'opuscule  sur 
le  Bréviaire  (3). 

II.  Modifications  opérées  sous  Pie  IX  et  sous 
Léon  XIII .  —  L'accroissement  du  calendrier  sous 
ces  deux  grands  papes  est  assez  considérable. 
Beaucoup  des  fêtes  nouvellement  instituées  ont 

(i)  Dora  Guéranger,  Instihttions  lihtrgiques^  t.  II,  p.  259. 

(2)  La  plus  ancienne  des  liturgies  françaises,  celle  d'Orléans, 
est  de  1693  ;  la  plus  récente,  celle  de  Meaux  est  de  1834  j 
toutes  les  autres  se  placent  entre  ces  deux  limites  extrêmes, 
Du  Lac,  ouvr.  cité,  p.  255. 

(3)  P.  160.  —  De  plus  amples  détails  sont  donnés  dan£ 
D.  Baumer,  Histoire  du  Bréviaire  (trad.  Biron),  t.  II 
pp.  338-370. 


LE   MISSEL    ROMAIN  1^7 

une  messe  propre.  Telles  sont  les  fêtes  du  Précieux 
Sang  au  i^""  dimanche  de  juillet,  de  saint  Justin 
au  14  avril,  de  saint  Paul  de  la  Croix,  au  28  avril, 
de  saint  Boniface  au  5  juin,  des  saints  Cyrille  et 
Méthode  au  7  juillet  (quelques  parties  de  cette 
messe  sont  cependant  du  commun),  de  saint  Josa- 
phat  au  14  novembre,  de  l'Immaculée  Conception 
au  8  décembre.  Ajoutons  encore  comme  étant 
d'institution  plus  récente  les  messes  des  Sept  Fon- 
dateurs Servites  au  11  février,  de  saint  Jean 
Damascène  au  27  mars,  de  saint  Jean  de  Capistran 
au  28  mars,  de  saint  Jean-Baptiste  de  la  Salle  au 
15  mai,  de  saint  Antoine-Marie  Zaccaria  au  5  juil- 
let. Les  fêtes  nouvelles  occasionnent  parfois 
un  déplacement  de  date  des  fêtes  plus  anciennes  ; 
par  exemple  celle  de  saint  Zaccaria  a  fait  repor- 
ter au  7  juillet  la  fête  des  saints  Cyrille  et  Méthode. 
Sous  Léon  XIII  encore,  la  fête  du  Saint  Rosaire 
(i^""  Dimanche  d'octobre),  élevée  au  rang-  de  dou- 
ble de  2*^  classe,  a  reçu  une  nouvelle  messe  spé- 
ciale en  même  temps  qu'un  nouvel  office. 

L'accroissement  dans  le  nombre  des  fêtes  a  fait 
craindre  un  encombrement  du  calendrier,  d'autre 
part  il  n'était  pas  toujours  facile  de  trouver  une 
place  aux  fêtes  transférées  :  aussi  Léon  XIII  a 
cru  devoir  modifier  les  règles  concernant  la 
translation.  Cette  mesure  a  entraîné  des  modifi- 
cations dans  les  rubriques  générales  du  Missel 
comme  dans  celles  du  Bréviaire  :  à  partir  de  1897, 
les  nouvelles  éditions  devront  tenir  compte  des 
additions  et  corrections  prescrites.  Enfin  la 
concession  (1883)  de  messes  votives  pour  chaque 
jour  de  la  semaine  a  entraîné  une  nouvelle  addi- 
tion au  Missel.  Il  est  vrai  que  cette  addition  est 
peu  considérable  car  la  plupart  de  ces  messes  se 
trouvaient  déjà  dans  le  corps  du  recueil  ;  on  se 
contente  d'y  renvoyer. 

Les  règles  établies  restent  toujours  subordon- 


l38  LE    MISSEL   ROMAIN 

nées  aux  modifications  de  détail  occasionnées 
par  un  changement  de  circonstances  ;  les  Souve- 
rains Pontifes  prononcent  en  dernier  ressort, 
mais  pour  s'éclairer  eux-mêmes  sur  l'opportunité 
des  modifications  à  faire,  ils  ont  établi  la  Sacrée 
Congrégation  des  Rites  (1587).  Vers  la  fin  de  son 
pontificat,  Léon  XIII  a  de  plus  créé  une  Commis- 
sion liturgique  pour  rendre  aussi  conformes  que 
possible  aux  données  de  l'histoire  les  prochaines 
éditions  du  Bréviaire,  du  Missel,  du  Pontifical  et 
du  Rituel.  Ainsi  l'Eglise  romaine,  jalouse  de 
conserver  intacts  les  livres  liturgiques  qu'elle  a 
reçus  des  siècles  antérieurs,  reconnaît  néanmoins 
la  possibilité  de  les  améliorer  et  de  les  perfec- 
tionner. 


Conclusion 

Jetons  un  regard  en  arrière  sur  le  chemin  par- 
couru dans  cette  étude.  Pendant  les  cinq  premiers 
siècles,  malgré  le  mystère  qui  planesur  la  célébra- 
tion du  saint  Sacrifice,  malgré  la  réserve  avec  la- 
quelle en  parlent  les  premiers  apologistes  et  les 
plus  anciens  Pères,  on  peut  néanmoins  établir  les 
éléments  essentiels  de  ce  grand  acte,  constater  leur 
identité  avec  ceux  qui  le  constituent  présentement 
dans    l'Église    romaine.    L'Orient   et  l'Occident 
s'accordent  pour  présenter  au  Seigneur  une  même 
oblation,   fondée   sur   l'acte  divin  accompli   par 
Jésus-Christ  à  la  Cène,  renouvelée  en  conformité 
avec  la  prescription  donnée  par  l'Homme-Dieu  à 
la  veille   même  de  sa  mort.  De  part  et  d'autre, 
on  trouve  dans  la  messe  deux  parties  distinctes, 
savoir  :  la  messe  des  catéchumènes  où   domine 
l'instruction  ;  les  lectures,  la  prière  et  les  chants 
en   forment    l'élément   principal  ;    la    messe    des 
fidèles  dont  les  actes  essentiels  sont  l' Oblation,  la 


LE    MISSEL    ROMAIN  lô() 

Consécration  et  la  Communion.  Dans  la  Consé- 
cration est  le  centre  même  du  vSacrifice  ;  les 
paroles  de  l'Institution  de  l'Eucharistie  s'y 
retrouvent  partout  et  toujours  ;  partout  et  tou- 
jours aussi  l'acte  de  la  fraction  en  est  l'accompa- 
gnement obligé,  à  tel  point  que  l'expression 
fracUo  panis  a  longtemps  été  employée  pour 
désigner  le  Sacrifice  lui-même.  Quant  aux  for- 
mules et  à  leur  ordre  de  succession,  l'Occident 
voit  s'établir  au  v^  siècle  deux  courants  dont  l'un 
(le  courant  gallican)  prétend  se  rattacher  plus 
étroitement  aux  pratiques  orientales. 

Du  V^  aie  IX^  sûcle,  les  formules  et  lectures  qui 
accompagnent  l'offrande  du  saint  Sacrifice  sont 
distribuées  entre  plusieurs  recueils  ayant  chacun 
sa  destination  spéciale.  Le  Sacrameiitarre ,  à 
l'usage  du  célébrant,  est  le  principal  et  le  plus 
important  :  là  sont  consignées  les  prières  récitées 
à  l'autel,  et  surtout  les  prières  du  canon,  elles  ten- 
dent à  s'y  fixer  d'une  façon  invariable  pour  toutes 
les  églises  occidentales.  Rome  fournit  les  plus 
anciens  de  ces  recueils  dans  les  vSacramentaires 
Léonien,  Gélasien  et  Grégorien.  Le  Gélasien 
pénètre  le  premier  en  Gaule  oii  il  s'imprègne 
d'éléments  gallicans  ;  le  Grégorien  l'y  supplante 
et  subit  après  lui  une  influence  analogue,  de  sorte 
qu'au  ix*^  siècle,  Rome  se  trouve  en  possession 
d'une  sorte  de  liturgie  utixte  :  avec  des  éléments 
gallicans,  puisés  dans  les  plus  anciens  recueils  de 
la  Gaule,  reviennent  à  Rome  certaines  pratiques 
du  Gélasien  qu'elle  avait  délaissées  pour  un 
temps.  Le  canon  de  la  messe  reçoit  enfin  sa  forme 
définitive,  tandis  que  les  autres  parties  de  l'ordi- 
naire et  l'élément  variable,  en  connexion  avec  le 
calendrier,  sont  encore  en  voie  de  formation. 
(IX^  siècle). 

C'est  l'époque  où  le  Missel plénier  fait  sa  pre- 
mière apparition.  Dans  un  même  livre,  on  réunit 


140  LE    MISSEL    ROMAIN 

successivement  les  oraisons,  les  lectures,  et  les 
parties  chantées.  L'initiative  de  cette  innovation 
paraît  due  à  Alcuin  qui  composa  une  série  de 
messes  pour  les  jours  de  la  semaine,  premier 
noyau  de  nos  messes  votives.  En  attendant  que  les 
copistes  puissent  donner  des  missels  complets 
d'après  le  nouveau  plan,  on  utilise  les  Sacramen- 
taires  existants  par  l'addition  d'annotations  en 
marge  et  même  de  leçons  entières.  Lorsque  se 
ferme  définitivement  la  période  des  Sacra- 
mentaires,  l'ordinaire  de  la  messe  a  reçu  quelques 
accroissements,  mais  la  forme  en  est  à  peu  près 
universellement  fixée,  sauf  les  particularités  de 
certaines  églises  et  de  certains  ordres  religieux. 
Le  Missel  dit  de  la  Curie  romaine^  voit  se  grossir 
soncalendrier,  etgrâceauxFranciscains,  se  répand 
dans  les  diverses  églises  (xv^  siècle). 

L'heure  paraît  venue  pour  l'Eglise  de  Rome 
d'intervenir  et  de  présenter  à  toute  la  chrétienté 
un  Missel  uniforme  ;  l'occasion  lui  en  est  fournie 
par  le  trouble  jeté  jusque  dans  la  liturgie  par  le 
protestantisme.  Tout  semblait  promettre  ^iW  Missel 
de  saint  Pie  V  un  succès  durable  si  le  particula- 
risme janséniste  et  gallican  n'était  venu  pour  un 
temps  opérer  une  déviation  dans  les  églises  de 
France.  Heureusement  le  XIX®  sièclea  vu  le  retour  à 
l'unité  liturgique,  et  l'Occident  tout  entier  (à  part 
quelques  exceptions  légitimement  autorisées)  se 
sert  du  Missel  Romain,  bien  déterminé  à  recevoir 
les  améliorations  que  les  Pontifes  de  Rome  appor- 
tent à  ce  recueil,  mais  fermement  résolu  à  n'en  pas 
admettre  d'autres. 

Il  y  a  toujours  témérité  à  traiter  ce  qui  touche 
de  près  ou  de  loin  à  nos  redoutables  mystères. 
Parlant  du  recueil  qui  renferme  les  prières  et  les 
cérémonies  de  la  messe,  je  n'ai  pu  me  défendre 
d'aborder  parfois  le  grand  acte  renouvelé  chaque 
jour  sur  nos  autels.  Aussi  ai-je  pris  la  liberté  de 


LE   MISSEL   ROMAIN  141 

donner  pour  conclusion  dernière  à  ce  travail 
quelques-unes  des  paroles  du  pape  Innocent  III  à 
la  fin  de  son  Traité  sur  la  messe  : 

Neino  cum  expositionem  istam  audïerii,  hoc 
sacrificùcm  sufjicieiiter aestiniet expositum. . .  Prae 
foribus  assidens  in  vestibulo,  feci  diligenter  ui 
poiui,  non  sufficienter  2it  volui...  Quocirca,  non 
soluni  benigniiin  imploro  lectorent,  verum  etiain 
desidero  liberuiit  correctorem,  Hanc  solain  apud 
homines  hujus  opitsculi  inercedem  expectans  ut 
apud  7msericordeiJt  judicem  pro  meis  peccatis 
devotas  oratiojies  effîindant  (i). 

{i)  De  sacyo  Altaris   inysterio   :  libelli  conclusio.  P.    Z., 
t.  CCXVII,  c.  913-914. 


LE    MlSbEL    ROMAIN  I40 


TABLE 


2-  FASCICULE  :  LE  MISSEL  PLENIER 

TROISIÈME  PARTIE 
Période  du  Missel  plénier. 

PRÉLIMINAIRES 3 

Première  époque  :  Le  Missel  plénier,  sa  formation 
et  sa  prédominance. 

Chapitre  Premier.  —  La  formation  du  Missel  plénier 

du  IX*  atù  xii'  siècle 9 

Article  Premier.  —  Précurseurs  immédiats  et  débuts  du 

Missel  plénier " 9 

Article  ii.  —  Le  Missel  plénier  improprement  dit 17 

Article  iii.  —  Le  Missel  plénier  proprement  dit 20 

Chapitre  II.  — L'existence  des  Sacramentaires parallè- 
lement aux  Missels  plénier  s  (x*  au  xiii*  siècle.) 2  3 

Article  Premier.  —  Les  documents 23 

Article  ii.  —  Le  contenu  des  documents 32 

§  I .  —  Place   assignée    au    canon    de   la  messe  ; 
distribution   du    propre    du    temps     et 

du  propre  des  saints 32 

§  2.  —  Développement  donné  à  l'ordinaire   de   la 

messe 36 

§  3.  —  Particularités  du  propre   du    temps   et  du 

propre  des  saints 62 

§  4.  —  Ecriture  et  ornementation  des  manuscrits.  71 

Chapitre  III.  —  Prédominance  du  Missel  plénier  et  son 

histoire  aux  xm*,  xiv*  et  xv*  siècles 82 

Article  Premier.  —  Substitution  progressive    du    Missel 

plénier  aux  Sacramentaires 83 

Article  ii.  —  Le  Missel  de  la  Curie  romaine 89 

Article  mi.  —  Le  Missel  de  quelques  églises  particulières 
et  des  Ordres  religieux 96 


144  LE   MISSEL   ROMAIN 

Deuxième  époque  :  Le  Missel  Romain  depuis 
saint  Pie  V  jusqu'à  la  fin  du  XIX'  siècle. 

Chapitre  Premier.  —  Acheminetnent  vers  une  réforme 
pour  l'unification  du  Missel. 

I.  —  Les  premiers  Missels  imprimés io6 

II.  —  Nouvelles  particularités  introduites  dans  le  Missel.     io8 

III.  —  Influence   du    protestantisme    sur   l'altération   du 
Missel 109 

Chapitre  II.  —  Le  Missel  romain  de  Saint  Pie  V {i^yo). 
Article  Premier.  —  Travaux  préparatoires    et   Bulle  de 

promulgation ii3 

Article  ii.  —  Contenu  du  Missale  Pianum. 114 

I .  —  Préliminaires ii5 

II.  —   Les   quatre   parties  du  Missel    :    ordinaire   de   la 
messe  ;  propre  du  temps  ;  propre  des  saints  ;  commun 

des  saints  et  messes  votives 116 

III.  —  Appendice  au  Missel i23 

Article  m.  —  Accueil   fait   au   Missale  Pianum  et  sa 

prompte  diffusion 124 

Chapitre   III.   —   Le   Missel   Romain   au    xvii'    et   att 

xviii*  siècle. 
Article   Premier.    —  Corrections   et   additions  émanant 

de  l'autorité  légitime 127 

Article    h.     —    Atteintes   portées    au     Missel    Romain 

dans  les  diocèses  de  France  et   les   autres   régions  de 

l'Europe 1 3o 

Chapitre  IV.  —  Le  Missel  Romain  au  xix*  siècle i36 

CONCLUSION i38 


5i'j-ii. —  Imp.  des  Orph.  Appr.,  F.  Blétit,  40,  rue  La  Fontaine,  Paris. 


Baudot ,  J . L . 


Le  missel  romain. 


BQT 
.B38 


PONTIFICAL    INSTITUTS 

OF     MEDÎAEIVAL    3TUD1ES 

59     QUilEN'S     PARK 

JoRONTO  .5i  Canada